Armes de Chasse

Les calibres 6,5 mm

140 ans et toujours jeunes !

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140 ans et toujours jeunes !

Depuis deux bonnes décennies, les 6,5 mm font l’unanimité dans le monde du tir et de la chasse de l’autre côté de l’Atlantique. Les Américains découvrent ce que les Scandinave­s et, à moindre échelle, les Germanique­s ont compris depuis plus de 120 ans, à savoir les vertus de la raison, de la douceur et des calibres de 6,5 mm.

Suite à l’introducti­on des poudres sans fumée, des balles chemisées et du 8 x 50 mm Lebel en 1886 par la France, suivi par le 8 x 57 I outre-Rhin, toutes les puissances européenne­s se tournent vers des munitions de calibre réduit. Si les empires centraux, la France, l’Angleterre et la Russie choisissen­t des calibres allant de 7,7 à 8 mm, de 1890 à 1900, d’autres pays, exploitant au mieux les connaissan­ces en balistique et les avancées technologi­ques du moment, optent pour des munitions de calibre encore plus réduit : 7 mm pour les Espagnols mais aussi 6,5 mm pour l’Italie, le royaume de Suède et de Norvège, les Pays-Bas, la Roumanie, le Japon, la Grèce, le Portugal. Il existe déjà des munitions de chasse de calibre 6,5 mm à poudre noire et balles de plomb ou calepinées, mais c’est l’Italie qui adopte, en 1891, la première cartouche militaire de 6,5 mm.

6,5 x 52 Carcano, la pionnière

Elle peut faire sourire les experts du clavier ou de « la course au toujours plus gros » , cette petite munition est en avance sur son époque. On peut la considérer comme le premier calibre militaire « intermédia­ire » jamais produit. Les premières études remontent à 1889- 90, sous la houlette de Luigi Scotti, de l’arsenal de Bologne. A l’origine, la cartouche possède un bourrelet mais Scotti, qui suit l’évolution des travaux des Allemands, des Suisses et des Belges, change le dessin de l’étui et adopte une forme moderne à gorge. Les premières 6,5x52 sont chargées avec de la poudre double base Nobel Ballistite. Comme cette poudre est très vive, brutale même, Carcano et Scotti font un choix technique unique. En plus de limiter la pression de la cartouche à 2850 bars, les canons des carabines miliaires pos-

sèdent un pas de rayures progressif qui limite la montée en pression en sortie de chambre, mais aussi l’usure des rayures sur la première partie du tube. En 1896, la Ballistite est remplacée par une poudre italienne simple base, la Solenite. La balle cylindro- ogivale blindée de 10,5 g, de calibre nominal 6,8 mm (.266/267 en impérial) deviendra à quelques centièmes de millimètre près l’archétype de toutes les 6,5 de cette période. Elle restera en service jusqu’en 1945, même si des essais furent réalisés avec des balles « spitzer » de 9 à 9,5 g. La vitesse se situe autour de 700 m/ s dans le canon long du Carcano. Pour rappel, à l’aube des années 1890, les munitions de 8 mm, françaises et allemandes, sortent autour des 640 m/ s et les américaine­s sont encore majoritair­ement à la poudre noire. Comparé aux autres calibres militaires de l’époque, le 6,5 mm offre de nombreux avantages souvent mal exploités par les militaires : tension de trajectoir­e, pénétratio­n à longue distance, précision (eh oui), poids et recul réduits et, pour l’économie nationale, moins de matières premières gaspillées. L’arme qui la tire, développée en parallèle de la cartouche, est un mélange très amélioré de Steyr et de Mauser 88. Souvent critiquée pour sa faiblesse théorique, elle n’est en aucun cas fragile, comme le démontrero­nt les tests de P.-O. Ackley dans les années 1950. En 1891, elle est plutôt en avance sur le matériel des autres puissances. L’alimentati­on se fait par lames-chargeurs tombantes du type Mannlicher. Si la 6,5 x 52 Carcano n’a pas connu un succès dans le monde cynégétiqu­e, elle servit toutefois à la chasse, en Abyssinie et Erythrée, dans les mains de militaires italiens sur des gibiers aussi dangereux que le lion. Le 6,5 x 52, regardé avec dédain par ceux qui ne jugent qu’en fonction des victoires militaires (l’histoire est écrite par les vainqueurs), n’en inspirera pas moins, entre 1893 et 1900, de nombreux pays et inventeurs, dont le lointain Japon. En Autriche, Mannlicher et l’arsenal de Steyr développen­t les 6,5 x 53 R qui reprennent peu ou prou le dessin des premières 6,5 italiennes. Elles équiperont la Hollande, la Roumanie et vont se tailler une réputation de cartouches de chasse aux plus grands et dangereux gibiers de la planète sous le vocable british de .256 Mannlicher Rimmed.

Pour l’histoire, on notera qu’en France le génial inventeur Louis d’Audeteau (Daudeteau) présente au début du XXe siècle une carabine très moderne et sa munition de 6,5 x 53,5 R. Trop moderne en fait pour nos militaires. Elle ne connaîtra aucun succès malgré de nombreux tests en France (1895-96) et à l’étranger. Manufrance utilisera le boîtier Daudeteau pour ses premières Rival. La 6,5 x 53,5 R et sa version en 8 mm s’illustrero­nt dans les colonies.

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© B. Berbessou Les premiers chasseurs explorateu­rs en Afrique utilisaien­t le 6,5 mm pour des gibiers qui aujourd’hui sont chassés au minimum avec un .375 H& H.
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Le 6,5 x 52 Carcano avec sa balle de 10,5 g deviendra l’archétype de toutes les 6,5 mm à venir.
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Peu d’entre nous se risqueraie­nt aujourd’hui à pratiquer de telles chasses face à de tels gibiers avec des cartouches de ce diamètre.

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