Les Chances de ma vie, Mémoires
Gallimard Auteur depuis les années 1960 d’un nombre considérable de livres, articles et préfaces, rassemblés dans un coffret de 10 volumes publié à Berlin en 2008, et traduit en français en 2011 chez Gallimard sous le titre Un inventaire du regard, Écrits sur l’art et la littérature, Werner Spies, dans ce nouvel opus, raconte sa vie, depuis son enfance dans l’Allemagne nazie. Une vie bien remplie, marquée par de belles rencontres : en premier lieu, certainement, celle de Picasso dont, à la demande de Kahnweiler, il a fait connaître l’oeuvre sculpté, jusqu’alors ignoré, et celle de Max Ernst dont il a analysé avec minutie les collages et établi le catalogue raisonné. L’intérêt pour les arts plastiques de l’ancien directeur du Musée national d’art moderne est connu, et une kyrielle de noms d’artistes en témoigne, classiques de l’art moderne ou stars de l’art contemporain. Mais son rôle dans les relations intellectuelles entre l’Allemagne et la France ne s’est pas arrêté là. On découvre ses amitiés dans le monde des lettres : avec Samuel Beckett et Nathalie Sarraute, par exemple, quand il ne dresse pas un portrait sensible de Jérôme Lindon. Au fil des pages, écrites dans l’idée empruntée à Walter Benjamin que « la mesure véritable de la vie est le souvenir », analyses d’oeuvres et anecdotes se succèdent, et, d’évaluations en réminiscences, l’index nominum s’allonge. Faisant contrepoint au recensement de ses « chances », qui sont sa légende dorée, illustrée ici par de nombreuses photographies de Spies en compagnie de ceux qu’il a eu la bonne fortune de connaître, les dernières pages, émouvantes et dignes, évoquent la blessure qu’a représentée pour lui le fait de voir son nom mêlé à une malheureuse affaire de faux.