Bain de Jouvence pour votre crosse
Une monture unique et belle
Une monture unique et belle
L’hydrodipping est un procédé qui permet de recouvrir toute une gamme de matériaux d’un film imprimé.
Il se prête parfaitement au traitement d’une crosse de fusil ou de carabine. Après son passage, c’est une arme radicalement transformée qui est entre vos mains.
Lhydrodipping, ou « plongeon aquatique » dans la langue de Molière, consiste à transférer un motif sur une surface (en métal, verre, bois ou plastique) au moyen d’une immersion dans un bac d’eau recouvert d’un film hydrosoluble. La technique est arrivée assez récemment chez nous mais est connue depuis une trentaine d’années. Elle peut servir à décorer un réservoir ou un cadre de moto, un casque, des jantes de voiture, un instrument de musique… ou une crosse de fusil ou de carabine. Rémy et Sandrine Ziska ont créé il y a six ans une société spécialisée dans ce procédé, Mirage Art. Ils sont installés à Péroy- lesGombries près de Crépy-en-Valois, dans l’Oise.
Le temps est assassin
« Les chasseurs, ou les armuriers intermédiaires, représentent en effet une part importante de notre clientèle, nous confirme Rémy quand nous le contactons pour ce reportage. La technique est parfaite pour transformer une banale crosse noire ou un revêtement camo devenu blanchâtre faute d’un vernis de qualité ou encore une finition qui part en lambeaux. » Lorsque nous retrouvons Rémy dans son atelier, il s’apprête à recouvrir une crosse de Sako 85 Synthetic grise avec des inserts caoutchoutés noirs. Sous l’effet du temps, des frottements et des intempéries, la finition « soft touch à effet velours » qui recouvrait les inserts a disparu par endroits ou a formé une surépaisseur boulochante et collante. Pour tenter de rattraper les choses, le propriétaire du fusil a poncé le matériau avec un papier au grain un peu trop gros, laissant un patchwork de profondes griffures et de traces résiduelles de «velours » élimé. Pour couronner le tout, la crosse a subi un mauvais coup qui a engendré un enfoncement et une fêlure. Les choses se sont déjà bien améliorées depuis que Rémy a pris la crosse en main. Il a enduit l’enfoncement pour le boucher et restituer une surface plane et, par un patient ponçage au grain 400, puis 600 et 800, il a ôté ce qui restait de la finition. La crosse a retrouvé un aspect parfait.
Un nettoyage en règle
« Il est indispensable de retirer la plus infime trace des traitements d’origine, explique Rémy, faute de quoi on risque des réactions chimiques avec notre propre traitement ou une adhésion insuffisante du film. »
Le ponçage est donc suivi d’un dégraissage en règle. Ensuite, Rémy masque les inserts caoutchoutés qui ne doivent pas être recouverts de film. Il utilise un ruban adhésif opaque, tel que nous en employons pour recouvrir des surfaces que nous voulons protéger avant des travaux de peinture. La crosse est prête pour être peinte. « Pour un
rendu impeccable, j’applique deux couches, précise Rémy, avec s’il le faut un nouveau ponçage après chaque couche. Toute cette phase d’apprêt est essentielle, elle conditionne le résultat final. »
Pour le film retenu, un camo 3D avec des zones marron, beiges et noires, destiné à se fondre dans les paysages hivernaux ou montagneux, Rémy a opté pour une peinture blanche, qui
va faire office de fond. « Mon client a longuement hésité avant de se décider pour ce motif, confie Rémy. Il faut dire que ce n’est pas toujours évident de choisir parmi la déferlante de possibilités que je lui présente. C’est finalement l’étape la plus longue du processus ! »
Des motifs et des coloris à foison
La gamme des motifs et des coloris dans lesquels sont déclinés les films imprimés est en effet immense. Cela va des camos traditionnels à l’ancienne, type treillis de parachutiste, ou plus modernes en 3D, façon printemps-été-automne-hiver, sous-bois, plaine, montagne, marais, aux plus récents – pixels à dominante grise, noire ou verte ou encore imprimés façon peau de serpent, apparus sur les vêtements de chasse sous le nom d’Optifade par exemple, dans des déclinaisons bleues ou orange. Pour les plus exubérants d’entre nous, il existe des motifs à massacres de cerf entremêlés qui composent un camouflage original, des rinceaux façon fine gravure, des tissages façon crosse carbone, des faux bois de tous veinages y compris en loupe de noyer. Il y a aussi des têtes de mort, que l’on a plus l’habitude de voir sur la panoplie des motards, mais aussi des cartes à jouer pour les accros des casinos, des graffitis colorés et fantaisistes, des faux bois, voire des loupes de noyer utilisées pour refaire les garnitures de vieilles voitures anglaises, des faux marbres, des motifs psychédéliques… Vous l’avez compris, il y a de tout et pour absolument tous les goûts et toutes les utilisations. Pour aider ses clients à se faire une idée du rendu final, en volume, Rémy utilise des coques, appelées car shape, comme on en trouve chez les carrossiers pour les essais de peinture. Mais ici, elles ne sont pas unies mais recouvertes des motifs que nous venons de rapidement survoler.
