De l’importance de la conformation
Le canon tire, la crosse tue !
Le canon tire, la crosse tue!
« C’est le canon qui tire, mais c’est la crosse qui tue ! » Ce précepte armurier résume l’importance que recèle une crosse conformée à la morphologie de son utilisateur. C’est un gage de précision et de confort, avec à la clé le plaisir d’enchaîner des tirs réussis. En ce début de saison, nous vous livrons quelques trucs pour vérifier que votre fusil vous tombe bien. Dans le cas contraire, il est plus que temps d’aller rendre une visite à votre armurier.
Notre fusil doit être ressenti comme le prolongement de nos sens, de la vue, du toucher, de l’ouïe même, et surtout pas comme un appendice encombrant. De tous les éléments qui le composent, sa crosse constitue le trait d’union avec le tireur, voilà pourquoi il faut en déterminer les cotes avec précision. Si c’est le cas, il devient aussi facile de pointer le guidon sur le gibier que de le désigner de l’index. Car contrairement au tir sur cible fixe à la carabine, où l’accommodation visuelle se fait d’abord sur la hausse et le guidon, on ne vise pas au fusil de chasse, on pointe. De ce fait, le guidon reste flou, tandis que l’oeil directeur fait la mise au point – on « accommode sur le gibier » . Comme la frappe au tennis ou au golf, le tir en mouvement est un lancer. C’est pourquoi la conformation de la crosse est primordiale pour obtenir un appui correct et constant sur le busc. Une fois enregistré par le cerveau, cet appui sert de guide à ce que Ferdinand Courally appelait la « visée automatique ». Sur la justesse de ce contact entre le busc et la « zone d’appui », sous l’os malaire, repose une grande part de la réussite du tir en mouvement. Pour obtenir cette crosse idéale, il faut jouer sur quatre éléments, quatre cotes principales qui ont chacune une influence sur la qualité du tir : la prise en main, la longueur, la pente et l’avantage.
Prenez les choses en main
Nous ne détaillerons pas ici les cotes d’une poignée de crosse anglaise, d’une esthétique inégalée quand elle équipe un fusil juxtaposé. Associée à une double détente, sa forme est parfaite pour permettre à la main de glisser facilement d’une détente à l’autre. Malgré toutes ses qualités, beaucoup lui reprochent d’entraîner une position un peu haute de la main qui peut faire lever la tête, et tirer haut, par l’anticipation du recul que
génère l’appréhension de la rencontre du pouce avec le nez. La solution est de rallonger la crosse. Ou bien de choisir une forme en col de cygne, belle de surcroît – songez aux Browning B25 Spécial Chasse et CCS 25 –, qui fait se positionner la main plus bas. Sur un fusil à monodétente, rien n’égale une poignée demi-pistolet ou, mieux, pistolet pour caler la main, particulièrement pour le tir des doublés. Avec une arme standard, il est impossible de modifier les dimensions de la poignée si elles ne conviennent pas. Dans le cas d’une crosse sur mesure, les cotes de la poignée seront à définir en premier car elles conditionnent toutes les autres mesures de la crosse. Le volume de cette poignée doit être proportionnel à la taille de la main et comporter idéalement un léger renflement au niveau de la paume. Il s’agit d’une cote assez subjective, on est avant tout dans le domaine de la sensation, contrairement à une cote de pente ou d’avantage qui détermine directement la rectitude du tir. Les autres cotes de la poignée doivent être établies de façon à ce que l’index ne soit pas trop engagé sur la queue de détente, c’est-à-dire au-delà de l’articulation de la première phalange, pour ne pas favoriser le coup de doigt. A l’épaulé, la main doit se trouver dans une position confortable et relativement basse pour dégager la ligne de