« Fait maison »
Il y avait la bière sans alcool, le soda sans sucre, le beurre sans matière grasse, le steak sans viande… A cette liste non exhaustive, il faudra désormais ajouter un numéro d’Armes de Chasse spécial IWA… sans IWA ! L’évolution dramatique de l’épidémie de coronavirus en Europe à partir de la fin février aura bouleversé notre quotidien et nos habitudes. Le 26 février, une semaine avant son ouverture, le grand salon des armes de tir, de chasse et de loisirs était reporté au mois de septembre.
Comment faire dès lors pour remplir un magazine traditionnellement consacré, chaque année à cette période, aux nouveautés de la prochaine saison, sans les avoir vues, touchées, épaulées, humées en quelque sorte ? Pire encore, deux semaines et demie plus tard – après que le Salon de la chasse et de la faune sauvage de Mantes-la-Jolie a été annulé –, nous étions tous renvoyés dans nos pénates pour cause de confinement et pour y tenter l’expérience du télétravail, alors même qu’Armes de Chasse était loin d’être achevé. Malgré tout, il fallait terminer ce numéro, le boucler, sans savoir s’il serait imprimé, acheminé jusqu’aux kiosques et distribué aux abonnés. Dit autrement, sans savoir si vous pourriez le lire. Finalement, grâce à la mobilisation de tous ceux qui au quotidien travaillent pour ce magazine, Armes de Chasse a pu être bouclé, presque comme un numéro habituel. A ceci près qu’il va certainement comporter une petite part artisanale. La trace inévitable du « fait maison ». D’ordinaire label de qualité. Croisons les doigts pour que ce soit le cas cette fois encore, ce sera à vous de juger.
Un numéro, aussi paradoxal que cela puisse paraître, où vous trouverez presque toutes les nouveautés 2020 qui auraient dû être dévoilées à l’IWA… Presque, car il y a quand même de grands absents, à commencer par les fabricants italiens, installés dans leur grande majorité en Lombardie, région qui a payé le plus lourd tribut à ce jour au Covid-19, n’ont pu nous présenter leurs nouveautés, le fruit d’heures, de semaines, de mois de travail. Leurs priorités étaient ailleurs, vitales et bien plus importantes, on s’en doute. Mais la plupart des fabricants des autres pays ont réussi – depuis leur domicile le plus souvent – à nous envoyer photos, dossiers de presse et commentaires pour que nous puissions continuer à faire notre métier et à alimenter les pages de votre revue. Que vous lirez vraisemblablement vous aussi confiné à la maison, privé de votre liberté de mouvement. Une privation certes difficile à vivre, mais salutaire et surtout provisoire.
En revanche, il semble acquis qu’il nous faudra nous passer définitivement d’une chose qui accompagne la chasse depuis l’invention des armes à feu : le plomb. Comme vous le découvrirez dans nos pages Actus, l’avenir du matériau de base de nos projectiles, depuis près de cinq siècles, est très sombre. Selon toute vraisemblance, le plomb sera interdit à l’horizon 2024 ou 2025, autrement dit demain. Notre propos n’est pas de revenir sur la justification ou le bien-fondé de cette interdiction presque certaine. Néanmoins, nous sommes en droit, en devoir même, de nous demander par quoi nous pouvons le remplacer. Aucun autre métal ne possède ses trois qualités principales : son coût modéré, sa masse et sa ductilité. Les matériaux alternatifs – acier, cuivre recuit, tungstène, bismuth, zinc ou étain – sont tous plus légers, souvent plus chers et aussi peu ductiles, donc trop durs pour nos canons qu’il faut alors protéger avec des bourres à godet… en plastique. C’est là que le bât blesse, le plastique à usage unique – celui qui se retrouve le plus souvent dans la nature sans avoir été récupéré ou recyclé – sera à son tour prochainement interdit, c’est déjà le cas pour les pailles ou les cotons-tiges. Comme il est impossible d’attacher, façon Jokari, un élastique à nos bourres, il faudra trouver une autre voie, une bourre biodégradable qui protégera nos canons des billes de substitution. D’autant que le chrome, qui recouvre et protège l’âme des canons, est également menacé, objet depuis plusieurs mois d’une longue bataille entre des ONG demandant son interdiction et la Commission européenne. Dans cette équation à deux inconnues, plomb et plastique, se trouve l’avenir de la chasse du petit gibier mais aussi de la chasse dans son ensemble. Pour déjouer les scénarios les plus pessimistes, il faudrait qu’un matériau dense, ductile et disponible en abondance apparaisse soudainement. C’est peu probable. A moins que les encartoucheurs réussissent là où les alchimistes – qui ne sont jamais parvenus à transformer le plomb en or – ont toujours échoué. Mais qui sait, peut-être arriveronsnous à concevoir enfin le plomb nouveau, « politiquement correct », avec de l’or ou plus vraisemblablement beaucoup d’argent !