Décrocher des oiseaux stratosphériques
Le 17 juin dernier, l’armurerie Vouzelaud inaugurait un pylône de tir d’une hauteur de 40 m, le plus haut d’Europe. Voilà une installation sans pareille pour apprendre à négocier du bout du canon des oiseaux apparemment hors de portée. A condition d’avoir
Au « top du top » pour tirer haut et loin
Avec ses quarante mètres de haut, le pylône Vouzelaud est un outil idéal pour recréer les conditions de tir imposées par un fort relief. Un paradoxe dans une région plate comme la Beauce, où le dispositif est installé ! Rappelons qu’un plateau est plus vulnérable qu’un gibier, qui nécessite une énergie bien supérieure pour être touché net, pour une mort instantanée et sans souffrances. Cela impose au chasseur de ne jamais tirer à une distance à laquelle il n’est pas préparé ou avec un matériel mal conformé et inadapté. Pour qui veut s’entraîner en ce sens, on comprend tous les bénéfices à récolter d’un entraînement au pied du pylône Vouzelaud sous le regard d’un « conseiller technique » et à proximité de l’armurerie, qui permet si besoin l’adaptation immédiate d’une crosse à sa morphologie. Les six lanceurs Laporte disposés en étoile peuvent chacun lancer simultanément leurs plateaux à 240 degrés. De quoi recréer audessus de la tête du tireur l’illusion d’une compagnie d’oiseaux. A cette altitude extrême, on atteint rapidement les limites permises par la balistique d’une arme lisse. Le record de distance pour un plateau cassé avec un fusil de chasse est de 130 yards (presque 119 m !), détenu par l’Anglais George Digweed. Seulement, George Digweed est le meilleur tireur de parcours de chasse de l’histoire. Il utilise deux canons de 81 cm. Avec son full-full, il tire la plupart des plateaux et réserve son demidemi aux oiseaux « dans les bottes », c’est-à-dire à moins de 25 m. Si tout le monde n’a évidemment pas les aptitudes physiques de ce champion pour manier des canons de 80 cm et le poids du fusil associé pour équilibrer l’ensemble, tout le monde a intérêt à s’inspirer de ses recettes et de celles des autres grands tireurs. En voici quelques-unes
Le choix du calibre
Le 20 est le calibre minimum pour tirer en battue avec une réussite régulière à plus de 30 m. Dans le groupe des petits calibres pour armes lisses, il est le premier en mesure d’envoyer une charge suffisante de plombs du diamètre minimum, le numéro 6. Pour être efficace à une distance donnée, une gerbe de plombs doit posséder une densité et une énergie suffisante en regard de la surface vulnérable du gibier convoité. Ces conditions sont remplies par un calibre 20 associé à une cartouche chargée d’au moins 26 g de plombs n° 6. Même si elle est équipée d’une bourre grasse, plus « écologique », ce type de munition permet à un tireur
entraîné de tuer régulièrement à une distance supérieure à 30 m tous les oiseaux chassés en battue. Rappelons que la réduction du calibre n’a pas d’influence, si le choke est identique, sur la portée et le diamètre de la gerbe de plombs. En revanche, la portée efficace diminue avec le calibre du fait d’une moindre densité en plombs. Cela est particulièrement vrai pour les coups de longueur et pour la pénétration qui imposent un calibre 12 associé à du gros plomb. Pour tous les calibres, lors du tir à la plaque à différentes distances, on constate que la dispersion latérale de la gerbe augmente plus rapidement que la distance de tir et que les petits plombs se dispersent plus rapidement que les gros.
La longueur des canons
Des canons de longueur conséquente sont nécessaires pour les tirs lointains : 74 cm sont un minimum quel que soit le calibre du fusil et on peut aller jusqu’à 81, voire 86 cm. Non seulement, une bonne longueur facilite la précision de la visée, mais elle vient en réduire les erreurs éventuelles, de façon proportionnelle (plus la longueur est importante, plus l’erreur est minimisée).
