La vitesse des plombs de chasse
Ce qu’en disait le général Journée
Ce qu’en disait le général Journée
Le général Journée a publié en 1902 un ouvrage qui, 115 ans plus tard, fait encore référence pour la balistique du fusil de chasse. On lui doit notamment la règle des cinq atteintes sur le gibier. Dans le troisième chapitre de son ouvrage, il abordait la vitesse des projectiles, qu’il s’agisse de plomb pur, durci, ou même de bille d’acier. Des propos précurseurs.
La vitesse initiale est la vitesse qu’a le projectile au sortir du canon. La vitesse d’un projectile sortant d’un fusil paraît s’accroître un peu pendant les premiers décimètres après la sortie du canon, en raison de l’expansion des gaz de la poudre, toutefois cet accroissement paraît être très faible dans le cas du tir des fusils de longueur ordinaire, et l’on peut sans erreur sensible considérer la vitesse à la bouche comme étant la vitesse maximum. Cette vitesse sera désignée par V0. La vitesse du projectile diminue avec la portée au-delà de la bouche en raison de la résistance de l’air. La vitesse que conserve le projectile à une certaine portée est dite la vitesse restante à cette portée. La vitesse restante à la portée de 20 m par exemple sera désignée par V20. La vitesse initiale peut se déduire directement de la vitesse du recul de l’arme, d’après des méthodes que nous développerons en parlant du recul, mais, le plus souvent, on déduit la vitesse initiale de la vitesse restante à une petite distance de la bouche, vitesse qui a été mesurée avec un chronographe électrique, dont le modèle le plus usité est le chronographe Le Boulengé. MM. les ingénieurs des poudres et salpêtres Billardon et Dou ont inventé un chronographe consistant essentiellement en une cible tournante et une cible fixe, qui permet de mesurer la vitesse individuelle de chacun des grains de plomb d’une même charge à une portée quelconque, mais unique pour un coup. Cet instrument est décrit dans le tome I du Mémorial des poudres et salpêtres.
A propos de la résistance de l’air
La connaissance des pertes de vi - tesses causées par la résistance de l’air est nécessaire pour déduire les vitesses restantes de la vitesse initiale ou réciproquement. Nous avons fait de nombreuses expériences pour déterminer les effets de la résistance de l’air sur le plomb de chasse. Nous n’indiquerons ici que les résultats les plus susceptibles d’application directe. Si l’on désigne par : - V1, la vitesse à une portée ; - V2, la vitesse à une portée plus grande ; - Vm la vitesse moyenne dans l’intervalle de ces deux portées ; - ∂, le poids du mètre cube d’air (en moyenne = 1,208 kg) ;
- a, le diamètre du projectile en mètres ; - p, le poids du projectile en kilogrammes ; - X, la différence de portée correspondant à V1 et V2 ; - ƒ (Vm), une valeur caractéristique de la résistance à la vitesse Vm. Les vitesses V et V2 sont reliées par la formule suivante :
Log V1 = log V2 + o,4343 ∂ a2/p X
ƒ(Vm). (formule 19). Lorsque les projectiles sont sphériques, on peut calculer a2/p comme il est indiqué ci-après, en se contentant de mesurer soit le poids, soit le diamètre du projectile. Le choix de la mesure est déterminé par la commodité d’emploi et la précision des instruments de mesure dont on dispose.