Rémy s’empare du rouleau de film correspondant au motif sélectionné par son client. Il coupe un morceau un peu plus long que la pièce à recouvrir et le pose soigneusement à plat sur la
surface d’un gigantesque bac d’eau de deux mètres sur un. Le film semble se lisser, s’étirer tout seul. A l’aide de cales métalliques, Rémy crée un cadre limité aux strictes dimensions du morceau de film afin que ce dernier ne puisse plus bouger sur la nappe d’eau.
Le grand plongeon
« Le film est réalisé en PVA, du polyvinyle alcoolique, précise Rémy. Vous savez, c’est la matière utilisée pour enrober les cubes de produit pour lave-vaisselle. Elle a une épaisseur de 40 à 30 microns et se dissout en une minute et demie dans de l’eau à 33 °C. Mon bac est chauffé en permanence à cette température. Une fois le film dissous, il ne reste plus que l’encre à la surface de l’eau. » Et effectivement, je vois le film se plisser comme une peau d’orange au contact de l’eau chaude. Rémy s’empare alors d’un pistolet de peintre et asperge la surface du film. « J’applique un solvant qui va rendre l’encre quasi liquide pour lui permettre d’épouser et de recouvrir parfaitement les formes de la pièce à traiter. Nous en arrivons à l’étape clé du processus, le moment d’appliquer sa nouvelle robe à notre crosse. Toute la difficulté consiste à bien mesurer l’angle sous lequel je vais la présenter et la vitesse à laquelle je vais la déplacer. C’est la condition pour que le motif s’applique régulièrement, sans s’étirer à certains endroits ou au contraire s’amasser. »
Rémy s’empare de la crosse en la tenant légèrement à l’oblique fût vers le haut comme si un canon invisible était pointé vers le ciel. Il la fait entrer dans l’eau par le bas du talon, puis la place quasiment à l’horizontale avant de la faire tourner sur elle-même tout en la déplaçant sur les motifs qui flottent à la surface de la cuve. Il est clair que le tour de main ne s’improvise pas, il relève même d’un vrai savoir-faire, auquel Rémy est rompu puisqu’il dispense désormais des formations à cette technique. A mesure que la crosse est enfoncée dans l’eau, son fond blanc se couvre du motif. Au terme d’un autre tour sur ellemême, la voilà entièrement habillée. Rémy l’immerge complètement une dernière fois avant de la faire onduler légèrement pour chasser les résidus d’encre et de la sortir de l’eau.
Plus belle et solide que quand elle était neuve
La crosse encore mouillée brille joliment. Elle est comme neuve dans sa belle robe hivernale. C’est un instant un peu magique. Il faut à présent la rincer soigneusement pour ôter toute trace de solvant, les restes d’encre et les résidus de PVA qui forment une couche un peu gluante au toucher. Peu à peu tous ces éléments parasites disparaissent. Le motif est maintenant net, parfait.
Rémy retire les rubans de protection et met la crosse à sécher. Son travail est loin d’être terminé. Il lui reste encore à procéder à quelques retouches pour parfaire le motif et combler les manques. Une opération délicate qui sera confiée à Sandrine. Puis Rémy terminera le travail en appliquant le vernis : « Les crosses camos du commerce sont rarement vernies, c’est pour cela qu’après une utilisation intensive elles deviennent partiellement ou totalement blanches. Mais pas les miennes ! Je compte parmi mes clients des chasseurs assidus qui utilisent leur arme très souvent et dans les pires conditions, ils n’ont jamais eu à revenir. »
Quelques heures plus tard, les retouches ont été faites, le vernis a fini de sécher, la crosse est prête à retrouver sa canonnerie et sa mécanique avant de repartir sur les terrains de chasse. L’opération aura nécessité une immobilisation d’une semaine et coûté un peu plus de 200 €. C’est un délai et une somme très raisonnables pour retrouver une crosse unique, comme neuve et plus résistante qu’à sa sortie d’usine.