Le chokage
Pour optimiser la gerbe efficace à partir de 25 m, il est bon de s’approcher du plein choke. Le chokage traditionnel des fusils de chasse d’autrefois (demi et full) n’avait pas été choisi au hasard : les probabilités d’atteintes mortelles sont les plus importantes entre 20 et 25 m avec un demi-choke et entre 25 et 45 m avec un full. Le chokage préconisé par Ferdinand Courally, dans la première moitié du XXe siècle, pour obtenir le meilleur rendement du canon quel que soit le calibre reste d’actualité. A savoir un rétreint correspondant à 1/23e de l’âme du canon, soit 0,8 mm pour un canon de calibre 12, dont l’âme mesure 18,4 mm, et 0,7 mm pour un calibre 20, dont l’âme est de 16 mm. Bien que les cartouches aient évolué depuis Courally, les analyses contemporaines aboutissent à des préconisations proches tant au tir à la plaque que sur le gibier. Ce chokage délivre à la fois une gerbe de plombs harmonieuse et un confort de tir, un choke trop serré accroissant la sensation désagréable du recul. Outre un meilleur rendement, un chokage important procure une gerbe en forme de goutte d’eau allongée en direction de la cible. Il en résulte une meilleure pénétration des plombs grâce à une meilleure conservation de la vitesse à longue distance, à l’image d’un vol d’oiseaux migrateurs, où les oiseaux qui suivent celui de tête ont moins
d’effort à fournir. Pour notre gerbe de plombs lancée vers une cible lointaine, l’important n’est pas la vitesse des plombs à la sortie du canon mais leur faculté à conserver leur vitesse avec la distance.
Qu’est-ce qu’une gerbe efficace ?
Dès la sortie du canon, la charge de plombs se disperse sur trois dimensions – en largeur, en longueur et de façon inversement proportionnelle au chokage du tube – qui s’accroissent avec la distance. Le chokage a pour effet d’obtenir et d’accentuer la forme aérodynamique de ce fuseau de plombs. Il faut imaginer à l’intérieur de ce dernier un noyau composé d’environ 80 % de la charge : c’est la gerbe efficace. La densité en plombs de ce noyau diminue depuis son centre jusqu’à la périphérie et diminue également avec la distance. Seuls les plombs de ce noyau sont efficaces en tir de chasse, et le restent tant qu’ils possèdent une densité et une énergie suffisantes pour le gibier convoité. Chacun peut faire le constat auditif et visuel de cette règle lors d’un tir à la plaque : l’amplification du son de l’impact est proportionnelle à l’augmentation du chokage du canon, de même que l’accroissement du diamètre de chaque plomb écrasé sur la plaque. Une autre méthode pour s’en convaincre est de tirer dans un bottin puis de compter les pages traversées selon le numéro de plomb employé et le chokage… Le rendement du noyau de la gerbe efficace se révèle on ne peut plus clairement.
La disposition des canons
Bien que les préférences de chacun entrent ici en compte, des canons juxtaposés sont généralement préconisés pour le tir de haut vol en battue. Sur les oiseaux traversards, ils donnent un repère comparable à une ligne d’horizon, qui facilite le travail de l’oeil directeur pour souligner la trajectoire des oiseaux et limite les erreurs de hauteur. Mais attention, cette disposition fait aussi tirer plus bas qu’avec des canons superposés ou un fusil mono-canon.
Le poids du fusil
Dans la mesure où il va peu marcher avec son arme et en tenant compte de ses capacité physiques, le chasseur a intérêt à choisir un fusil d’un poids conséquent. L’inertie de l’arme qui en résulte favorise la précision du pointage, comme celle du swing et de la fin de geste ou follow
through plus facilement coulés. Sans compter que le ressenti du recul est amoindri par un fusil plus lourd. Une règle pour déterminer la bonne valeur est de multiplier par 100 le grammage de la cartouche. Ainsi un calibre 12 utilisé avec des cartouches
de 36 g devrait peser 3,6 kg. La répartition du poids, autrement dit l’équilibre de l’arme, est également essentielle. Un point d’équilibre neutre est généralement préconisé, se situant entre l’ensemble canondevant et bascule-crosse, à la charnière de la bascule – mais ici encore, les préférences de chacun peuvent nuancer cette règle (cf. encadré).