Les applications balistiques
Lesquelles, pour qui et pour quoi ?
Lesquelles, pour qui et pourquoi ?
Vous êtes nombreux à nous demander notre avis sur les applications balistiques développées pour nos smartphones. Lesquelles utiliser ? Sont- elles bien conçues et fiables ? Nous allons tâcher de répondre à ces questions pratiques, sans entrer dans la polémique du tir « de chasse » à longue distance souvent alimentée par l’utilisation de ces outils.
Il existe trois types d’applications balistiques : les « universelles », qui permettent de calculer les trajectoires pour pratiquement n’importe quelle balle, celles développées par des fabricants de munitions, qui fonctionnent avec les balles et cartouches de ces fabricants, et celles conçues par des « opticiens », qui fonctionnent avec un choix de munitions de divers fabricants et destinées à ajuster trajectoires théoriques et réticules. Seuls les deux premiers types, les calculateurs universels et ceux des encartoucheurs, intéressent le chasseur.
Ces applications calculent, à partir de fonctions mathématiques, la trajectoire théorique d’une balle, sur la base d’un ensemble de variables dont les plus importantes sont la vitesse initiale de la balle, sa vitesse résiduelle et son coefficient balistique ainsi que l’altitude, la pression et la température au moment du tir. Modifiez un paramètre et le résultat de l’équation change de façon plus ou moins importante. Le résultat est toujours juste en fonction des données entrées, mais si les données entrées sont fausses, alors…
Naissance de la balistique moderne
La démarche consistant à prévoir et calculer la trajectoire d’une balle ou d’un obus trouve son origine au début des années 1740, quand le mathématicien et ingénieur britannique Benjamin Robins établit que la force exercée sur un projectile en vol (la traînée, pour simplifier) peut être jusqu’à cent fois plus importante que la gravité. La balistique moderne est née. Sans nos outils performants de mesure et de calcul, cette nouvelle science va progresser lentement, mais établir malgré tout que la résistance à l’avancement et la traînée varient en fonction de la forme des projectiles.
De 1850 à 1880, plusieurs scientifiques, dont Siacci, Bashforth et Mayevski, définissent un projectile standard destiné à constituer une référence à laquelle pourront être comparés tous les autres projectiles. L’idée, géniale, est adoptée et les mathématiciens et physiciens des grandes puissances se mettent au travail. Les militaires vont tester des milliers de projectiles (en fait des obus) de formes différentes et mesurer les résultats que les balisticiens s’attellent ensuite à transformer en équations et formules. Rapidement, ces derniers parviennent à modéliser les trajectoires des projectiles en comparant leurs formes à un modèle défini, établissant ainsi ce qui deviendra le coefficient balistique (CB) – ballistic
coefficient, BC en version anglaise. En 1881, une commission d’étude française basée au Gâvre (Loire-Atlantique) reprend tous les travaux connus et ses propres études, introduit une référence standard pour les conditions atmosphériques et établit un modèle balistique. Celui-ci va ensuite être repris et affiné à Aberdeen, aux États-Unis, et baptisé BC G1 (BC pour ballistic coefficient et G pour Gâvre). Un coefficient balistique peut dès lors être établi pour n’importe quel projectile à partir de la valeur de référence. Plus le G1 est élevé, plus le projectile conservera sa vitesse et moins il sera affecté par le vent (dérive). A partir des années 1960-70, le coefficient G1 sera utilisé par les tireurs et chasseurs civils pour estimer la trajectoire de leurs balles, aidés par les premières tables mises à disposition par Sierra et Winchester. Les chercheurs ayant établi que la vitesse modifie la valeur du CB, Sierra propose plusieurs CB en fonction des plages de vitesses afin d’affiner la prévision des trajectoires. Peu de calculateurs permettent toutefois d’entrer ces différents CB pour modéliser la trajectoire sur une longue distance.
