D’autres « belles américaines »
L’armurerie fine US aux abonnés absents ?
Les Etats-Unis, dont la production armurière est pourtant pléthorique et souvent inventive, ne sont pas réputés en Europe pour leurs fusils juxtaposés haut de gamme. Est-ce une fausse idée ou le reflet d’une triste réalité ? Nous nous sommes posé la question…
Cherchez bien… S’il y a de tout chez l’Oncle Sam, semi-autos, fusils à pompe, superposés, on y voit peu de juxtaposés et surtout presque pas de « fusils fins » tels qu’il en existe en Europe. L’intense productivité des grandes firmes américaines fut immédiatement activée lorsque l’armurerie mondiale franchit le pas décisif de l’hammerless, lequel fut illico adapté à l’immense mar ché ouvert dans le Wild West où la réalité de la chasse était bien différente de la nôtre. L’armurerie n’était alors certainement pas à la traîne aux Etats-Unis, comme en témoignent toutes les inventions de la moitié du XIXe siècle (Colt, Remington, Winchester, Browning, etc.). Pour la partie métallurgie, le canon Damas fut abandonné dans la décennie 1880-1890, soit presque immédiatement après l’invention de l’acier coulé sous pression par Bessemer, en 1874. Les premiers Purdey fabriqués selon ce procédé datent de 1880, vite suivis par Lefever et son Optimus en acier Kilby, en 1889. Le juxtaposé, arme classique chez nous, en bénéficia le premier, mais dans un emploi différent « à l’ouest de la rivière Pecos » que ce lui qui en était fait en Sologne pour la caille ou le perdreau.
Au diable les fioritures
L’arme, là-bas, tenait de l’outil de survie. C’est selon cette notion que furent fabriqués des juxtaposés aux normes de fabrication bas de gamme, certes, mais extrêmement solides et polyvalents. On devait pouvoir tirer les charges les plus lourdes à grande distance et dans un large éventail de situations : se mettre une perdrix sous la dent pour le casse-croûte du midi, repousser un ours envahissant, décourager les offensives des Indiens ou ramener à la raison les patibulaires outlaws de rencontre. C’est dans ce contexte que naquirent les premières charges lourdes avec des douilles intégrales en laiton tourné, faciles à réamorcer et à recharger. Chose précieuse quand, en pleine ruée vers l’or, on prenait la route de l’Oregon, avec tout le barda sur le chariot. Plus tard, en 1932, quand la Western Company sortit ses premières cartouches mag-
num en 10, Ithaca, puis toute la production locale (Fox, Winchester et son modèle 21 introduit l’année suivante) ont dû suivre avec des fusils renforcés et assez solides pour tirer d’impressionnantes charges. Les grandes années du fusil de chasse à deux coups aux Etats-Unis se situent donc entre 1875 et 1925, avec une qualité fonctionnelle aussi bonne que ce qui se faisait en Europe à la même époque. Sur le registre esthétique en revanche, on était à des années-lumière. La tendance ne fit que s’amplifier avec la Grande Dépression, amorcée dès le début des années vingt et qui n’incitait guère à la production d’armes fines et chères. Ensuite, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le marché fut inondé d’occasions à bas prix. Il n’y avait aucune raison de faire du neuf, sauf comme avant, à l’extrémité inférieure du marché où Stevens, par exemple, produisait du « mastoc », sans doute, mais solide à l’usage. Au final, on obtient une production réputée pour sa simplicité de conception, intégrant peu de pièces mobiles, un bon ajustement fait d’usine, et beaucoup de pièces disponibles un peu partout, à portée de réparation des premiers artisans venus – maréchaux, forgerons, charrons – dans l’immense Far West. Malgré la concurrence féroce que se livrèrent les fabricants, notamment à l’occasion des grandes compétitions de tir organisées aux quatre coins du vaste pays, jamais la clientèle ne fut prête à mettre un bon tas de dollars pour une arme de grande facture. A part L. C. Smith, qui réalisa quelques platines, les fusils doubles américains furent tous des hammerless type Anson & Deeley. Mê me les fabricants les plus réputés comme Lefever, Crescent et Tobin n’ont produit que des fauxcorps. Pour autant, tous s’impliquèrent dans le tourbillon du Grand American Handicap ( soixan te dates !) faisant alterner tir au pigeon vivant et d’argile. On tira même du toit du Madison Square Garden de New York. Les top guns Rolla Heikes, Fred Gilbert, W. H. Heer, W. R. Elliston, patronnés par toutes les grandes marques, tournaient autour de 97 % de réussite. Chaque succès faisait l’objet de campagnes de publicité démesurées. J. M. Browning s’impliqua en personne et fit triompher J. J. Blanks, juste avant que l’équipe américaine ne remporte l’épreuve des Jeux olympiques de 1912 avec… des Remington à pompe.
La finesse US, kesako ?
Pourtant… Il n’est pas inconcevable de parler d’armes belles et américaines. A commencer par celles de Baker. William H. Baker, né en 1835, commença à produire des fusils de chasse en 1867 à Lisle (Etat de New York), puis travailla quelque