Allez, au lit !
Se prémunir de la casse ou éviter qu’une fêlure ne se transforme en drame sont deux excellentes raisons de renforcer une crosse. Ne tardez pas plus longtemps, confiez ce travail à votre armurier, vous irez chasser l’esprit plus tranquille.
Bedding et renforts de crosse
Le bois est un matériau vivant, c’est pour cela qu’il est passionnant. C’est pour cela aussi qu’il peut, au fil du temps et de l’utilisation, se déformer, sous l’effet des aléas climatiques et de l’usure. Point n’est besoin de tirer des salves et des salves pour cela, une utilisation normale suffit à déformer les bois d’une arme. Avec des répercussions plus ou moins importantes sur son fonctionnement, et même sa fiabilité. Vous ou l’un de vos compagnons de chasse avez peut-être déjà eu la fâcheuse expérience de voir la crosse d’une carabine se fissurer ou se casser sous l’action d’un tir. Sous l’effet de la pression exercée par la percus sion de l’amorce, la prise de rayure de la balle, son parcours dans le canon et la détonation, puis le recul, la partie mécanique de l’arme et le canon peuvent fragiliser la crosse et finir par la casser ou générer de micro-fêlures. Les chocs à répétition, notamment sur les carabines de calibre puissant (.375 et au-delà), peuvent altérer la solidité de l’arme et à terme fissurer la crosse à divers endroits, par exemple au niveau de la sécurité ou encore de chaque côté du devant. Certains signes peuvent vous alerter, comme la présence d’un jeu trop important entre la crosse et le mécanisme de votre arme (boîtier de culasse, canon..) ou encore lorsque les vis de sécurité laissent apparaître quelques signes de relâchement. Afin de prévenir plutôt que guérir, vous pouvez recourir à des techniques à même de renforcer la crosse. Elles sont au nombre de deux, et consistent soit à poser des tiges de métal dans la crosse, soit à réaliser un bedding.
Du métal pour rendre plus fort
Les tiges de renfort de crosse, également appelées entretoises de recul, sont de petites barres métalliques (d’acier en règle générale) qui traversent de part en part la crosse à l’arrière et parfois aussi à l’avant du boîtier. Ce dernier vient prendre appui sur l’entretoise arrière, un placage au noir de fumée ou à la sanguine s’impose. Ainsi, à chaque tir, la pression s’exerce sur cette tige de métal, quasi indéformable, et non plus sur le matériau meuble qu’est le bois, et se répartit dans l’ensemble de la crosse. Ces renforts peuvent être mis en place en usine, comme c’est le cas sur les modèles Safari de la CZ (calibre .450 ou .550) ou sur certains drillings de fabrication autrichienne. Ils peuvent aussi être installés ultérieurement, sur des armes achetées neuves ou d’occasion lors que les
premiers signes de fatigue se font sentir ou lorsqu’une fissure est re marquée. Sachez toutefois qu’une fêlure dans le bois, même importante, ne signifie pas forcément que la crosse doit être changée, mais une visite chez l’armurier s’impose.
Vive la solidarité !
L’autre solution pour renforcer votre arme consiste à y faire réaliser un bedding, c’est-à-dire un moulage du boîtier de culasse dans la crosse, qui va réguler le régime vibratoire du canon en maximisant le contact de la crosse avec le fond du mécanisme. Utilisé à l’origine sur les armes sportives pour assurer une régularité parfaite tir après tir, le bedding est aussi un moyen très efficace de renforcer et maintenir un assemblage so lide de toutes les pièces de l’arme. Les écarts de température, d’hygrométrie et les vibrations auxquels sont soumises les crosses ne les mettent pas à l’abri des déformations et cela en dépit d’un huilage et d’un entretien exemplaires. Les différentes ré sines auxquelles recourt la technique du bedding vont doter le bois d’une stabilité parfaite. L’ensemble boîtier de culasse/ crosse acquiert une unicité à toute épreuve. Bien que les carabines soient traditionnellement dotées d’un logement en bois façonné dans le devant de la crosse, les contraintes évoquées peuvent les déformer. Avec un calibre puissant, un boîtier de culasse directement inséré dans un moulage en résine indéformable sera bien plus sécurisant. Sans compter qu’en plus de cette résistance renforcée, l’arme gagne une plus grande précision. Vous l’aurez deviné, c’est une intervention qui doit être réalisée par un homme de l’art. Il s’agit de maîtriser la mise en place de la résine, encore malléable, au contact du métal pour pouvoir ensuite la désolidariser sans mal. J’ai vu un jour débarquer dans mon atelier une carabine dont la mécanique était arimée pour l’éternité au bois de la crosse. La seule solution restait de casser la crosse et de poncer le métal jusqu’à le débarrasser de la résine durcie. La petite économie réalisée en voulant se passer d’un professionnel se soldait par un sauvetage au coût astronomique.