Damage Control. Art and Destruction since 1950
Mudam/ 12 juillet - 12 octobre 2014 Kunsthaus / 15 novembre 2014 - 15 mars 2015 En 1949, quatre ans après Hiroshima, les Soviétiques font exploser leur première bombe atomique. L’Amérique prend peur. Chesley Bonestell, illustrateur de science-fiction, fait la couverture du magazine Collier’s avec des images montrant l’explosion d’une bombe sur New York. Avec l’escalade de la course aux armements et la perspective d’une guerre nucléaire, de nombreux artistes s’emparent du thème de la destruction. Cent cinquante ans plus tôt, Goya a consacré aux désastres de la guerre des dizaines de dessins, comme le rappellent, dans l’exposition, les « gravures améliorées » des frères Chapman, qui s’emploient à introduire de l’humour dans les scènes d’horreur du maître espagnol. Mais au cours des années 1950-1960, si la peur de la guerre est dans les esprits, elle prend souvent chez les artistes une forme plus diffuse. Elle donne à Jean Tinguely l’occasion de spectacles effervescents (Hommage à New York ou Study for an End of the World – ce dernier près d’un site dédié aux essais nucléaires dans le Nevada) durant lesquels des machines de ferraille en folie s’autodétruisent au milieu d’un concert de détonations et de fumigènes. En 1966, Gustav Metzger, qui a connu la tragédie des camps en Europe, organise à Londres le festival Destruction in Art Symposium. Depuis quelques années, il projette de l’acide sur des toiles qui se désagrègent devant les yeux du public. À Londres, Yoko Ono invite le public à lacérer ses vêtements à coup de ciseaux, tandis que le Portoricain Raphael Montaña Ortiz détruit un piano à la hache – performance qu’il est venu rejouer au musée le soir du vernissage. Une référence aux Colères d’Arman (destruction d’une contrebasse ou d’un piano à queue en 1962) aurait eu ici toute sa place, mais les commissaires américains, Kerry Brougher et Russell Ferguson, du Hirschhorn Museum de Washington, ne le mentionnent pas. De même font-ils l’impasse sur les Tirs de Niki de Saint Phalle, signalés en revanche dans le catalogue – par ailleurs passionnant. La destruction ne suscite pas que des réactions violentes. Elle inspire aussi des images d’apparence sereine (ainsi, les photographies de voitures accidentées prises par Arnold Odermatt dans les décors immobiles de la campagne suisse) ou d’apparence banale (la série des ac- cidents et des chaises électriques de Warhol), ou encore, notamment à partir des années 1980, des dispositifs séduisants comme une vitrine de bibelots précieux (à l’instar des grenades en cristal réunies par Mona Hatoum). Enrober l’atroce de douceur, tel pourrait être également le projet de Larry Johnson (reproduisant les derniers mots d’un pilote avant le crash de son avion) ou celui de Pipilotti Rist (qui filme au ralenti une jeune femme tenant une fleur géante avec laquelle elle s’attaque aux pare-brise des voitures). Au total, un rassemblement plein de bonnes surprises d’une quarantaine d’artistes. Et on ose en demander davantage ? In 1949, four years after Hiroshima, the Soviets exploded their first atomic bomb. America was scared. The science fiction illustrator Chesley Bonestell did a cover for Collier’s magazine showing a bomb going off over New York. With the arms race and the prospect of a nuclear war, many artists took up the theme of destruction. A century and a half earlier, Goya also addressed The Disasters of War, as this show reminds us by displaying the Chapman Brothers’ “rectification” of a set of his etchings, their attempt to introduce a little levity into the Spanish master’s scenes of shock and awe. But during the 1950s, while the threat of war weighed heavily on the collective consciousness, it often took a more diffuse form in the art of those times. It inspired Jean Tinguely to make effervescent happenings like Hommage à New York and Study for an End of the World (the latter near a nuclear test site in Nevada) where insane machines composed of hardware self-destructed amid a symphony of explosions and smoke. In 1966, Gustav Metzger, a refugee from Nazi Germany, organized the Destruction in Art Symposium in London. For several years he had been making “acid action paintings,” flinging and spraying acid on canvases that disintegrated before spectators’ every eyes. Also in London, Ono invited an audience to pick up a pair of scissors and cut up the dress she was wearing. The Puerto Rican artist Raphael Montaña Ortiz demolished a piano with an axe, repeating this performance on the opening night of his gallery show. Arman’s Colères (Rage) pieces (such as his destruction of a bass and a grand piano in 1962) would have fit nicely in this exhibition, but the American curators, Kerry Brougher and Russell Ferguson of the Hirschhorn Museum in Wash- ington, made no mention of him. Similarly, they ignored Niki de Saint Phalle’s fascinating shooting pieces, although they are referenced in the catalogue. Not all artists reacted violently to the idea of destruction. It also inspired apparently serene images such as Arnold Odermatt’s photos of crashed cars taken against the impassible background of the Swiss countryside, and Warhol’s apparently banal series of car accidents and electric chairs. Especially beginning in the 1980s some treatments of violence were downright beautiful, like a showcase of precious baubles and crystal hand grenades by Mona Hatoum. Sugarcoating the atrocious might also describe the work of Larry Johnson (who reproduced an airline pilot’s last words before his plane crashed) and Pipilotti Rist (a slo-mo film of a young woman using a giant flower to pound car windshields). All in all, this show is full of nice surprises by more than forty artists. Who could ask for more?
Translation, L-S Torgoff