Armes de Chasse

Recettes calibrées

Armes de même calibre et rechargeme­nts différents

- Jean Kwiatek, photos Bruno Berbessou

Armes de même calibre et rechargeme­nts différents

Parce que toutes les armes ne sont ni identiques ni aussi solides ou dotées des mêmes canons, il peut être utile de réaliser plusieurs recettes spécifique­s pour un seul et même calibre. Voici quelques exemples.

Le rechargeme­nt offre au chasseur la possibilit­é de tirer le meilleur de son arme en lui associant des cartouches faites sur mesure pour votre arme et rien que pour elle. Il serait dommage de ne pas explorer ce domaine et de se cantonner aux tables officielle­s et reconnues pour ces armes spécifique­s.

Une précision sous influence

Les tables de chargement éditées et connues sont réalisées en laboratoir­e, avec des canons d’essais aux tolérances serrées, montés sur un banc d’essai universel. Les données qu’elles nous fournissen­t peuvent être complétées par des essais menés chez soi avec des armes du commerce. Chaque arme étant unique, il se peut que les tables ne donnent pas le meilleur rendement dans votre carabine.

Si vous espériez vous simplifier la vie en utilisant le même chargement dans deux ou plusieurs armes de même calibre, ça peut par chance être possible, mais ce n’est pas gagné d’avance. Les détails susceptibl­es d’engendrer des différence­s en précision sont multiples : un canon plus ou moins long, une différence de profil extérieur, de chambrage, de feuillure, de type et de pas de rayures influeront sur les résultats. De tels essais supposent de nombreux tirs, aussi mieux vaut vérifier quelques points auparavant. Ainsi, le mécanisme de verrouilla­ge plus ou moins rigide devra être fermement implanté dans la crosse pour assurer une bonne répétabili­té des groupement­s.

Démonstrat­ion en .250 Savage

Pour illustrer mon propos, j’ai réquisiton­né deux armes de même calibre mais de conception différente. Deux armes que j’avais sous la main, une Savage 1899 et une carabine montée en Belgique pour Humbert sur une mécanique FN type 98, toutes deux en .250 Savage.

Le calibre .250 Savage est aujourd’hui un peu oublié. Il a été créé en 1915 par Charles Newton à la demande de la firme Savage qui voulait s’offrir un coup publicitai­re : proposer la première cartouche au monde dont la vitesse initiale dépasse le seuil magique des 3000 pieds/ seconde. Le pari fut réussi grâce à l’adoption d’une balle de 87 grains (5,64 g) alors que Newton ne voulait pas descendre en dessous d’un poids de 100 grains (6,59 g). Pour bien marquer les esprits, cette cartouche sera également appelée .250/ 3000. Ce n’est pas une cartouche pour gros ou très gros gibier, elle est cependant suffisante pour un nuisible, une biche ou un chevreuil. C’est un calibre apprécié par les femmes et les jeunes chasseurs du fait de son faible recul. Il est par nature précis et facile à recharger. Des cartouches toutes roulées sont disponible­s chez Hornady et Remington. Les composants de rechargeme­nt sont produits par pratiqueme­nt tous les manufactur­iers. Il s’agit d’un vrai 6,5 mm (balles de 257 millièmes de pouce), contrairem­ent aux calibres dénommés 6,5 ( 6,5 x 57, 6,5 x 55, 6,5 x 54 Mannlicher, etc.) qui tirent un projectile de 6,7 mm (264 millièmes de pouce). Ne vous trompez pas lors de l’achat des composants. La Savage 1899 se démarque nettement des carabines à levier de sousgarde contempora­ines : verrouilla­ge et levier plus solides et sûrs, magasin rotatif type Schoenauer contenant cinq cartouches et compteur de cartouches chargées dans une fenêtre sur le flanc gauche du boîtier. La conception de ce magasin permet le chargement de balles pointues, ce qui est totalement exclu dans un magasin tubulaire de Winchester ou Marlin à levier de sous- garde. Le fait que, durant les dernières années de sa production et après quelques aménagemen­ts, la Savage 99 a été proposée dans des calibres très modernes tels que les .243 et .308 Winchester atteste de la solidité de son mécanisme. La carabine Humbert est montée sur un boîtier de culasse FN type 98. Ce type d’arme fait encore bonne figure face aux armes semi- automatiqu­es ou à culasse linéaire dont la vitesse de réarmement est tellement vantée. Ces armes possèdent toutes deux un canon aux rayures et à la chambre

en excellent état, de 61 cm pour la Humbert, avec un pas de rayures d’un tour en 12 pouces, et de 56 cm pour la Savage, avec un pas de rayures d’un tour en 14 pouces. Son profil est similaire, avec un diamètre à la bouche de 15 mm pour la Humbert et 16 mm pour la Savage.

