Petits mais costauds : les 7-08 Rem., .308 Win. et 7x57
7x57 Mauser, 7-08 Rem. et .308 Win., ne les sous-estimez pas !
Ils vous paraissent ridicules de petitesse, trop âgés ou trop faibles pour vos sangliers ou cervidés ? Et pourtant. Les trois calibres que nous vous présentons sont de redoutables cartouches. Précises, efficaces, performantes, elles sont tout simplement remarquables. Plaidoyer pour trois calibres petits, mais costauds !
Je suis un fidèle adepte du 9,3 x 62, du 8 x 57 IS et du .338 Federal pour la battue et le tir des grands animaux. Toutefois, pour mon travail ou par plaisir, j’emploie avec satisfaction d’autres munitions, d’autres calibres, y compris ceux dont nous parlons ici. Je n’ai jamais eu à m’en plaindre lorsque je les ai utilisés à bon escient, ce qui pour l’instant est une constante. Dans les deux dernières décennies du XIXe siècle, l’Europe domine le monde de la métallurgie, de la chimie et de l’armement d’infanterie. La France et l’Allemagne font faire un immense bond en avant aux munitions des fusils militaires. En réponse au 8 mm Lebel, les Allemands développent une munition dont la conception de l’étui fait date et toujours référence : la 8 x 57 I. D’autres pays européens suivent de près, comme la Suisse avec son 7,5 x55 de 1889. En parallèle au développement des munitions, le fusil d’infanterie évolue. Un nom sort du lot, Mauser. S’ils ne sont pas parfaits, les fusils d’Oberndorf sont globalement supérieurs au reste des armes d’infanterie. Associés à la 8x57, ils retiennent l’attention de nombreuses puissances, comme l’Es- pagne ou la Suède, qui réalisent ou font réaliser leurs cartouches spécifiques de calibre 6,5 ou 7 mm. L’Espagne, qui à cette époque est encore une puissance coloniale, commence à rencontrer des problèmes dans sa zone d’influence. Elle décide d’adopter un fusil à répétition et une cartouche moderne qui feront date : le Mauser 1892, qui deviendra le 1893, et sa cartouche de 7x57, basée sur l’étui de la 8x57 I. Cette cartouche va constituer une mauvaise surprise pour la puissance émergente que sont les Etats-Unis, lors de l’affaire de Cuba et de la bataille de San Juan, mais aussi pour l’expansionniste et perfide Albion, confrontée aux commandos boers à Spion Kop, entre les provinces du Natal et du Transvaal. On la retrouve dans toutes les révolutions et guerres civiles sudaméricaines de la fin du XIXe siècle au début du XXe. Sa longue balle cylindro-ogivale possède des propriétés balistiques inconnues jus - qu’alors. Même si ses utilisateurs sont finalement battus, les vainqueurs ont appris chèrement la leçon. Il en découlera le .30-06 et le. 276 Enfield, mais c’est une autre histoire.
Le 7x57 Mauser à la chasse
Une fois la poussière retombée, l’équilibre mondial modifié, la 7x57 est restée. Elle influencera le monde de la guerre et celui de la chasse, sauf chez nous, où elle est restée interdite jusqu’en 2013. Son impact (sans jeu de mots) se fait toujours ressentir aujourd’hui. Comme l’écrit Norma dans son manuel de rechargement, elle est « une des cartouches les mieux équilibrées jamais conçues. Ce qui est particulièrement remarquable puisqu’elle date de 1892. A la chasse, elle s’est révélée une des meilleures cartouches “tout gibier” et a été utilisée avec succès sur toutes les espèces de grand gibier que compte la planète » . Employée par John Rigby and Co sous l’appellation .275 Rigby, elle a été rendue célèbre par Karamojo Bell, qui l’adopta après avoir connu quelques déboires avec sa 6,5 Mannlicher lors du tir des pachydermes dans la région de la Karamoja, en Ouganda. Bell prélèvera plusieurs centaines d’éléphants avec sa .275, utilisant uniquement la balle blindée cylindro-ogivale, pour des tirs généralement au cerveau. Toutefois, suivant les opportunités, il tirait aussi au coeur. Il employait encore sa Rigby pour le tir de toutes les sympathiques bestioles africaines, lion et buffles inclus. Mais, comme l’écrivit Finn Aagaard, chasseur, guide et écrivain d’origine norvégienne, qui a vécu et guidé au Kenya jusqu’en 1973 et la fermeture de la chasse dans ce pays, « il n’y a qu’un seul W. D. M. Bell. C’était un tireur exceptionnel, connaissant parfaitement l’anatomie de ses gibiers de prédilection et maîtrisant la balistique de sa munition » . Aagaard reconnaît que le 7x57 n’a rien à faire à la chasse des pachydermes et grands gibiers dangereux, mais l’a utilisé avec succès sur deux grands lions, un léopard tueur de plus de 100 kg et sur quantité d’antilopes aussi lourdes que l’éland. Arthur Alphin, le père bien connu des cartouches A-Square, en pense lui aussi le plus grand bien. Les performances de la 7x57 Mauser et ses succès entre les mains de Karamojo Bell démontrent en tout