L’autre G7
Constatant que le G1 est surtout adapté aux projectiles courts et à base plate, entre la fin des années 1990 et le début 2000, des chercheurs en balistique sont convaincus de la nécessité d’établir un autre coefficient convenant mieux à la forme des projectiles modernes. Parmi eux, l’Américain Bryan Litz, ingénieur, balisticien et tireur de haut niveau, va proposer le coefficient balistique G7 basé sur un projectile de référence à arrière fuyant et ogive de dix rayons. Ce nouveau coefficient est établi à partir du suivi de la trajectoire sur une distance importante (1 000/1 500 m) et prend en compte les variations en zone transsonique, voire subsonique. Litz continue ensuite ses recherches sur le terrain, tirant et mesurant la vitesse et la chute de milliers de balles jusqu’à 600 m et plus pour établir le G7 de nombreuses balles (Berger en particulier). Validé par d’autres fabricants et laboratoires militaires – comme toujours, la destination première de ces recherches est militaire –, le G7 est devenu le standard accepté aujourd’hui pour la majorité des balles de tir à longue distance et de nombreux calculateurs l’emploient en plus du G1. Il demeure toutefois très peu utilisé pour les balles de chasse. La technologie des radars à effet Doppler étant devenue accessible aux civils, plusieurs fabricants de balles de match pour tir à très longue distance (Hornady, Lapua, Barnes, Berger) vont néanmoins populariser ce nouveau type de coefficient pour certains de leurs projectiles. C’est incontestablement le début d’une nouvelle ère pour la balistique civile. Pour autant, peu de calculateurs possèdent le logiciel adapté, ce type de balle ne concerne ni la chasse ni les chasseurs et les lecteurs qui s’y intéressent en savent au minimum autant que moi. Aussi en resterai-je là.
Tir de chasse et balistique
La chasse n’est un terrain ni de guerre ni de sport : pour tuer le gibier de la façon la plus rapide possible, il nous faut employer des balles différentes de celles des tireurs ou des militaires. Outre la précision doivent être prises en compte l’expansion, la pénétration et l’énergie résiduelle. La recette obtenue doit être parfaitement enfermée dans un petit projectile qui doit rester efficace à différentes distances. Le coefficient G1 employé pour la majorité des munitions de chasse est bien adapté aux balles à base plate et ogive tangente peu prononcée, mais
il l’est beaucoup moins pour celles à culot rétreint ( boat tail) et ogive longue. Il permet toutefois des calculs suffisamment précis pour des tirs jusqu’à 500 m (cercle de 16 cm), voire 600 m (cercle de 20 cm). La zone vitale d’un cerf élaphe n’a rien à voir avec celle du chevreuil ou du chamois. Certains tireurs de compétition (PRS USA) continuent à utiliser la seule fonction G1 des logiciels. Vous n’avez donc aucune raison de vous inquiéter si vous ne disposez pas du G7 de votre balle.
Approche- toi encore…
Au préalable, vous devez acheter un chronomètre de qualité afin de mesurer la vitesse réelle de votre balle en conditions standard. Pour l’établir, vous allez tirer 12 balles sans faire chauffer votre tube, à une température de 15 à 20 °C, le plus près possible du niveau de la mer et dans un air calme. Vous éliminerez les deux résultats extrêmes et ferez la moyenne des dix autres. Vous avez votre vitesse initiale, vous êtes paré pour télécharger dans votre smartphone l’application balistique que vous aurez choisie. Nous vous en présentons cinq, trois développées par des fabricants et deux « universelles ». Il en existe d’autres bien entendu, bien conçues le plus souvent – avec une réserve pour l’application Winchester, que je n’ai pas réussi à comprendre et à faire fonctionner, certainement à cause de mon téléphone devenu trop vieux pour elle.
Bien que je ne sois ni expert en informatique ni en balistique, j’apprécie la possibilité donnée par ces outils de prédire la trajectoire de mes balles lorsque je vais tirer « loin » – à la chasse, uniquement pour tirer un gibier blessé, et dans ma pratique sportive. Pour cela, le Strelok (cf. p. 60) me convient jusqu’à 1200 m pour mon 6,5 x 47.
C’est évident, mais rappelons quand même que la solution juste découle de l’entrée de variables justes. Une autre évidence est que la solution fournie par le logiciel, aussi valide soit-elle, ne fera rien pour votre maîtrise du tir une fois le percuteur lancé. Le gibier n’est pas une cible statique , et plus grande est la distance plus importante sera l’erreur. Les vidéos qui courent sur le web ne vous montrent que des réussites. Pour combien d’échecs cachés derrière ? Dites-vous bien que rien ne remplace l’entraînement et la connaissance des principes de base du tir. « Approche- toi et quand tu seras près, approche encore »… Nous sommes chasseurs, pas snipers ! Dominique Czermann