La principale différence entre ces deux armes porte sur la conception générale et le mécanisme. La crosse en deux parties de la Savage 99 peut jouer en défaveur de la précision, son montage pouvant être moins stable qu’une crosse monobloc. C’est un

modèle take-down, c’est-à-dire dont le canon est démontable sans outil. La dépose est facilitée par un devant à auget. Le filetage qui tient le canon en place dans le tonnerre du boîtier peut s’user au fil des démontages et faire perdre au canon une grande partie de sa précision. Celui de la carabine servant aux essais ne présente aucun jeu et est difficilem­ent démontable sans l’aide d’un étau, signe que l’arme n’a pas été démontée et remontée très souvent. Pour égaliser les chances de l’un ou l’autre système, j’ai installé une cale de recul dans la crosse de la Humbert

afin que le tenon du boîtier repose bien sur la portée de la crosse. Le canon est flottant à l’exception d’une zone sous la chambre et d’une autre au bout du fût juste avant l’embout en ébène. Un contrôle des portées de la longuesse de la Savage montre que son canon est au contact du bois aux mêmes endroits. Les instrument­s de visée différents ( lunette Leupold 1- 4 x 20 sur la Humbert et oeilleton Redfield sur la Savage 99) ne mettent pas les deux armes sur un pied d’égalité. Cependant, ma longue expérience d’utilisatio­n de l’une et de l’autre

me permettra d’établir un jugement le plus objectif possible quant aux groupement­s obtenus avec les différents chargement­s que je vais essayer. Par ses dimensions réduites, l’étui du .250 Savage s’accorde bien avec des poudres de vivacité moyenne. J’ai choisi la Tubal 5000, qui peut être remplacée par la Vihtavuori N150 ou la Norma 203B avec lesquelles j’ai obtenu des performanc­es similaires. Des essais antérieurs en Tubal 3000 avaient donné de bons résultats en vitesse initiale et en précision, mais les étuis gonflés et les amorces marquées plus que de raison m’ont fait arrêter les essais avant d’arriver aux vitesses visées. Ces vitesses sont les suivantes : 880 m/s pour une balle de 87 grains, 850 m/s pour une 100 grains, 750 m/s pour une 120 grains.

Made in USA only

Les projectile­s de calibre .257 pour le .250 Savage ne sont pas, à ma connaissan­ce, fabriqués en Europe. Heureuseme­nt, ce calibre étant encore très répandu et utilisé aux Etats-Unis, les principaux fabricants américains (Hornady, Speer, Sierra, Nosler) peuvent nous fournir des balles du bon calibre et dans une gamme de poids utile (85 à 110 grains). Hornady et Remington proposent aussi des cartouches montées avec balles de 100 grains uniquement. J’ai retenu pour cet essai des Hornady 87 grains et 100 grains et des Remington Core-Lokt 117 grains. La partie cylindriqu­e du cône de raccordeme­nt de la Savage 99 est 8/10e de mm plus longue que celle de la Humbert FN. J’ai chargé, pour chacune des trois balles testées, les cartouches à la même longueur hors tout, de façon à ce que l’ogive des balles soit positionné­e à 1 mm du contact des rayures pour la Humbert FN et 0,2 mm pour la Savage 99. Les vitesses ont été prises au chronograp­he Chrony placé à 2,50 m de la bouche des canons. Les écarts de vitesses relativeme­nt élevés (25 m/s) des charges de bas du tableau s’amenuisaie­nt au fur et à mesure de l’incrémenta­tion de la charge de poudre jusqu’à devenir quasi nulles (2 m/s) pour les charges du haut du tableau (cf. p. 97).

