6XC et 6,5 Creedmoor
Deux nouveaux qui frappent fort
Deux petits nouveaux qui frappent fort
Souvent regardées avec condescendance par ceux qui ne jurent que par les magnum et les ultramag, les munitions de calibres 6 et 6,5 mm sur étuis courts se taillent une place de choix auprès des tireurs, et désormais aussi de plus en plus auprès des chasseurs. Phénomène de mode ou vraie tendance de fond ? L’émergence en France de deux de ces petits calibres est l’occasion de vous donner notre opinion.
Pendant des décennies, les compétitions internationales de tir civil et militaire ont vu s’affronter les munitions réglementaires de chaque pays participant. Du 7,62x51 Nato au 7,5x55 Suisse en passant par les 7,62x54 Mosin ou 6,5 x 55 Suédois, il y avait de tout pour tous. Ces calibres très précis, puissants, et maintenant autorisés et disponibles sur le marché français, souffrent tous ( hormis le suédois) d’un inconvénient pour le tir de compétition : un recul conséquent qui fatigue le tireur et nuit à ses résultats lors de matchs où il tire jusqu’à 120 coups par jour.
L’exemple venu du froid
La Scandinavie étant la région d’Europe où le tir sportif est le plus répan - du et où sévissent les plus redouta - bles équipes de tireurs, il n’est pas étonnant que ce soit la firme suédoise Nor ma qui fut la première à se lancer dans la recherche d’une cartouche capable de la même précision mais avec moins de violence. A la fin des années 1990, le fabricant dévoile sa 6 Norma BR, un étui modifié de 6 mm BR Remington. A la place des amorces LR, on trou ve les amorces SR, dans la chambre, l’angle de prise de rayure de 3 degrés est passé à 1,5, avec un pas de rayures du canon de 8 pouces/ tour. Le tout permettant l’utilisation de balles de match lourdes, longues pour le calibre ( 105 à 107 grains), offrant des performances supérieures à toutes les munitions réglementaires, que ce soit en dérive ( moins 20% avec la balle de 107 grains par rapport au .308 Winchester et une 168 grains standard match), en tension de trajectoire ( près de 20% plus tendue) et en précision intrinsèque. Le tout pour un recul considérablement réduit. Ceux qui adoptent cette 6 Norma BR à son arrivée sur le marché raflent les mé dailles et les records en 300 m libre et 300 m CISM. Autre avantage de cette nouvelle munition, elle accroît, sans perte de précision, la durée de vie d’un canon, qui va pouvoir atteindre quelque 4500 coups, le double de ce qu’autorise un .243 Winchester. La petite suédoise est vite remarquée aux Etats- Unis où, tout en passant de 300 m à 600 et 1000 yards, elle continue de décrocher les médailles. Seul problème, sa forme râblée ne permet pas une alimentation fiable dans les armes à chargeurs pour les disciplines américaines qui combinent tir rapide et tir lent à différentes distances. Le tireur de haut niveau David Tubb s’inspire alors du 6 Nor ma BR, du wildcat 6 mm international et de la 6 mm X pour créer une munition qui allait faire date : la 6XC ( XC pour Across the Course, « toute compétition » ) . Le calibre est conçu pour offrir une vitesse équivalente à celle du .243 Winchester sans en avoir les inconvénients ( usure de la prise de rayures, sautes de pressions imprévisibles, sensibilité extrême à l’érosion de l’âme), combinée à la précision, la facilité et une usure réduite pour les canons du 6 Norma BR, dont elle utilise les mêmes balles Berger ou Sierra. Le succès est immédiat, la munition dépasse la suédoise lorsque
la distance augmente. Tubb développe avec l’aide de Sierra une balle de 115 grains qui repousse les limites de sa cartouche au- delà des mille mètres. Puis, souhaitant fabriquer des étuis de qualité en quantité, il se tourne vers Norma, qui se montre à la hauteur de sa réputation. La maison d’ Amotfors affine même encore la conception de la cartouche et la fait homologuer ( CIP et SAAMI); la 6XC devient 6XC Norma. Qualité, précision, régularité propulsent la nouvelle venue à la conquête des pas de tir où elle fait mieux que la 6 Nor - ma BR. On note que les Suisses utilisent depuis des années avec succès une munition très proche, la 6SM ( Swiss Match), développée dans le même esprit que la 6XC.