cas que cette remarquable cartouche a toujours sa place dans toutes nos chasses franco-européennes si on le désire. Jack O’Connor, qui fut le chantre du .270 Winchester et lança cette munition vers la postérité, était un grand admirateur et utilisateur de la 7 x57. Sa femme, qui l’accompagnait souvent dans ses chasses autour du monde, l’employait avec une redoutable efficacité. En Afrique du Sud, la vieille munition germanoespagnole reste aujourd’hui très employée par Monsieur Tout- lemonde lorsqu’il va chasser. Musgrave, fabricant de carabines local, la propose en chambrage courant. Aux Etats-Unis, elle est la cartouche européenne la plus appréciée et respectée depuis plus de cent dix ans. Munition souple à l’épaule, incroyablement précise, utilisant les propriétés balistiques remarquablement équilibrées des balles de 7 mm, le 7x57 Mauser ne fatigue pas le tireur tout en offrant une très bonne efficacité terminale. En utilisant les chargements d’usine actuellement disponibles, le chasseur équipé d’une carabine de ce calibre ne sera jamais ridicule face aux gibiers rencontrés dans la majorité des chasses du globe. Cette cartouche est parfaite entre les mains de ceux qui privilégient précision du tir, placement de la balle et adéquation de cette der- nière au gibier tiré, que ce soit à l’approche ou en battue. Dans sa version à bourrelet, la cartouche est toujours très utilisée en Europe continentale, avec un rendement remarquable, par des chasseurs qui se posent moins de questions existentielles que nous, utilisent ce qu’ils ont et possèdent un bon couteau pour préparer cerfs et sangliers tués.
Les cartouches de 7x57
La préparation de cet article m’a donné envie d’aller nettoyer ma petite Schoenauer en 7x57. Une carabine rare, faite pour le marché belge
et luxembourgeois au début du
XXe siècle et dont je vais de ce pas me resservir. Si comme moi vous décidez de ressortir une vieille carabine de calibre 7x57 ou .275 Rigby, vous trouverez un choix assez honnête de cartouches d’usine. Sellier & Bellot offre huit chargements de 9,1 à 11,4 g pour des vitesses comprises entre 735 à 810 m/s. Si les 735 m/s vous font sourire, gardez en mémoire que c’est avec ces performances que Bell a collecté l’ivoire qui le faisait vivre et que bien d’autres chasseurs continuent à empiler de nos jours les trophées de cerfs, sangliers, koudous, antilopes jus - qu’aux très lourds élands du Cap. Norma ne propose plus qu’une balle, mais quelle balle ! L’Oryx de 10,1 g reste une référence en termes de précision, pénétration et expansion. Lancée à 805 m/s, avec un zéro à 150 m, elle reste dans la zone vitale du chevreuil jusqu’à 200 m. Distance qui, n’en déplaise à beaucoup, reste importante pour tout tir de chasse. En battue, dans la zone de zéro à 100 m, la 7 x57 et l’Oryx lancée d’un canon de 60 cm ne sont pas très loin des 7 x64 ou .280 Remington tirées par des canons courts de semi- auto de battue. Recul et onde sonore moins prononcés sont au rendez-vous avec la vieille munition Mauser. Chez RWS, nous trouvons l’ID Classic (Brenneke Tig) de 10,4 g et la KS de 8,3 g. Avec ses 800 m/s, la première offre une DRO à 160 m. Ses performances terminales sont connues de tous. La KS et ses 900 m/s intéressera ceux qui tirent chevreuils, chamois, renards et petits sangliers. Attention toutefois, les carabines anciennes, dont le canon était prévu pour les longues balles de 11,2 g, risquent de ne pas offrir la précision optimale avec cette balle. Partizan PPU offre quatre chargements. Souvent regardées avec condescendance par les chasseurs et tireurs, je n’ai jamais eu à me plaindre de ces cartouches, en général un peu plus « chaudes » que celles des majors, comme ont dit dans l’industrie du disque. Ceux qui désirent un peu plus de vitesse avec la balle lourde originale, demi-blindée, pourront choisir la PPU qui sort à 750 m/s d’un canon de 61 cm. La Grom de 10,2 g, qui reprend peu ou prou l’idée de l’ancienne ABC d’Hirtenberger, sort aussi à cette vitesse (pressions CIP obligent), elle devrait constituer un excellent choix pour la battue. Il existe aussi des balles chez Federal et Hornady, entre autres, mais je les laisse de côté car leur chargement à relativement basse pression les maintient en dessous du potentiel de la cartouche. Mais si toutefois vous possédez une arme ancienne ou onéreuse, regardez de ce côté.
