Big Brother sauce hollandaise
C’est un (mauvais) rêve éveillé ! Les chasseurs et tireurs néerlandais vivent depuis le 21 octobre dernier un véritable scénario orwellien ! Face à eux, un nouveau Big Brother à même de décider s’ils vont pouvoir ou pas continuer d’exercer leur passion. Pour détenir leurs armes ou en acquérir une nouvelle, ils sont sommés de se soumettre à un examen, baptisé E-Screener. Il s’agit tout d’abord de se rendre, par leurs propres moyens et à date dite, en un lieu indiqué par une convocation du ministère de la Justice. Une fois sur place, après s’être acquittés de la somme de 54 € et avoir déposé téléphone et autre appareil électronique à l’entrée – l’histoire ne dit pas s’ils peuvent garder lacets, ceinture et cravate – ils s’installent devant un écran pour répondre à une série de questions, ubuesques pour certaines : « Avez-vous des amis ? », « Avez-vous déjà menti ? » , etc.
A la sortie, un fonctionnaire leur tend, sans plus d’explications, le verdict rendu par la machine. Un résultat binaire, puisque limité à deux couleurs, vert ou rouge. Si c’est rouge, le chasseur a échoué. Pourquoi ? Il ne le saura jamais. Peut-il protester ? « Non, impossible, lui expliquera le fonctionnaire préposé au contrôle, ce n’est pas moi qui décide, c’est l’ordinateur. » A cet instant, l’achat de nouvelles armes mais aussi la possession de celles déjà acquises lui deviennent interdits. Le jour même, comme ont eu à le vivre les premiers « scores rouges », des agents des forces de l’ordre viennent à son domicile lui confisquer ses armes.
Oui, vous avez bien lu, en 2019, en Europe, un ordinateur décide de réquisitions d’armes massives, qui rappellent d’autres temps… En France, en 1940 précisément. Sauf que notre pays était alors en guerre et que c’était l’ennemi, l’occupant, qui avait mis en place une telle opération de confiscations. Ce code rouge concerne une moyenne de 25 à 30 % des chasseurs et tireurs ayant passé l’examen, et jusqu’à plus de 45 % dans certaines zones comme à Amsterdam.
Les plus chanceux reçoivent un code vert, autrement dit un droit à la détention d’armes. Mais ils ne sont pas quittes pour autant, puisque cet examen d’un nouveau genre est annuel et que l’histoire se répétera donc douze mois plus tard. Un refrain qui revient un peu trop vite : nouveau déplacement, nouvelle facture de 54 € et nouvel interrogatoire face à un écran. Avec une nouvelle fois la détestable impression d’avoir un couteau sous la gorge.
A ce rythme, les chasseurs néerlandais ont bien compris qu’il suffirait d’une dizaine d’années pour que ne subsiste dans leurs rangs, qui comptent aujourd’hui 54 000 personnes, qu’une poignée de Mohicans armés d’autre chose que d’une sarbacane ou d’un lance-pierre. Aussi ont-ils réagi, et obtenu le gel du E-Screener pour deux ans. Un gel partiel car seulement réservé aux possesseurs d’armes. Ceux qui veulent acheter leur première arme devront dès maintenant affronter la machine, avec seulement deux chances sur trois d’obtenir le feu vert. Et pour les autres, qu’en sera-t-il dans deux ans ?
Soit, direz-vous, cela concerne les chasseurs des Pays-Bas, peu nombreux et qui depuis trente ans semblent accumuler les mauvais choix au point de perdre peu à peu tous leurs droits. Un pays ultra-vert, anti-chasse – où les oies qui viennent s’y reproduire sont jugées en surnombre et gazées pour les adultes, affamées et tuées à coups de bâton pour les oisons non volants, dans la plus totale indifférence. Et vous n’aurez pas vraiment tort, la menace n’est pas (encore) à notre porte. Du reste, même certaines associations de chasse néerlandaises ne l’ont pas vue venir, qui, jusqu’à la mise en place du E-Screener, ont soutenu le dispositif sans se douter de ses implications.
Mais la généralisation de l’exemple batave est malgré tout à craindre si l’on songe à la nature moutonnière de l’Europe, qui ne jure que par l’uniformisation. Allons- nous dans un délai plus ou moins proche devoir répondre à notre tour à un ordinateur pour détenir une arme ? Si cela vous semble abstrait, rappelez-vous votre dernière demande de crédit bancaire. N’est- ce pas l’ordinateur, une fois nourri des données de votre patrimoine, de vos revenus, de votre taux d’endettement, qui a donné ou refusé l’aval à votre conseiller ?
Alors que 2020 pointe à l’horizon, il serait dommage de reculer brutalement de trentesix années pour se retrouver en 1984…