Armes de Chasse

9,3x62 contre .338 Win. Mag

Le match improbable magnum-standard

- Dominique Czermann

Le match improbable magnum-standard

Quelle étrange idée de comparer une cartouche standard de 1905, conçue pour l’Afrique et devenue une référence en battue, que beaucoup n’envisagent pas employer au-delà de cent mètres, à une magnum méconnue de 1958, qu’utilisateu­rs et même fabricants voient plutôt comme un super .300 Magnum. Sommes-nous devenus fous ?

Non, la démence ne s’est pas emparée de nous. Si on détermine un domaine d’emploi raisonnabl­e couvrant la battue française, la chasse à l’avant des Nordiques, la montéria ibérique, la chasse dans les forêts de l’est et du nord-ouest des Etats-Unis ainsi que la chasse africaine, alors l’idée de comparer 9,3 x 62 et .338 Win. Mag n’apparaît pas si incongrue.

Match germanoamé­ricain

En 1884/85, après la conférence de Berlin voulue par le Portugal et organisée sous l’égide de Bismarck, a lieu le découpage de l’Afrique en zones d’influence sous l’autorité des puissances coloniales de l’époque. Les colons allemands s’installent en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Le gibier, solide, est leur source d’alimentati­on. Il leur faut des armes et des munitions adaptées. Otto Bock, armurier berlinois, développe, en 1905, le 9,3 x62. La cartouche restera une référence. Ses dimensions autorisent l’emploi dans des armes simples et économique­s, sur base Mauser 98. Début des années 50, l’Amérique est la première puissance mondiale. L’industrie tourne à fond, les loisirs et la chasse aussi. La disparitio­n des munitions anglaises et les chasseurs américains qui affluent en Afrique, sur leur nouveau « terrain de jeu », poussent Winchester à créer le .458 Winchester Mag qui arrive sur le marché en 1956. Malgré de petits soucis, la cartouche fait le travail. Son étui est récupéré, réduit en diamètre pour former, deux ans plus tard, les .264 et .338 Winchester Mag. Si le premier décolle immédiatem­ent, le second stagne. En 1962, le 7 mm Remington Mag aura raison du .264 Win. Mag. Le .338 gagne du terrain, Winchester le propose dans le modèle 70 Alaskan avec un tube de 63,5 cm. Le .338, comme le .277, est vraiment un calibre 100% américain et 100 % Winchester, fortement inspiré des idées d’Elmer Keith (lire p. 96-97) et par le .333 OKH Belted. La cartouche arrive avec deux balles, une Power Point de 13 g et une Silvertip de 16,2 g. Vers 1961, une Power Point RN de 19,4 g fait une brève apparition. Il est difficile de comparer ces cartouches, car si certains fabricants américains proposent le 9,3 x 62, c’est dans des chargement­s convention­nels à pressions assez basses, avec des balles de 18,5 g, hormis Hornady et sa GMX de 16,2 g. D’autre part, quand on compare les énergies, les dés sont pipés par la vitesse très supérieure du .338 Win. Mag,

qui développe au moins 400 bars de pression supplément­aires et brûle plus de poudre que le 9,3 x 62. En Europe occidental­e, en battue sur tous nos grands gibiers, le 9,3 x 62 est de plus en plus employé avec des balles de 15 g, souvent une Vulkan ou une Oryx. Lancées à environ 800 m/s d’un tube de 60 cm, elles développen­t une énergie de 4 810 J à la bouche pour 4 176, 3 610, 3 100 et 2 650 J à 50, 100, 150 et 200 m. La Vulkan fait toujours un tout petit peu mieux que l’Oryx. Avec une DRO à 160 m, l’Oryx est à - 8 et - 24 cm à 200 et 250 m pour 595 et 550 m/s. Suffisant pour que les deux balles travaillen­t bien. Prenons la .338 Win. Mag avec une Oryx de 14,9 g. Avec une vitesse initiale de 840 m/ s, elle développe 5260 J à la bouche pour 4760, 4300, 3875 et 3480 J aux distances de référence. Les trajectoir­es sont plus tendues que celles de la 9,3 x 62 (DRO 160 m), mais l’écart (- 6 et - 18,5 cm) n’est pas ce que beaucoup s’imaginent. Avantage au .338 Win. Mag, du moins sur le papier. Mais ces chiffres sont obtenus à partir de canons de 61 cm. Combien de chasseurs utilisent-ils aujourd’hui des canons de cette longueur ? Avec un volume d’expansion plus favorable, le 9,3 x 62 perd moins de vitesse que le .338 quand on raccourcit le canon. Passé une certaine longueur, les Oryx de 15 g en 9,3 x 62 et de 14,9 g en .338 Win. Mag sortent du tube à la même vitesse ou presque. A noter, si le 9,3 x 62, dans des tubes courts, n’est pas particuliè­rement doux aux tympans, la .338 Win. Mag est réellement douloureus­e. A vos casques !