Le 7-08 Remington
Le 7-08 Remington fait presque tout comme le 7x57, mais dans un boîtier court. Lorsque le .308 Winchester est arrivé sur le marché américain, il y a soixante-cinq ans, moins d’un an s’écoula ensuite avant qu’apparaissent les wildcats issus de son étui. Un de ces « chats sauvages » fit rapidement parler de lui : le 7 mm.308 ou 7-08. Exploitant les propriétés balistiques des balles de 7 mm et l’étui court du .308 Winchester, cette cartouche se taille alors une réputation pour le tir sur silhouettes métalliques – une discipline de tir debout sans appui, où il s’agit de faire basculer un lourd mouflon d’acier à 500 m. Les tireurs découvrent que le .7-08 possède à la fois précision et puissance tout en générant moins de recul que le .308 Winchester souvent employé. Et les chasseurs, qui utilisent ce wildcat sur les cerfs whitetail et antilopes avec des balles de 140 à 150 grains, considèrent la petite cartouche avec le plus grand respect. En 1980, Remington standardise les cotes de la cartouche, l’homologue SAAMI et CIP. Le 7-08 Remington est né ! Avec son étui de 51 mm et sa longueur maximale de 71,1 mm, la cartouche trouve sa place dans les boîtiers courts des Seven et 700 SA, ainsi que dans tous ceux prévus pour le .243 ou .308 Winchester. En France, où le .308 est soumis à autorisation et interdit à la chasse, elle se fait remarquer en stand de tir, mais aussi dans les mains de chasseurs avisés, souvent adeptes du chargement de leurs cartouches. Steyr chambre même sa célèbre SSG 69 dans ce calibre uniquement pour le marché hexagonal. La Steyr Scout suit en 2000. J’ai longtemps utilisé le 7- 08 Re - mington dans deux Steyr et une
Remington, chasse et tir confondus. Méconnue, voire dénigrée par certains « spécialistes », cette petite cartouche ne m’a jamais laissé tomber. Un ami avec qui je chasse en battue et affût l’utilise depuis une dizaine d’années, conjointement au .444 Marlin, .30-06 et 9,3 x62.
Quelles balles pour le 7-08 ?
Malheureusement pour la pérennité du 7- 08, les chargements disponibles en France sont peu nombreux et souvent limités en poids de balles. Remington offre deux chargements dans sa gamme Core-Lokt : une 140 grains PSP et une 120 grains HP. La première est un bon choix pour un usage polyvalent en approche, affût et battue, la seconde, qui étonnamment coûte près de 50 % plus cher que la 140 grains, sera de la dynamite sur chevreuils et renards. Dans la gamme Barnes Vor- TX, on note aussi une 120 grains TTSX qui devrait être redoutable. Les deux balles de 120 grains sortent autour des 900 m/ s d’un tube de 61 cm, alors que la 140 grains est annoncée à plus de 870 m/s. Norma ne propose qu’une balle, l’excellente Ballistic Tip Hunting de Nosler, à environ 860 m/s. Bien que ce ne soit pas une munition de battue à proprement parler, elle y tire son épingle du jeu et, à l’approche, ses qualités ne sont plus à démontrer. Winchester l’offrait en version Ballistic Silvertip, mais elle semble avoir disparu du catalogue français, dommage. Federal offre le plus grand choix de balles spécifiques ou polyvalentes, sept en tout, bien que toutes ne soient peut-être pas disponibles chez nous. Notons une Fusion de 140 grains à presque 870 m/s qui sera particulièrement efficace pour l’utilisateur du 708 Remington en battue, grâce à une excellente expansion et une conservation de masse qui favorisent la pénétration. Un choix intéressant dans une carabine légère et courte pour ceux qui craignent le recul et ne veulent pas s’embarrasser d’un frein de bouche. Toujours chez Federal, une Trophy Copper à 850 m/s est proposée aux adeptes du sansplomb. Et ceux qui, comme l’auteur, apprécient les valeurs sûres et la polyvalence retiendront une Partition de 140 grains toujours à 850/860 m/s. Pour gagner du temps, je vous conseille de consulter les sites des fabricants, particulièrement bien faits dans le cas de Norma et Federal, avec, pour ce dernier, un outil bien utile permettant de comparer diverses balles et cartouches.