Art Press

La Double Réfraction du spath d’Islande

- Alexandre Mare

Les éditions du Chemin de fer Béatrix Beck, « travaillan­t dans le français », née en 1914, a publié une trentaine de livres, obtenue le Goncourt et d’autres prix encore. Régulièrem­ent, les éditions du Chemin de fer republient son oeuvre, accompagné­e de dessins contempora­ins, à l’instar de ceux réalisés par Mélanie Delattre-Vogt pour Cou coupé court toujours. La Double Réfraction du spath d’Islande (le spath est une calcite transparen­te qui double le motif sur lequel on le pose) réunit quarante-deux textes et nouvelles inédits, ainsi qu’un entretien que l’écrivain s’est amusée à se donner à elle-même – il y a mille malices chez « Mâme Beck ». S’étendant sur près de cinquante ans, les textes donnent à saisir les types de personnage­s qui intéressen­t Beck, et le travail « sur le fil du rasoir » qu’elle effectue sur la langue. L’enfance, les leçons d’écriture du maître d’école, les femmes de peines et quelques gentils fous, les chats, son père l’écrivain Christian Beck, Gide, Nimier. Tout cela de sa graphie ronde et cacophoniq­ue tracée au stylo bic dont les éditeurs ont eu ici la bonne idée de reproduire quelques pages. « Quand j’étais enfant, mon écriture était pompeuse ou archaïsant­e. Après, ç’a été le style qu’on appelle blanc et que j’appelle incolore. Maintenant c’est n’importe quoi pourvu que ça me plaise. » On comprendra que ce livre d’inédits de Béatrix Beck, décédée en 2008, forme un autoportra­it. Un guide précieux pour aborder l’oeuvre, la double réfraction de son écriture et de ses enjeux narratifs. Il y a une apparente simplicité dans l’écriture de Beck. Elle est pourtant une mineur de fond. « Le lecteur idéal ? Quelqu’un qui lit ce qui est écrit, pas autre chose. Ni au-delà, ni en deçà. Quelqu’un qui n’écrit pas son nom sur l’écorce des arbres. »

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