Spéciales bécasse : canon lisse ou rayé
Six calibre 12 pour la mordorée à l’essai
Les cartouches spéciales bécasse forment une catégorie à part entière chez les différentes marques du marché. Nous avons sélectionné les six cartouches les plus récentes et les avons testées à différentes distances avec des canons lisse et rayé. Le résultat est parfois étonnant.
Acette saison où les belles mordorées sont arrivées en France, nous avons eu envie de vous proposer un test de cartouches dédiées à ce gibier. Pour être au plus près de l’offre actuelle, nous avons réuni les six munitions spéciales bécasse les plus récentes : la Rottweil Game Edition Bécasse, la Baschieri & Pellagri Mygra Beccaccia, la Bernizan Super Match Spéciale Bécasse mixte, la Fob Bécasse, la Tunet Super Bécasse et la Mary- Arm Bécasse Spéciale Canon rayé.
Le protocole
Afin d’éliminer tout risque d’erreur de visée ou de coup de doigt, les tirs ont été effectués à partir de canons fixes, sur le stand d’essais balistiques mis à notre disposition par Nobelsport. Cet équipement professionnel nous a permis de réaliser les tirs avec des canons montés sur un affût fixe tout en mesurant les vitesses et pressions. Ces conditions de réalisation permettent de lever toute incertitude sur la fiabilité des groupements obtenus.
Les cibles utilisées sont comme à l’accoutumée des cartons normalisés CIP de 91 cm de côté dans lesquels nous traçons un cercle de 76 cm de diamètre parfaitement centré. Les tirs en canon lisse comme en canon rayé sont réalisés à 20 m. A ces deux séries de tirs initialement prévues, nous allons en ajouter une troisième, avec un canon rayé à 10 m. En effet, la première lecture des groupements réalisés par les cartouches tirées dans ce canon à 20 m montre que cette distance est trop élevée pour ce type de canon et de cartouches. Le canon rayé écarte trop pour que nos résultats soient non seulement fiables
mais en mesure de nous livrer des enseignements intéressants. A simple titre d’information, nous faisons néanmoins mention de ces groupements dans la suite de l’article. Passons à la lecture des résultats de chaque cartouche, avec dans l’ordre les tirs à 20 m avec le canon lisse et le canon rayé, puis le tir à 10 m avec le canon rayé.
Rottweil Game Edition Bécasse
Notre première candidate est une cartouche Rottweil, chargée de 34 g de plombs durcis n° 9 posés sur une bourre grasse fibre, le tout fermé par un sertissage étoile. La douille de 67,7 mm de longueur permet une utilisation dans tous les fusils, même celui du grand-père chambré en 65 mm. Le contrôle de la charge nous donne 34,21 g pour 657 plombs. Les mesures du banc d’essai CIP qui nous est fourni ( réalisé le 22 décembre 2018) donnent une pression moyenne de 726 bars pour une vitesse moyenne à 2,50 m de 390,4 m/s. Notre tir dans le canon lisse à la même distance délivre une pression de 757 bars et une vitesse de 389 m/s, des résultats conformes à la moyenne CIP.
Le tir dans le canon lisse à 20 m nous donne 481 impacts dans la cible de 91 cm de côté, ce qui correspond à 73 % des plombs de la cartouche. Le groupement est excellent : 85 % des 481 plombs, soit 408 billes, atteignent le cercle de 76 cm de diamètre, avec une bonne répartition puisque seulement 4 vides de 8 cm sont relevés sur l’extérieur de ce cercle.
Avec le canon rayé et à la même distance, on ne retrouve que 75 plombs dans la cible de 91 cm, soit 11 % de la charge, et 47 impacts dans le cercle de 76 cm. Comme nous l’avons dit, la médiocrité de ce résultat et des suivants nous décide à effectuer un second tir dans un canon rayé en réduisant la distance à 10 m. Cette fois, le nombre d’atteintes dans la cible de 91 cm est de 247, ce qui représente 38 % des plombs de la charge. Le groupement est de 62 %, avec 154 perforations dans la cible de 76 cm. La répartition est correcte, avec un total de 11 vides de 8 cm. Cette cartouche n’a pas été conçue pour un canon rayé, mais ces résultats montrent que vous pouvez l’utiliser jusqu’à 10 m avec votre premier coup rayé. Son potentiel dans le canon lisse vous permettra, si le couvert l’autorise, d’aller cueillir une bécasse jusqu’à 25- 30 m. Cette Rottweil est donc une bonne cartouche économique ( 15,50 € la boîte de 25) pouvant être tirée dans les armes anciennes chambrées en 65 mm.