visée et limiter la sensation de recevoir la main dans la figure. Le poignet ne doit pas être cassé mais doit prolonger l’avant-bras. La longueur d’une crosse correspond à la distance entre la monodétente ou la première détente et le milieu de la plaque de couche. Une crosse de bonne longueur évite tout contact entre le pouce et le nez lors du recul et permet un calage naturel de la plaque de couche au creux de l’épaule, après l’avoir simplement glissée le long du buste, sans nécessiter de mouvement horizontal du fusil. Afin de conserver la même zone d’appui sur le busc au fil de la saison de chasse, on peut prévoir deux plaques de couche d’épaisseurs différentes pour s’ajuster aux vêtements plus ou moins épais. Il est aussi possible d’utiliser un busc réglable ( cf. encadré ci- contre) si son esthétique ne vous incommode pas. Une plaque de couche, dont le poids varie jusqu’à 200 g d’un modèle à l’autre, peut également venir rééquilibrer un fusil qui a tendance à piquer du nez. A cette cote principale s’en ajoutent deux autres, les longueurs au talon et au bec, qui déterminent aussi ce que l’on nomme le pitch ou la tombée, à savoir l’inclinaison de la plaque de couche (entre 85 et 90 degrés) dans le plan vertical par rapport à la bande de visée. Il faut éviter, malgré ce que l’on entend dire parfois, de chercher à régler la hauteur du tir en jouant sur la longueur de crosse, qui doit uniquement concourir – avec la pente au talon, la largeur de la plaque de couche et l’avantage au talon et au bec – à son application parfaite au creux de l’épaule. Ajouter du bec à une crosse sous prétexte de rehausser le tir est non seulement une erreur, mais risque de blesser. En revanche, si le fusil est destiné à une femme, il n’est pas interdit de bi - seauter la plaque de couche pour préserver la poitrine.
Sur une bonne pente
Une bonne inclinaison de la pente de la crosse doit permettre de placer l’oeil à la bonne hauteur par rapport à la bande. Avec un fusil, exactement comme avec une carabine, l’oeil fait office de hausse selon sa position au niveau du tonnerre. Plus l’oeil est haut au-dessus de la bande, plus le fusil tire haut et inversement. La pente se mesure depuis le som-
met du busc et par rapport au prolongement de la bande de visée. Avec une crosse classique, trois cotes sont à retenir. D’abord celle au talon, afin que la crosse ne dépasse pas au-dessus de l’épaule, comme on le voit trop souvent. A partir de cette cote, on détermine la cote (ou zone) d’appui au busc, primordiale, car c’est elle dont dépend la hauteur du tir, en découvrant plus ou moins de bande. Enfin, il y a la cote en tête de busc. Ces trois mesures réunies déterminent l’inclinaison du sommet du busc par rapport à la bande. On n’insistera jamais assez sur l’importance d’un bon calage de la base de la pommette sur le busc pour guider précisément le rayon visuel dans l’axe de la bande et à la bonne hauteur. Une façon pratique de mesurer la hauteur de la bande perçue par le tireur une fois qu’il a épaulé consiste à empiler deux pièces d’un euro ( dont l’épaisseur est de 2 mm) au niveau du tonnerre. Si les deux pièces masquent totalement la bande, on dit que le tireur prend 4 mm de bande. Dans le cas d’un fusil réglé (ras de bande) point visé point touché à 35 m, voir 4 mm de bande à cette distance correspond, avec un canon de 75 cm, à rehausser à cette distance le tir de 18,66 cm. Selon la formule : hauteur de l’oeil au tonnerre X distance du but / ligne de mire = correction en hauteur. Pour des commodités de calcul, nous avons ici considéré que la ligne de mire égale la longueur du canon. Sur une arme lisse, elle correspond en fait précisément à la distance séparant le tonnerre du sommet du guidon.
