Armes de Chasse

Kevin Muzikar

L’île de Beauté a aussi ses couteaux

- Reportage Bertrand Montillet

L’île de Beauté a aussi ses couteaux

Golfe de Porto, calanques de Piana, réserve naturelle de Scandola, golfe de Girolata : des noms évocateurs d’une sublime région, où les eaux turquoises usent inlassable­ment les roches rouges, le tout survolé par les balbuzards pêcheurs. C’est dans ce coin de Corse qu’oeuvre Kevin Muzikar depuis vingt ans.

Après avoir exploré toutes ses criques, plongé dans ses eaux transparen­tes remplies de poissons colorés, admiré le coucher du soleil sur ses calanques majestueus­es, je ne pouvais repartir de l’île de Beauté sans m’arrêter chez Kevin Muzikar, l’un des vétérans de la coutelleri­e corse, installé comme coutelier depuis 1999. Oui, vingt ans déjà ans. Initialeme­nt, Kevin se destinait à la piscicultu­re, mais la coutelleri­e a croisé sa route et l’a fait bifurqué. Il avait trouvé sa voie. Ses maîtres furent le regretté Jo Antonini, puis Christian Moretti et enfin Franck Thomas (Coutelleri­e du Lotus), chez qui il travailla deux années.

La forge du cabanon

L’atelier, que Kevin a construit de ses mains, est camouflé par la végétation, un maquis jalonné de palmiers, figuiers et cactus géants. Kevin m’accueille à sa façon, chaleureus­e et simple. Il me parle un peu de son parcours, de sa manière de travailler et de sa vision de la coutelleri­e, puis m’invite à prendre la direction de la forge, histoire de faire quelques étincelles. Elle se trouve à l’extérieur, dans un cabanon adossé à la bâtisse principale. Autour de l’enclume, il y a une forge à charbon, une autre à gaz, un martinet et bien sûr une multitude de pinces, marteaux et autres étaux et outils en tout genre. Kevin travaille différents aciers au carbone et réalise aussi son propre damas, magnifique­ment sauvage. Pour l’heure, il entreprend de forger quelques lames de couteaux de table et de pliants. Il allume la forge à charbon et commence. Il utilise aussi bien le martinet que le marteau, selon la partie du travail à réaliser. Quand une première lame est forgée, il tire des étagères des barres remplies de cornes préalablem­ent préparées (redressées et fendues) et les essaye sur sa lame jusqu’à trouver le mariage qui lui convient.

Kevin me confie que trouver des cornes sur l’île fut une véritable gageure. Cela lui demanda des années à tisser des liens de confiance avec les bergers pour les convaincre de lui fournir le matériau de ses manches. Au prix de cette patiente approche, il peut attester d’une production réellement locale – ce qui n’est pas le cas de la plupart des couteaux, même artisanaux, que l’on trouve sur l’île, montés avec des cornes provenant du continent, voire de terres plus lointaines encore.

Kevin forge ensuite quelques lames pour des couteaux de table intégraux aux manches terminés en de belles volutes. Il est temps de tremper le tout, avant de rejoindre l’autre partie de l’atelier.

Je découvre les machines nécessaire­s à toutes les autres étapes de la fabricatio­n : backstand, dont un, légendaire, monté par Kevin sur un

amortisseu­r de moto, perceuses à colonne, tourets à meuler et à polir. Il y a aussi une multitude d’outils, puisque, comme je vais m’en rendre compte, Kevin effectue de nombreuses opérations à la main, ce qui donne à ses créations leur caractère unique et si reconnaiss­able. De beaux et authentiqu­es couteaux corses Kevin commence sur le backstand en affinant les contours des lames, puis attaque les émoutures. Les lames prêtes, nous passons de l’autre côté de l’atelier, où l’artisan réalise de superbes guillochag­es, aux détails soignés, tous différents, variant au gré de l’inspiratio­n du moment. Il y en a sur le dos des lames, mais aussi au talon de certains pliants. Dans ce même coin d’atelier, les rondelles, sur lesquelles seront matés les axes des lames, mes, sont finement ciselées elées à la lime, une à une. e. Un travail de patience et de minutie.

Kevin prépare ensuite nsuite les manches en corne après en avoir repris la fente sur le disque spécialeme­nt écialement monté sur un des tourets. . Il perce le trou de l’axe ainsi que celui elui de la butée. A la différence de la a plupart des couteaux corses traditionn­els ditionnels qui sont des deux clous, Kevin préfère intégrer un simple et efficace système de verrouilla­ge en usage dans la marine, parfaiteme­nt en harmonie avec le style de ses couteaux. Pour cela, il règle la corde à piano, qui servira à la fois de butée et à verrouille­r parfaiteme­nt la lame. Après plusieurs montages et démontages, reprises de détails, ajustement­s aj et finitions, la lame peut être montée té définitive­ment. Le couteau cout est terminé. Si vous passez entre Piana et Cargèse, faites une halte chez Kevin Muzikar. Vous en repartirez en en sachant beaucoup sur l’art de la belle coutelleri­e artisanale, et peut- être aussi avec un couteau unique et au caractère bien trempé, un authentiqu­e couteau corse.

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 ??  ?? Chez Kevin, on ne sait jamais trop si on est dans l’atelier ou dans le maquis !
Chez Kevin, on ne sait jamais trop si on est dans l’atelier ou dans le maquis !
 ??  ?? Mise en forme et émouture de la lame.
Mise en forme et émouture de la lame.
 ??  ?? Choix d’un manche en harmonie avec la lame forgée.
Choix d’un manche en harmonie avec la lame forgée.
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Kevin réalise ses lame à l’ancienne et fabrique même son propre damas.
Forge au marteau, Kevin réalise ses lame à l’ancienne et fabrique même son propre damas.
 ??  ?? Quelques rondelles finement ciselées à la lime.
Quelques rondelles finement ciselées à la lime.
 ??  ?? Mise en place du système de verrouilla­ge et montage à blanc pour l’ajustage et la vérificati­on.
Mise en place du système de verrouilla­ge et montage à blanc pour l’ajustage et la vérificati­on.
 ??  ?? Différents « curnicciul­u » (couteaux de berger) aux manches en corne, comme il se doit.
Différents « curnicciul­u » (couteaux de berger) aux manches en corne, comme il se doit.
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