Rendre à César ce qui appartient au Kaiser
Jean Kwiatek signe dans votre numéro 69 un excellent article ( « Magnum : la recharge facile » , p. 96), auquel je souhaiterais apporter quelques précisions. Car vos éclairages techniques, tous très pertinents, me semblent cependant recéler quelques omissions importantes sur l’historique du développement des calibres magnum. Vous écrivez que « Holland & Holland a créé en 1912 le premier calibre magnum, le .375 Holland & Holland Magnum, et qu’après la Seconde Guerre mondiale, des Américains, Weatherby en tête, ont concocté des magnum qui
semblaient être la panacée » . Justice n’est à mon avis pas rendue à l’essentielle contribution allemande dans le développement des calibres magnum entre 1900 et 1945. Comment en effet passer sous silence le développement des cartouches magnum (ou à l’époque qualifiables de magnum – haute vitesse initiale et trajectoire tendue) ? La 9,3 x 62 (Otto Bock, 1905), munition aux performances balistiques équivalentes à la .375 Holland & Holland ( 1912), développée pour une utilisation dans les colonies allemandes d’Afrique. La 7 x 64 ( Willhem Brenneke, 1917), une cartouche pouvant être qualifiée de magnum du fait de sa conception et de ses performances balistiques dans le contexte du début du
XXe siècle. La 9,3 x 64 ( Willhem Brenneke, 1927), supérieure à la .375 Holland & Holland en termes de performances balistiques. Les Vom Hofe Super Express (7 x 73 en 1931 ; 5,6 x 61 en 1937) et autres munitions ultérieures. Les 6,5 x 68 et 8 x 68S ( August Schüller, années 30), commercialisées par RWS dès 1939. Les Halger HV Magnum : .244, .280 (1105 m/s avec une balle de 6,5 g) et .335 développées dans les années 1920 par Halbe et Hermann Gerlich et commercialisées sous la marque Halger. Les contributions internationales autres qu’allemandes, sur la période 1900-1945, ont également été importantes. Le Canada avec la .280 Ross (1906, 880 m/ s en vitesse initiale avec une balle de 9,1 g). Les Britanniques, sur la période pré- 1914, ont développé la très performante .350 Rigby (1908, 800 m/s avec une balle de 14,5 g), la .318 Westley Richards ( 1910, balle de 12 g à 820 m/ s), la .416 Rigby ( 1911, balle de 23 g à près de 800 m/ s) ; la .375 Holland & Holland Magnum n’apparaîtra qu’en 1912 et l’excellente .300 H& H Magnum en 1925. De la contribution américaine sur la période pré- Seconde Guerre mondiale, on retiendra surtout la .250-3000 Savage (1915), première cartouche revendiquant une vitesse initiale de près de 1000 m/ s, et la .270 Winchester (1925), une magnum pour l’époque. Au lendemain du confl it mondial apparaîtront les calibres Weatherby successifs, le .243 Winchester ( 1955), le .264 Winchester Magnum (1959), le 7 mm Remington Magnum (1962), le .300 Winchester Magnum ( 1963) et le .22- 250 ( 1965), qui pour des raisons géopolitiques vont dominer le marché international. Il semble donc juste de reconnaître que Holland & Holland n’a pas été le seul acteur du développement du concept de munition magnum mais a, par contre, été parmi les premiers à utiliser cette dénomination. Cela représentera plus tard une plus- value « marketing » certaine lorsque, à partir de 1925, les droits de propriété de l’armurier sur la munition de .375 H& H Magnum arriveront à leur terme, ce qui permettra à des fabricants d’armes internationaux, essentiellement américains (Winchester dès 1937 dans son modèle 70, suivi par d’autres), de chambrer leurs productions dans cette munition, qui deviendra ainsi, du fait de sa grande diffusion, le calibre international de référence pour la chasse du grand gibier dangereux. Quant à la contribution indéniable des fabricants de munitions américains à la balistique moderne depuis la fi n de la Seconde Guerre mondiale, elle n’aurait vraisemblablement pas été possible ou ne se serait pas matérialisée aussi rapidement sans le travail préalable, surtout allemand, de recherche et de développement de la première moitié du XXe siècle. Louis Laval
Il n’était pas dans mon intention de dresser une liste complète ou un historique des calibres pouvant être considérés comme magnum du fait de leurs performances tant en vitesse initiale qu’en quantité de mouvement développée. Le but de l’article était de partager avec nos lecteurs les bases du rechargement des cartouches magnum, qu’elles portent ou non la fameuse « belt » ou la dénomination magnum. J’ai d’ailleurs cité les calibres Schuler 6,5 x 68 S et 8 x 68 S qui ne portent ni ceinture ni appellation magnum. Je me suis contenté de ne nommer que quelques calibres largement distribués afin que chaque lecteur puisse trouver des repères. Pour répondre à la question de fond de votre courrier, je n’ai pas voulu minorer le rôle des armuriers, balisticiens et encartoucheurs allemands, mais force est de constater que les Anglo-Saxons ont été meilleurs commerçants sur ce coup-là ! J. K.