Bébé nordique
L’ Iwa 2006 voit naître un bébé conçu dans les frimas du nord de l’Europe par un couple helvético- finlandais, Lapua associé à Grünig & Elmiger : la 6,5x47. Cette cartouche de match est optimisée pour surpasser les 6BR et 6XC, offrir les performances de l’excellent 6,5x55 Suédois et de la ca pricieuse .260 Remington en utilisant les qualités exceptionnelles des balles Lapua et en exploitant l’avantage balistique des projectiles de 6,5 mm, capables d’une combinaison optimale en termes de poids réduit et de coefficient balistique. Le trois cents mètres est ici encore le principal objectif d’origine, mais le marché américain ne tarde pas à découvrir les qualités de la 6,5x47 Lapua pour les longues distances et la candidate nord- européenne gagne ses lettres de noblesse de l’autre côté de l’océan. Cette munition que nous connaissons bien tient ses promesses jusqu’à plus de mille mètres si le tireur sait ce qu’il fait. Aux Etats- Unis, où on commençait peut- être à s’agacer de la domination scandinave sur le marché des cartouches de compétition, le spécialiste du matériel de rechargement et de fabrication de balles Hornady s’est lancé depuis quelques années dans la conception de cartouches, seul ou en collaboration avec des fabricants d’armes – Ruger, Marlin ou TC Arms. En 2007, avec l’aide d’un tireur de haut niveau, la firme présente une nouvelle cartouche de match : la 6,5 Creedmoor, du nom d’un célèbre terrain de tir où se dé - roulaient de prestigieuses compé-titions. Avec cette munition, Hornady cherche, comme Lapua, à faire une .260 Remington débarrassée de son côté caractériel. Au risque de passer pour une mauvaise langue, il m’est difficile de ne pas vous faire remarquer les similitudes importantes entre la Creedmoor et la 6,5x47 Lapua, présentée une année plus tôt. Mais, à la différence de Lapua, qui en cela a laissé filer une belle opportunité, Hornady, porté par un marché immense, a depuis adapté la Creedmoor pour la chasse, offrant des chargements usine équipés de balles de chasse. Chambrée par de grands fabricants ( Ruger, Savage ou encore TC Arms) et de nombreux artisans américains, la 6,5 Creedmoor se crée une réputation grandissante outre- Atlantique et arrive chez nous, une fois de plus grâce à des préparateurs de haut niveau ( Dor- léac & Dorléac à Perpignan, Bruno Put d’ Armeca à Orange). Nombreux sont ceux qui affirmeront que ces cartouches n’apportent rien à la chasse par rapport au .243 Winchester, au 6,5 x 57, au 6,5 x 55 « libéré » ou au bon vieux .270 Winchester. Il est vrai qu’autrefois nous chassions sans 4x4, avec nos 4L et nos C15, que le 7x64, le calibre 16 et les chevrotines suffisaient bien pour stopper chamois et sangliers, que nous n’avions ni téléphones, ni radios, ni colliers GPS pour suivre la battue. Et nous passions de bons moments. Mais en quoi la performance croissante de nos équipements remettrait- elle en cause ce plaisir de chasser ? Dans un monde où le loisir se spécialise et se perfectionne de plus en plus, les chasseurs
sont les moins enclins à céder aux améliorations proposées par les fabricants, même lorsque l’investissement est pérenne, peu onéreux, efficace. Alors ne boudons pas notre plaisir et voyons ce peuvent apporter ces petites cartouches modernes à nos chasses spécialisées.
