Laibach & le NSK, Interrogation machine
Camion Noir Un groupe de musique industrielle qui revendique pour sources « Tito, Toto et Tati » ; qui lance à son public viennois : « Autrichiens, vous êtes Allemands ! » ; ou qui, à défaut de glace carbonique, balance des fumigènes militaires dans la foule qui s’enfuit par les fenêtres, et continue de jouer, au bord de l’asphyxie, jusqu’à la fin du spectacle... Laibach, depuis sa fondation en 1980 dans une bourgade charbonnière de la Slovénie encore yougoslave, n’a jamais cessé de susciter la controverse. Mobilisant une riche masse documentaire, la monographie d’Alexei Monroe est l’ouvrage de référence sur ce groupe et sur le collectif Neue Slowenische Kunst (Nouvel art slovène, NSK) qui développe ses positions dans les arts visuels, voire la philosophie (non loin de Slavoj Žižek, qui signe la préface du livre). Le « rétro-avant-gardisme » du NSK, avec son usage ironique et ambigu des motifs politiques et son recours à une esthétique kitsch inspirée des régimes totalitaires, semble illustrer tous les clichés du nihilisme postmoderniste. Monroe insiste au contraire sur son inscription dans la filiation des avant-gardes du 20 siècle, et sur sa participation active au déclin et à la chute de la Yougoslavie socialiste. De censures en interdictions, le collectif NSK est constamment au point d’articulation de la riche contreculture yougoslave (sans équivalent dans les autres pays communistes) et de la contestation du régime. L’édition française se conclut par un intéressant chapitre sur la réception du NSK en France, qui en dit long sur la persistance de postures idéologiques remarquablement imbéciles. Néo-nazis et antifascistes y furent en effet d’accord pour prendre à la lettre l’esthétique de Laibach, causant pendant plus de dix ans son quasi-bannissement des scènes françaises.