Valeur des vitesses restantes
Nous avons calculé, au moyen de la formule 19, les vitesses restantes de projectiles sphériques en plomb, de 2 à 9 mm de diamètre, aux portées de 0 m à 100 m et dont la vitesse initiale est de 360 m/s. Nous avons calculé également, au moyen de la même formule, quel est le trajet que ces divers projectiles auraient à parcourir pour avoir leur vitesse restante réduite à 360 m/s, lorsque la vitesse initiale est comprise entre 550 et 360 m/s. Les résultats de ces calculs sont reportés sur le croquis [page 42]. Tous les résultats qui se trouvent sur les deux croquis sont d’accord [sic] avec les nombreuses mesures de vitesses restantes que nous avons faites avec des plombs de diverses grosseurs et tirés à des vitesses initiales très variées. Ces diagrammes permettent de trouver les vitesses restantes de tous les projectiles sphériques en plomb ayant des diamètres compris entre 2 et 9 mm et des poids compris entre 0,046 et 4,198 g à toutes les portées comprises entre 0 et 100 m et pour toutes les vi - tesses initiales que l’on peut pratiquement réaliser. L’usage de ces deux diagrammes se trouve expliqué par les exemples qui suivent : – On demande la vitesse restante, à la portée de 40 m, du plomb de 3 mm ( n° 5) qui a été tiré avec V0 = 360 m/s. On lit directement sur le schéma que V40 = 187 m/s. – On lit également que le plomb de 3 mm tiré avec V0 = 360 m/s a sa vitesse réduite à 300 m/s à la portée de 9 m. – Si le plomb de 3 mm était tiré avec
V0 = 300 m/s, sa vitesse restante à la portée de 40 m serait la même que celle des mêmes plombs à la portée 40 + 9 = 49 m lorsqu’ils sont tirés avec V0 = 360 m/s. On trouve ainsi
V40 = 166 m/s avec V0 = 300 m/s. – Si le plomb de 3 mm était tiré avec
V0 = 500 m/s, on voit sur le second croquis que sa vitesse restante serait réduite à 360 m/s à la portée de 12 m. – La vitesse restante V40 du plomb de 3 mm tiré avec V0 = 500 m/s est égale à la vitesse restante des mêmes plombs à la portée 40 - 12 = 28 m lorsque V0 = 360 m/s ; on trouve ainsi V40 = 220 m/ s pour V0 = 500 m/s. – On demande de combien se trouverait augmentée la portée à laquelle
timoine peut être facilement compensée par un léger accroissement du diamètre du plomb. Le seul inconvénient sérieux des alliages contenant une assez forte proportion d’antimoine ou d’étain est leur plus grande fusibilité, ce qui facilite l’emplombage du canon. Cet inconvénient peut être combattu par le nickelage. Si l’on substituait des billes d’acier dont la densité est 7,8 a un même nombre de grains de plomb et si l’on voulait qu’à portée égale les vitesses des projectiles fussent égales, le poids total des billes d’acier serait 2,1 fois celui de la charge de plomb et le diamètre des billes serait 1,45 fois celui des grains de plomb. Dans ces conditions, la substitution de l’acier au plomb offrirait des inconvénients très sensibles au point de vue du poids des cartouches et de leur recul ; il faudrait de plus changer le calibre des fusils et prendre un calibre 4 pour tirer des billes d’acier balistiquement équivalentes aux plombs que l’on tire dans le calibre 12. Tous les plombs d’une charge sortent de la bouche d’un canon cylindrique avec la même vitesse initiale ; mais dès l’instant de leur sortie, ils se trouvent soumis à l’action de la résistance de l’air, qui diminue leur vitesse. Comme les grains d’une même charge n’ont en général ni le même poids, ni le même diamètre, ni les mêmes déformations, ils subissent pendant leur trajet dans l’air des pertes de vitesses inégales. La cible tournante de MM. Billardon et Dou permet de mesurer la vitesse individuelle des différents grains d’une même charge à une distance quelconque de la bouche.
Ecarts extrêmes à 30 ou 40 m/s
Dans les calculs que l’on fait pour avoir la vitesse des plombs avec cet instrument, on suppose que le mouvement des plombs est rectiligne, que le passage à travers la cible en papier ne les dévie pas et ne diminue pas leur vitesse. En réalité ces conditions ne sont réalisées que par à peu près. Des mesures faites à la poudrerie de Sevran-Livry avec une cible tournante de ce système ont donné les résultats suivants : Les différents grains d’une charge de plomb n° 6 ( diamètre de 2,8 mm) tirée avec 4,5 g de poudre noire ou 26,4 g de poudre pyroxylée ancien type dans un fusil calibre 16, à canon cylindrique, ont donné, à 30 m de la bouche du fusil, des vitesses moyennes de 266 m/s. L’écart moyen des vitesses des différents grains d’une même charge a été de 8,5 m/s, et les écarts extrêmes se sont élevés à 30 ou 40 m/s ; ces écarts croissaient avec la portée. Extrait de Tir des fusils de chasse, du lieutenant-colonel Félix-Albert Journée (il ne deviendra général de brigade qu’en 1907), édition de 1902.