Des cotes à votre avantage
Un guidon volumineux rabaisse le tir, à l’inverse d’un fin grain d’orge, voire d’un canon dépourvu de mire. Nous avons chacun nos préférences quant à la quantité de bande perçue lors de notre tir. Certains grands tireurs aiment dégager un peu de bande pour bénéficier de sa perspective pour pointer sur la cible, d’autres ont l’habitude de tirer « à ras de bande ». Disons que découvrir entre 2 et 4 mm de bande favorise un meilleur contrôle de la cible en la soulignant légèrement. L’avantage correspond à l’inclinaison horizontale de la crosse par rapport à l’axe des canons. Elle est primordiale puisqu’elle permet de centrer l’oeil par rapport à l’axe de la bande. Exactement comme pour la pente, l’oeil fait office de hausse. Si l’oeil est désaxé sur la gauche par rapport à l’axe de la bande, l’avan- tage est insuffisant et le canon tirera à gauche. Inversement, avec trop d’avantage à droite, l’oeil est désaxé à droite, le canon tirera à droite. Réciproquement pour un gaucher. Une bonne façon de contrôler cette mesure consiste à coincer un brin d’herbe au milieu du tonnerre de façon à le faire dépasser verticalement de 1 cm. On épaule les yeux fermés, puis on vérifie que l’on est bien centré sur la bande. Pour calculer l’écart en cible de tout défaut d’alignement latéral de la pupille au tonnerre, la formule est la même que précédemment. Par exemple, un écart de visée latérale de 3 mm à gauche ou à droite de l’axe de la bandeau tonnerre représente à 35m un écart de 14 cm avec un canon de 75 cm. La formule est la suivante : décalage latéral de la pupille X distance du but / longueur de la ligne de mire = correction latérale. Au vu de ces deux formules, on comprend que des canons longs réduisent les erreurs de visée. L’avantage est défini par quatre cotes. Il y a d’abord l’avantage à la zone d’appui de la joue sur le busc. De cette mesure dépend le centrage de l’oeil sur la bande, c’est pourquoi un crossier compétent cherchera l’alignement en jouant d’abord sur l’épaisseur de la crosse et pas sur
l’avantage au talon. En effet, aligner l’oeil sur la bande du canon en intervenant uniquement sur l’avantage au talon de la crosse sans modifier toute la crosse aura pour conséquence de sortir la plaque de couche du creux de l’épaule. Résultat, une perception du recul accrue et douloureuse. Epauler sur l’épaule est inconfortable et ne permet pas la précision nécessaire au tir. Et pourtant combien de fois observe- t- on cette position… La deuxième cote est l’avantage au talon, utile pour placer la plaque de couche au creux de l’épaule. En fonction de la carrure du tireur, cette mesure n’est pas toujours nécessaire. La troisième cote est située en tête de busc. Ces trois cotes réunies (zone d’appui, talon et tête de busc) aboutissent à la bonne inclinaison horizontale au busc. Beaucoup d’entre nous tireraient mieux avec une crosse droite ou un busc décalé. Ce dernier donne l’agréable sensation de mettre en joue et d’épauler à l’intérieur de sa crosse. Tester une crosse pour gaucher si on est droitier (et inversement pour un gaucher) permet de se faire une idée de ce ressenti, qui peut être étonnant. La dernière cote d’avantage est au niveau du bec de crosse. Elle est in dispensable, quelle que soit l’orientation retenue pour le sommet du busc, pour éviter le vrillage (ou dévers) des canons lors de l’épaulé, ce qui engendre une inclinaison de l’arme autour de la bande. Dans le cas d’un superposé, on constate que les canons ne sont plus verticaux et, avec un juxtaposé, qu’ils ne sont plus horizontaux, avec pour conséquence le déplacement de l’impact de la gerbe vers le bas et dans la direction du dévers. Une fois votre crosse prête, il vous faudra vérifier la qualité du travail effectué, ce qui passe obligatoirement par un tir de contrôle à la plaque à une vingtaine de mètres. A cette distance, la gerbe serrée permet de détecter tout défaut d’alignement sur sa crosse en site (hauteur) et en dérive (latéralement). En action de chasse, le gain de temps procuré par une crosse bien conformée s’avère souvent décisif. La cros se se place au bon endroit, avec la ligne de mire dans le prolongement de l’oeil directeur – à condition bien sûr que l’épaulé et la mise en joue soient bien en place et constants. Dès lors, les saisons s’enchaînent avec plaisir et sans moments de dé - couragement.