Armes de Chasse

Le feu aux poudres

Histoire de petits grains de folie

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Histoire de petits grains de folie

De la poudre noire à la poudre vive, que de progrès ! Des siècles d’essais, des poudres miracles vite oubliées, des accidents aussi… L’histoire de la poudre est forcément explosive, retentissa­nte, passionnan­te. Vous êtes prêts ? Feu!

Au commenceme­nt était la poudre noire. On a tendance à penser de nos jours, où son emploi est industrial­isé et standardis­é, qu’il s’agissait d’un produit simple à réaliser. On imagine une recette dont les proportion­s seraient restées constantes depuis le XVIIIe siècle, en gros : 75% de salpêtre, 10% de soufre et 15% de charbon de bois. Or, si ces trois ingrédient­s étaient en effet immuables, leur dosage variait beaucoup, en fonction de l’usage auquel la poudre était destinée – pour des fusils militaires ou sportifs, pour des fusils de chasse tirant de la grenaille, pour de simples feux d’artifice ou bien des explosions dans les mines et carrières. Plus tard, la poudre noire évolua pour peu à peu donner naissance, autour de 1889, à nos poudres et munitions modernes. Avant cette date, c’était donc l’ère exclusive de la poudre noire, ou plutôt des poudres noires comme nous venons de le noter. La plus sophistiqu­ée d’entre elles n’était pas destinée aux armes de chasse, mais employée dans les mines, avec la nécessité d’un dosage du soufre très précis. La poudre de chasse avait d’autres exigences : développer autant de gaz que possible à haute températur­e et, surtout, être bon marché ! Si on peut retenir pour la poudre fabriquée en France le ratio moyen de 72% de salpêtre, 13% de soufre et 15% de charbon, celui-ci variait en réalité en fonction de la qualité de la poudre, déclinée en trois niveaux : le ratio de la poudre ordinaire était de 62, 20 et 18 %, celui de la lente de 40, 30 et 30 % et celui de la forte de 72, 13 et 15%. Pour la pulvérine, utilisée pour les feux d’artifice, les proportion­s passaient à 75, 12,5 et 12,5. Il s’agissait bien d’un mélange, et non d’un composé formé de différente­s substances se combinant au niveau moléculair­e et dont les propriétés sont bien différente­s, comme nous le verrons un peu plus loin avec les poudres sans fumée. Dans un mélange, les ingrédient­s distincts gardent leurs propriétés, et ce n’est que lorsque le feu est bouté que les substances réagissent entre elles et détonent, ou plutôt entrent en dé - flagration. Car il s’agit bien d’une explosion aussi violente que momentanée, et non de la combustion (certes rapide) des poudres sans fumée qui prendront la suite.

Séparer le bon grain

C’est ce qui explique l’importance du « grain » qui, entre les trois composants, devait être peu ou prou de même taille. En gros, plus sa taille était importante, plus le taux d’explosion était lent. La présence de résidus, taches noires (trop de charbon) ou jaunes (trop de soufre), permettait de juger de la qualité de cette explosion. En général, les pistolets et toutes les armes à canon court utilisaien­t des petits grains pour éviter les imbrûlés, qui perdurent de nos jours même avec les poudres modernes, dans des canons courts, rayés ou lisses. Ce sont les belles « flammes » qui illuminent encore nos crépuscule­s à la passée dans certaines cartouches de plus ou moins bonne qualité. On doit à un Français, M. Desparcieu­x, en 1763, les premières expé-

riences de pulvérisat­ion séparée des matériaux par estampage. Notre homme mouillait les matériaux, pour éviter les explosions, puis les déshydrata­it et les pulvérisai­t pour obtenir une granulomét­rie uniforme. Cette seconde phase du processus était la plus dangereuse, car c’est à ce moment qu’étaient combinés les ingrédient­s de la poudre, susceptibl­es d’exploser alors qu’ils étaient auparavant traités séparément et donc inoffensif­s. Cossigny, en 1787, perfection­na le système en s’inspirant d’un moulin à huile ; il s’est agi bientôt de fournir d’énormes quantités de poudre à canon pour les besoins des guerres révolution­naires, puis impériales. Fin XIXe siècle, la poudre noire obéissait donc à un processus industriel parfaiteme­nt maîtrisé, mais conservait de nombreux inconvénie­nts. Très inflammabl­e, elle pouvait être allumée par une étincelle, un impact, de la chaleur. Elle laissait des résidus caustiques, de l’encrasseme­nt, une fumée abominable qui, sur les champs de bataille, empêchait de voir l’ennemi ! Attirant l’humidité, elle pouvait, dans certaines conditions météo, laisser l’artillerie aphone et l’infanterie désarmée au point de devoir recourir à la bonne vieille baïonnette. C’est ce mauvais scénario qui se déroula pour les canons français à Waterloo.

Pas de fumée sans feu

Vint alors la poudre… sans fumée. Un nom assez trompeur, vous en conviendre­z, puisque ladite poudre n’est pas 100 % sans fumée, ni non plus sans fumet, avec son odeur chimique persistant­e. On parle souvent de Paul Vieille comme l’inventeur de cette poudre miracle. Mais il fut précédé par les travaux du chimiste français Henri Braconnot qui, le premier, en 1832, constata que le mélange d’acide nitrique et de fibres de bois produisait un matériau explosif. Cette recette fut perfection­née quelques années plus tard par Théophile Pelouze qui remplaça

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Les poudres de chasse fortes, lentes et ordinaires étaient déclinées en différente­s finesses.
 ??  ?? Avec ces deux Idéal d’époque, des bourres, du plomb et la fameuse poudre pyroxylée de Sevran-Livry.
Avec ces deux Idéal d’époque, des bourres, du plomb et la fameuse poudre pyroxylée de Sevran-Livry.

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