Art Press

Visible la nuit

- Catherine Francblin

Fayard Mao-Mao, le narrateur, a 20 ans quand il fait la connaissan­ce de Robert Malaval. Leur amitié est immédiate et durera jusqu’au suicide du peintre, quatre ans plus tard, d’une balle de 22 long rifle dans la bouche. Entre souvenirs d’une dérive hallucinée en compagnie d’un aîné qui fait figure d’artiste maudit et évocation d’un milieu et d’une époque étourdis de musique et d’alcool, ce roman biographiq­ue dessine le portrait d’une légende de la scène artistique française happée dans le tourbillon de l’autodestru­ction. Fin des années 1950, Malaval élève des chèvres dans l’arrière-pays niçois et voyage à dos d’âne. Première exposition chez Alphonse Chave. André Labarthe, Daniel Cordier s’intéressen­t à son travail. Le succès vient avec ses oeuvres en papier mâché inspirées des masques de carnaval. C’est « l’aliment blanc », boursouflu­res, énormes tumeurs, qu’expose la galerie Gervis. Mais l’artiste rêve d’autre chose. Il se compose un personnage de rock star, sort avec une actrice, des mannequins, s’évade dans la défonce, décide de tout arrêter et redécouvre la peinture avec ses toiles pailletées. Mao-Mao remonte le temps de son héros au cours d’interminab­les virées nocturnes ; il passe des heures avec lui dans son atelier de Pigalle plongé dans les accords du Velvet ; il l’accompagne au vernissage de son exposition Kamikaze fin du monde, assiste à l’une de ses performanc­es lors d’une vente aux enchères, tente de vendre quelques-unes de ses oeuvres et s’emploie même à lui trouver une compagne par voie d’annonces. Mais « Robert », abandonné de tous, n’en peut plus de fureur. Il met fin à ses jours en plein mois d’août. « Je me considère assassiné par “eux” et qu’ils continuent leur cirque stupide. » Il a 43 ans.

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