Baschieri & Pellagri Mygra Beccaccia
La spéciale bécasse suivante est une fabrication Baschieri & Pellagri, dénommée Mygra Beccaccia. C’est une cartouche à bourre grasse chargée de 34 g de plombs 8,5 dorés. Elle possède une belle douille translucide Gordon System de 70 mm de long qui laisse voir les plombs dorés et leur bourre de feutre rose. Le contrôle de la charge donne 34,01 g pour 507 grains. La pression moyenne CIP est de 676 bars et la vitesse moyenne à 2,50 m de 386,5 m/s. Nos tirs confirment ces résultats, avec une pression de 614 bars et une vitesse de 369 m/s. A 20 m avec le canon lisse, le groupement dans la cible de 76 cm de diamètre est de 88 %, soit 352 impacts sur les 402 plombs (79 %) comptabilisés dans la cible de 91 cm de côté. La qualité de la gerbe est moyenne, avec 6 vides de 8 cm sur l’extérieur du cercle de 76 cm.
Le tir dans le canon rayé à 20 m nous donne le même résultat qu’avec la Rottweil : seulement 11 % des plombs atteignent la cible de 91 cm. Avec la cible rapprochée à 10 m, nous retrouvons dans le carré de 91 cm de côté 40 % des plombs de la cartouche (204 impacts) pour un groupement de 53 % (109 impacts). La répartition reste moyenne, avec 12 vides de 8 cm. Cette cartouche ne se destine pas au canon rayé, mais sa gerbe ne laissera pas passer une
bécasse entre 6 et 10 m. Dans un canon lisse, ses performances vous donneront une gerbe très bien garnie, de presque 1 m de diamètre. Son prix est contenu (20,55 € la boîte de 25) pour une belle présentation et une fabrication haut de gamme.
Bernizan Super Match Spéciale Bécasse mixte
Place maintenant à un best-seller de l’armurerie bayonnaise Bernizan, la Super Match Spéciale Bécasse mixte. La cartouche est chargée de 38 g de plombs durcis et mélangés (n° 7,5 et n° 10) dans une bourre à jupe à godet. La charge est contrôlée à 38,53 g et 904 plombs, avec une répartition de deux tiers de numéros 10 et un tiers de 7,5. La différence de diamètre entre les deux numéros ne sautant pas aux yeux, ce tri nous a demandé pas mal d’attention et de patience. Le comptage différencié en cible, au jugé du diamètre des impacts, sera encore plus délicat.
Le banc d’épreuve CIP, daté du 5 juillet dernier, nous a été fourni par Michel Bernizan. Il donne des moyennes de 663 bars de pression et de 384 m/s de vitesse à 2,50 m. Nos tirs, réalisés le 2 décembre, délivrent 618 bars de pression et une vitesse de 373 m/s. Soit 50 bars et 11 m/s de moins que les moyennes CIP. Cette perte s’explique par les conditions dans lesquelles ont été menés les essais : nous avons fait nos tirs par temps froid, en conditions réelles, alors que ceux de la CIP sont réalisés à température et hygrométrie contrôlées.
Le tir à 20 m dans le canon lisse donne un groupement dans la cible de 91 cm de côté de 724 plombs sur les 904 de la cartouche, soit 80 %. Cela restera le meilleur résultat des six cartouches. Le groupement dans le cercle de 76 cm de diamètre est de 87 %. La gerbe est magnifique, avec une répartition idéale et un seul vide de 8 cm dans le cercle.
