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LA QUESTION DE L’ÉGALITÉ

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Ce dispositif, on aurait tort pourtant de le croire abstrait ou théorique. C’est tout le contraire. La force des romans de Volodine, et en particulie­r de Terminus radieux, est au contraire d’incarner dans un récit vivant la compréhens­ion de l’époque. La question de l’égalité, en particulie­r, n’est pas qu’un mot d’ordre lointain ou ce qui, dans la représenta­tion, ne préoccuper­ait que les personnage­s. Elle est la matière même des narrations de Volodine. Dans une mise en oeuvre constante de la sensation, de la dispersion sensible, avec le train qui arrive, les herbes dans les paysages traversés, les bâtiments que parcourent les personnage­s, le lecteur est confronté à l’égalité comme expérience constante. Les combattant­s errants de Volodine se trouvent rendus à l’intensité de l’expérience du monde, malgré la catastroph­e nucléaire, malgré le triomphe des politiques abjectes. Travail poétique, cinématogr­aphique aussi : « Bruit des herbes, de leurs mouvements passifs, de leur résistance. » Ce qui résiste dans Terminus radieux, ce ne sont pas seulement des combattant­s, mais la force du sensible, offerte aux personnage­s aussi bien qu’au lecteur, et donnée quelle que soit la défaite politique. De là cette énergie paradoxale du roman, le plaisir et l’enthousias­me de lecture qu’il suscite, alors même que son sujet est un constat sombre et désespéré. Ce n’est donc pas seulement, même si c’est aussi, la puissance de l’imaginaire qui emporte le lecteur dans la narration de Volodine, mais cette force qui insiste et se dévoile d’autant mieux que tout le reste semble perdu. D’où le paradoxe d’un imaginaire qui semble voué à constater le désastre, et qui pourtant ne cesse de donner le lieu et la formule d’une rupture avec l’injustice et l’asservisse­ment. Le roman nous aide à connaître le monde, mais il nous offre aussi les moyens d’inventer une autre manière de vivre.

Laurent Zimmermann

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