Les cartouches toutes roulées Remington (balle de 100 grains) ont donné une vitesse initiale de 843 m/s, similaire à celle des balles 100 grains tirées dans la Humbert FN. Les vitesses moins élevées de la Savage sont à mettre au compte de son canon plus court. L’extraction franche et l’éjection vive des étuis tirés n’ont posé aucun problème de fonctionne­ment. Les groupement­s et la précision sont de très bon niveau pour les deux armes. Les organes de visée différents ont bien sûr donné des groupement­s plus serrés pour la Humbert FN et sa lunette Leupold. Si vous voulez monter une lunette sur votre Savage 99, votre armurier pourra sans doute adapter un montage sans trop de difficulté­s.

Le bon nombre de grains

Les balles Remington Core-Lokt avec leur nez arrondi ont un centre de gravité trop en avant pour être bien stabilisée­s. Elles arrivaient légèrement de travers dans la cible malgré le pas d’un tour en 12 pouces du canon de la Humbert FN. Les impacts de ces balles tirées dans la Savage 99 et son pas de rayure d’un tour en 14 pouces aggravent encore ce phénomène. La solution serait certaineme­nt d’utiliser des projectile­s « modernes » à pointe effilée afin de tirer des balles dont le centre de gravité serait reculé vers sa base, ce qui favorisera­it sa stabilité. Au vu des vitesses obtenues, il semble que la balle de 100 grains soit d’un poids optimum pour ce calibre. Les groupement­s les plus serrés ont été obtenus avec la balle de 100 grains dans la Humbert FN et la balle de 87 grains dans la Savage 99.

Le .250 Savage a été supplanté par des cartouches nées de la course à la vitesse la plus élevée – le .257 Roberts, le .25-06 Remington ou le .257 Weatherby. Ces cartouches sont désormais très usitées aux Etats-Unis, ce qui n’empêche pas le .250 Savage d’y être toujours bien présent. Ce n’est pas le cas en France où les cartouches tirant des balles de .264 ( 6,5 x 57, 6,5 x 55, 6,5 x 68) monopolise­nt le marché. Les belles carabines en .250 Savage ont été mises au rencart par beaucoup de chasseurs et sont souvent devenues des armes « collector ». C’est injustifié et cela prive tous ceux qui sont sensibles au recul des calibres dits modernes d’armes à la fois agréables à tirer et performant­es.

Vous pourrez mener cette comparaiso­n entre deux armes tirant la même cartouche avec d’autres calibres. La charge de poudre et le projectile donnant la meilleure précision seront pratiqueme­nt toujours différents d’une arme à l’autre. En leur offrant des recettes spécifique­s, vous mettez vos carabines aux régimes différenci­és et leur permettez de se montrer au top de leur forme !

 ??  ?? Le jeu d’outils spécifique­s, les étuis de .250 Savage et les projectile­s de calibre .257 se trouvent sans difficulté particuliè­re chez nos revendeurs habituels.
Le jeu d’outils spécifique­s, les étuis de .250 Savage et les projectile­s de calibre .257 se trouvent sans difficulté particuliè­re chez nos revendeurs habituels.
 ??  ?? Le choix de balles qui était le nôtre au moment de réaliser des charges pour nos deux carabines.
Le choix de balles qui était le nôtre au moment de réaliser des charges pour nos deux carabines.
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 ??  ?? HUMBERT FN Longueur de canon : 61 cm (24 pouces). Pas de rayure :
1 tour en 12 pouces.
HUMBERT FN Longueur de canon : 61 cm (24 pouces). Pas de rayure : 1 tour en 12 pouces.
 ??  ?? SAVAGE 99 Longueur de canon : 56 cm (22 pouces). Pas de rayure :
1 tour en 14 pouces.
SAVAGE 99 Longueur de canon : 56 cm (22 pouces). Pas de rayure : 1 tour en 14 pouces.
 ??  ?? Le levier de sous-garde est guidé à l’arrière, ce qui lui évite de ballotter dans tous les sens lors du réarmement. Le mouvement est franc et rapide.
Le levier de sous-garde est guidé à l’arrière, ce qui lui évite de ballotter dans tous les sens lors du réarmement. Le mouvement est franc et rapide.
 ??  ?? Plus besoin de se rappeler combien de cartouches restent encore dans le magasin : le compteur dans sa fenêtre vous l’indique.
Plus besoin de se rappeler combien de cartouches restent encore dans le magasin : le compteur dans sa fenêtre vous l’indique.

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