Les résultats à 20 m avec le canon rayé sont à peine meilleurs que ceux obtenus avec les deux cartouches précédentes, avec 12 % des plombs dans la cible. Nous passons au tir à 10 m. La cible est cette fois criblée par 378 plombs, soit 42 % de la charge. Le groupement dans le cercle de 76 cm est de 85 % avec une répartition excellente : seulement
6 vides de 8 cm sont relevés dans le cercle. Cette Bernizan, très chargée, est une cartouche de grande efficacité, proposée à un prix abordable (12,95 € les 10).
Fob Bécasse
Comme la Bernizan, la Fob Bécasse est chargée à la couche de deux numéros de plombs, 35 g de billes 7,75 et 9,75. Mais à la différence de la Bernizan, elle possède une bourre demi-jupe, ce qui devrait donner un résultat se classant entre la bourre grasse et la bourre à jupe à godet. Le
contrôle de la charge donne 34,88 g pour 818 grains.
Le banc d’essai CIP fourni par le fabricant a été réalisé le 28 juin dernier et donne une pression moyenne de 731 bars pour une vitesse moyenne de 406 m/s à 2,50 m. C’est la plus rapide à ce stade de notre essai. La pression relevée lors du tir avec le canon lisse est de 699 bars et la vitesse de 395 m/s. Les mêmes causes donnent les mêmes effets qu’avec la Bernizan. Cette Fob n’en reste pas
moins la plus rapide. Est-ce le présage d’un excès de dispersion ?
Le tir à 20 m dans le canon lisse expédie 622 plombs dans la cible de 91 cm de côté, soit 76 % des plombs de la cartouche. Avec 522 impacts relevés dans le cercle de 76 cm, le groupement s’établit à 84 %. La répartition est harmonieuse, nous
relevons seulement 2 vides de 8 cm sur le pourtour de la cible.
La Fob ne fait pas mieux que les autres avec le canon rayé à 20 m : 11 % des plombs perforent la cible de 91 cm. A 10 m, la cible de 91 cm est marquée par 41 % des plombs, avec 336 impacts. Le cercle de 76 cm affiche 255 impacts, ce qui représente un groupement de 76 %. La répartition est cohérente, avec seulement 8 vides de 8 cm de diamètre.
La Fob s’impose comme une excellente cartouche qui vous permettra de tirer en premier coup dans un canon rayé entre 8 et 10 m et à partir de 15 m avec un canon lisse et jusqu’à 25 m. Vous aurez une marge
d’erreur de visée de plus de 50 cm. Sa technicité est du même niveau que la Bernizan, sa présentation est très réussie, le tout pour un prix compétitif (10,90 € les 10). Quant à sa haute vitesse, elle s’avère bien gérée puisque la gerbe ne disperse pas exagérément en cible.
Tunet Super Bécasse
Nous montons en grammage avec cette cartouche Tunet : 40 g de plombs durcis et dorés n° 9, que nous pouvons admirer, posés sur leur bourre de fibre rose, à travers une douille translucide. Le contrôle de la charge donne 40,6 g pour 837 plombs.
Le banc d’essai CIP fourni par Tunet nous indique des moyennes de 618 bars de pression et de 371,7 m/s de vitesse à 2,50 m. Le tir dans notre canon lisse nous donne 723 bars et 383 m/s, des valeurs supérieures à celles de la CIP, c’est une première. Le tir à 20 m dans le canon lisse expédie 626 plombs dans la cible de 91 cm, soit 75 % de la charge. Le groupement dans le cercle de 76 cm de diamètre est de 87 %, avec 544 perforations. La répartition est presque
parfaite, avec un seul vide de 8 cm de diamètre relevé sur le pourtour extérieur de la cible.
Cette lourde charge va- t- elle nous donner de meilleurs résultats avec le canon rayé à 20 m que les quatre premières cartouches ? La réponse est non : la petite augmentation du pourcentage de plombs en cible ( 13 % contre 12 et 11 % précédemment) ne change pas grand- chose. Les 106 plombs comptés dans la cible de 91 cm de côté nous démontrent cette fois encore la nécessité de passer au tir à 10 m. A cette distance, nous comptons 332 perforations dans le carré de 91 cm de côté, soit 40 % des plombs de la cartouche. Le groupement est de 79 %, avec 262 impacts dans le cercle de 76 cm. La répartition est de nouveau très correcte, avec 8 vides de 8 cm dans ce cercle. Avec ses 40 g de plombs, cette Tunet Super bécasse est bien adaptée pour chasser dans les couverts très denses. Une charge importante est toujours précieuse pour traverser les branches des sapinières et conserver suffisamment de groupement pour foudroyer notre mordorée.