Norma part aussi
à la chasse
Après avoir développé ses versions match du 6BR et du 6XC, Norma s’est penché elle aussi sur les munitions de chasse. Scandinaves, Fin- nois, Canadiens, Américains ont la chance de pouvoir chasser certains animaux à des fins commerciales ( peaux) mais aussi tirer à balle certains grands oiseaux au posé, souvent de loin. A ce jeu, la haute précision est plus utile que la puissance. D’autre part, le nemrod suédois doit chaque année se soumettre à une épreuve de tir pour renouveler son droit de chasser et recherche de ce fait des cartouches pas trop coûteuses pour ses tirs d’entraînement. Pour tous ces usages, les petites cartouches à balles blindées sont parfaites, elles n’abîment ni les peaux ni la venaison tout en étant faciles et économiques à tirer. C’est dans ce contexte que sont nés les chargements Jakt Match en 6XC et 6BR dotés d’une balle blindée ( interdite chez nous à la chasse) dont la pointe plutôt arrondie assure un meilleur transfert d’énergie et une pénétration en ligne droite. Deux cartouches appréciées aussi pour le tir du grand tétras, des phoques et des renards polaires ; plus équilibrées que les familles .222 et .223 Remington, elles résistent mieux aux vents forts qui balaient les régions du Nord durant l’hiver. En Scandinavie, la chasse du chevreuil est prisée tout comme le tir du whitetail en Finlande et en Amérique du Nord. Le .243 Winchester convient bien à cette chasse d’approche ou d’affût, mais le 6XC y apporte un atout supplémentaire : sa précision hors pair. Conçu dès l’origine pour un boîtier court, il permet d’utiliser des armes légères, fines, agréables lorsqu’on se déplace à pied, à skis ou à raquettes. N’importe quel boîtier de Remington Seven ou 700 SA fait l’affaire. Connu en France de quelques tireurs et préparateurs comme Dorléac ou Armeca – toujours eux ! –, le 6XC est depuis quelque temps proposé en chambrage d’usine par Blaser et Sauer. Norma offre deux chargements très bien adaptés au domaine d’emploi de cette munition avec une balle Nosler Ballistic Tip de 95 grains et une Oryx maison de 100 grains. Après une bonne expérience de la 6XC en tir de compétition, j’ai pu la tester à la chasse dans une carabine standard, une Blaser R8. Malgré un canon un peu court ( 58 cm) pour une munition de cette intensité qui est au mieux avec un tube de 61 cm, voire un peu plus, les performances annoncées furent aux rendez- vous. La 6XC s’est montrée d’une exceptionnelle précision à la cible avec des cartouches Norma Diamond Line, de l’ordre d’une demi à trois quart de MOA jusqu’à 400 m, et a confirmé ses qualités avec les Norma à balles Nosler BT pour le tir d’un isard à plus de 240 m, deux renards autours de 200 m et deux chevreuils inappro-
chables. Mon opinion favorable, forgée il est vrai sur la base de trop peu de tirs, a été confortée par l’expéri-ence de Joël Dorléac qui a utilisé la cartouche pendant trois saisons et prélevé une quarantaine d’animaux
avec. « La 6XC est une cartouche efficace, ultraprécise, qui donne confian-ce à son utilisateur, estime- t- il. Elle permet un placement de balle parfait quand on combine maîtrise du tir, télémètre et lunette de qualité. » Chargées uniquement par Norma, les 6XC sont régulières et fiables. La Nosler BT sera certainement la balle la plus employée en France par les adeptes de l’approche et de la montagne en raison de sa trajectoire très tendue et de ses qualités de vol, et l’Oryx de 100 grains devrait convenir au chasseur au mirador lorsque la distance de tir est réduite et que la préservation de la venaison est essentielle ; sans pour autant faire craindre de désavantage jusqu’à 300 m. La précision de la 6XC associée à la structure de l’Oryx et son noyau soudé réduiront les dégâts sur la venaison et permettront d’envisager le tir de biches, faons, voire sangliers de taille moyenne. La 6XC sera une fidèle alliée sur les