Montée en poids et en rareté

Si on monte en poids, les offres en .338 Win. Mag se réduisent, les fabricants poussant la vitesse et le sansplomb. Le poids standard de 16,2 g se retrouve chez Federal, Sako, Remington. Chez Remington et Federal, on peut compter sur 795/800 m/s à partir d’un tube de 61 cm, alors que la Sako Hammerhead, chargée à basse pression, donne à peine 748 m/s. Une 9,3 x62 de même poids sort en moyenne à 755/760 m/s d’un canon de même longueur. Un contrôle avec un logiciel de calcul montre que, jusqu’à 250 m, une .338 Win. Mag à balle Partition de 16,2 g délivre 5 120 J à la bouche pour encore 4 728, 4 360 et 4 015 J à 50, 100 et 150 m. Une RWS KS de 16 g lancée à 800 m/s produit aux mêmes distances 5 120, 4 548, 4 033 et 3 559 J. L’avantage va au .338 Win. Mag, mais doit être relativisé car les balles n’ont pas le même coefficien­t balistique, ce qui favorise le .338 dès sa sortie du canon. Avec la GMX de 16,2 g proposée par Hornady et bien que les structures diffèrent, le 9,3 x62 réduit l’écart en tension de trajectoir­e. Quand on passe aux lourdes balles de 18,5 et 19 g en 9,3 x 62, il n’y a plus d’équivalent commercial en .338 Win. Mag. Le 9,3 x62, même s’il ne développe pas plus d’énergie que le .338 Win. Mag, domine largement si on prend en compte la quantité de mouvement et la surface frontale dans la zone des 200 m. Ce sont ces balles qui ont fait sa réputation sur tous les continents, y compris aux Etats- Unis depuis une vingtaine d’années. La vitesse ne fait pas tout. Une Oryx, une Partition ou une Swift

A-Frame de 18,5 g à 720/730 m/s sont encore plus efficaces que les chargement­s du début du XXe siècle. Excellente pénétratio­n et expansion conséquent­e jusqu’à 250 m associées à une DRO d’environ 160 m permettent des tirs « en restant sur le poil » de tous les grands gibiers de la taille du cerf jusqu’à un bon 250 m. Audelà, le 338 Win. Mag prend le dessus à condition d’employer un canon de longueur suffisante et une balle adaptée. A courte portée avec des balles dures type monométall­ique, il se justifie en raison de sa vitesse plus élevée. Mais attention à ne pas céder à la mode des balles trop légères. Toutefois, pour un usage bat- tue, chasse à l’avant aux chiens et montéria avec 200/ 250 m comme limite de tir, le français Sologne enfonce le clou avec sa GPA. Ici, le 9,3 x 62 et la GPA de 15,4 g à 830 m/s passe devant le .338 Win. Mag et la GPA de 13,8 g à 850 m/s en termes d’énergie, surface frontale et quantité de mouvement. Il concède à peine 4 cm de chute supplément­aire à 300 m, ce qui est parfaiteme­nt négligeabl­e. La lenteur de la 9,3 x 62 est oubliée et sans dépasser les pressions CIP.

Prime à l’âge ?

Pour les adeptes du sans-plomb et du 9,3 x 62, il faut retenir aussi les Norma Eco Strike, RWS Evo Green et Geco Zero. Ces trois balles lé - gères et rapides transforme­nt la vieille cartouche d’Otto Bock en termes de trajectoir­e et font oublier la réputation que ceux qui ne l’emploient pas lui font. Ajoutons à ces cartouches la remarquabl­e Fip Sau- vestre en 16,25 g, à 760 m/ s à la bouche. Ces cartouches sont remarquabl­ement efficaces si l’utilisateu­r apprend à connaître leurs qualités et leurs petits défauts. Différente­s par conception, leur domaine d’emploi se chevauche, la 9,3 x 62 restant mon choix pour les distances entre 0 et 200 m, la .338 prenant le relais au- delà ou avec des balles dures dont l’expansion n’est garantie que par une vi tesse d’impact élevée (Barnes et dérivées). Les deux munitions peuvent être améliorées par un chargement individuel spécialisé. La Nosler BT de 16,2 g à 840 m/s à partir de ma SBS 96 ou la GPA de 15,4 g et 830 m/s offrent toujours de grands moments d’efficacité terminale et de bonheur qui me font oublier ma .338 Winchester Mag. J’aime bien avoir deux ou trois coups de plus à dispositio­n dans un magasin vraiment fiable et, à ce jeu, le 9,3 x 62 l’emporte.

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 ??  ?? 9,3 x 62 Depuis sa création en 1905, la 9,3 x 62 s’est imposée partout dans le monde, face à tous les gibiers, même parfois les plus dangereux. Elle reste une référence. A sa naissance, la .338 Winchester Magnum fut pensée comme le chaînon manquant entre le .300 Win. Mag et le .375 H& H. .338 Winchester
9,3 x 62 Depuis sa création en 1905, la 9,3 x 62 s’est imposée partout dans le monde, face à tous les gibiers, même parfois les plus dangereux. Elle reste une référence. A sa naissance, la .338 Winchester Magnum fut pensée comme le chaînon manquant entre le .300 Win. Mag et le .375 H& H. .338 Winchester
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En .338 Winchester Magnum, il n’est guère possible de tirer des balles de plus de 14,9 g.
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Avec l’arrivée des balles monométall­iques, les poids de balles en 9,3 x 62 ont atteint les 16 g et désormais les 12 g.

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