Mary-Arm Bécasse Spécial Canon rayé
La dernière cartouche de notre test est une toute nouvelle Mary- Arm chargée de 33 g de plombs n° 9 argentés dans une bourre à jupe. Le contrôle de la charge donne 32,9 g pour 692 plombs.
Le banc d’essai CIP fourni par le fabricant indique une pression et une vitesse moyennes à 2,50 m de 736 bars et 408 m/s. Notre tir dans le canon lisse délivre 667 bars et 385 m/ s. La différence est importante, ce qui nous incite à vérifier les numéros de lots : celui inscrit sur le contrôle CIP n’est pas le même que celui figurant sur les boîtes qui nous ont été envoyées pour ce test. Comme nous nous en doutions, ce n’est pas le bon banc d’épreuve qui nous a été fourni.
A 20 m avec le canon lisse, nous relevons 537 impacts dans la cible de 91 cm de côté, soit 78 % de la charge. Le groupement est de 87 %, avec 467 perforations dans le cercle de 76 cm de diamètre. La répartition est de seulement 3 vides, ce qui est remarquable pour une petite 33 g – le nombre de vides sur une cible à plat tendant à diminuer avec l’augmentation de la charge.
Le tir à 20 m avec le canon rayé expédie seulement 13 % des plombs dans la cible de 91 cm. Une fois de plus, nous déplaçons donc la cible à 10 m et procédons à un autre tir. Et une fois de plus encore, les choses s’améliorent, avec 275 perforations, soit 40 % des plombs. Le groupement dans le cercle de 76 cm est de 87 %, le meilleur de tous les tirs à 10 m avec le canon rayé. L’appellation Spéciale Canon rayé est donc pleinement justifiée. Cette Mary-Arm vous permettra de tirer la reine des bois à partir de 5 m dans un canon rayé sans craindre de l’abîmer et entre 18 et 30 m dans un canon lisse. Son prix est le deuxième plus bas des six cartouches (7,90 € la boîte de 10), juste derrière les Rottweil Game Edition qui coûtent 15,50 € les 25, soit 6,20 € les 10.
Quel bilan ?
La première observation qu’appelle cette série de tirs ne concerne pas nos cartouches mais nos canons d’essai. Les tirs avec le canon rayé donnent pour toutes nos cartouches des pressions et des vitesses inférieures à celles obtenues avec le canon lisse, avec une différence moyenne de 50 bars et pour 10 m/s. Cette perte est due à la moindre étanchéité du canon rayé. Du fait de la profondeur de la rayure, une partie des gaz s’échappe en même temps que les plombs et la charge, et non derrière la bourre. Mais ces résultats ne sont pas transposables à ceux que vous obtiendriez dans votre fusil car le canon d’essai balistique a une profondeur de rayure supérieure à celui d’un fusil de chasse, dont les canons ne sont pas suffisamment épais pour supporter une rayure équivalente.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on préfère employer les termes «boyaudés » ou « supra-rayés » plutôt que « rayés » pour désigner les canons de fusils. Néanmoins, des variations de profondeur et de pas de rayure (longueur de canon nécessaire pour obtenir une rayure d’un tour complet) interviennent selon les fabricants. Vous avez donc tout à gagner à faire des essais avec différentes cartouches, celles de ce test ou d’autres que vous conseillera votre armurier, pour comparer leurs performances dans votre fusil.
Pour en revenir à la finalité première de ce test, il démontre que les spéciales bécasse sont réellement conçues pour vous offrir une belle gerbe dès 5 à 10 m et, pour certaines, jusqu’à 20-25 m. Elles ont chacune des spécificités et leur canon préféré, lisse ou rayé. Ce sera à vous de les utiliser en fonction de votre équipement et pourquoi pas en premier ou en deuxième coup si vous possédez un fusil à un canon rayé. Le prix, l’importance de la charge et du recul sont aussi des éléments à faire entrer dans votre choix.