renards, chevreuils, isards et chamois. Attention toutefois à ne pas outrepasser les compétences de ce petit calibre. Dans des mains expertes, une balle de 6 mm de qualité, judicieusement placée, vient à bout du plus gros cerf, mais la marge d’erreur est trop réduite pour se prêter à ce petit jeu sans gloi - re. Le chasseur qui recharge trouvera une gamme importante de balles de 65 à 105 grains, adaptées à toutes les situations, de la marmotte au chamois. Très simple à mettre au point et à charger, ce calibre peut vous apporter de grandes satisfactions. Depuis un an, le 6 mm Norma BR est également équipé d’une balle chas se par son fabricant, l’Oryx de 100 grains. Un choix étonnant, mais assurément justifié par une demande réelle, les Suédois étant peu enclins aux décisions hasardeuses. La munition conviendra au même type de gibier que la 6XC et la .243 Winchester mais sera plus adaptée à une arme à un coup ou à une carabine à l’alimentation très retravaillée. Là encore, Joël Dorléac a produit quelques re - marquables pièces dans ce petit calibre. Très facile à recharger, il accepte avec bonheur tous les projectiles de 6 mm (. 243 pouce) de 65 à 115 grains. Bien entendu, sa précision est phénoménale. Moins rapide que les deux munitions précitées, il est encore plus confortable à tirer.
6,5 Creedmoor, match et chasse
Au lancement de la 6,5 Creedmoor, Hornady présenta fièrement sa création comme la première munition développée spécifiquement pour le match. Une annonce excessive, à l’américaine, alors même que Norma ( 6BR et XC) et Lapua ( 6,5x47) ou Ruag ( 6 mm SM) avaient précédé le fabricant de plusieurs longueurs. Un rectificatif qui n’enlève rien au mérite de la nouvelle Hornady, développée par Dave Emary, chef balisticien de la marque, et le tireur Dennis DeMille dans le but de proposer une cartouche de performance match en chargements d’usine à prix modéré. Le calibre 6,5 mm fut re tenu, pour sa balistique de vol, ainsi que l’étui du .30 TC, conçu pour TC Arms, une modification du .308 censée améliorer les performances de ce dernier. Devant les excellents résultats obtenus, Hornady, qui fabrique d’excellentes balles de chasse, décide d’ouvrir sa nouvelle munition à un usage cynégétique. Les balles de 6,5 mm sont connues depuis la fin du XIXe siècle pour leur efficacité terminale, y compris sur les plus lourds et les mieux protégés des gibiers, bien qu’aujourd’hui nous les limitons, avec sa - ges se, aux chèvres, mouflons et au - tres cervidés. Avec le 6,5 Creedmoor, Hornady et le chasseur « moyen » américain redécouvrent les valeurs du calibre .264 que les errements de Remington et Winchester ( 6,5 Re - mington Mag et .264 Winchester Mag) avaient fait passer à la trappe. Le Creed moor est également accessible au chasseur européen qui le trouve dans les catalogues Savage, TC Arms, importés par Bedec et Sidam, et Ruger, importé par Humbert. Certains préparateurs, dont ceux cités plus haut, le proposent dans des carabines techniques pour l’approche et la chasse en montagne, activités où il excelle. D’origine, le 6,5 Creedmoor est disponible avec deux excellentes bal - les, Hornady cela va sans dire : la 120 grains GMX, une monolithique en alliage cuivreux, et la vénérable SST de 129 grains. Cette dernière, sorte de mariage entre une Sirocco et une Ballistic Tip, possède une ogive tangente chère au fabricant avec un excellent coefficient balistique qui donne une bonne tenue au vent et une tension de trajectoire impressionnante. Sans vouloir dénigrer la vieille allemande, la munition fait mieux que la réputée 6,5x57 à balle KS de 123 grains, loin devant sa version à bourrelet. On flirte avec les performances usine d’une .270 Winchester chargée par Hornady avec une 130 grains SST, une cartouche qui a fait ses preuves en montagne et à l’approche jusqu’à des distances impressionnantes. Si on compare la Creedmoor à une munition de plus grande intensité