Art Press

« LE DEGRÉ ZÉRO DE LA PENSÉE CRITIQUE »

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Les profession­nels ont beau savoir que le marché est loin de refléter le territoire de l’art, qu’il n’en est qu’un fragment minuscule saisi à un instant T, ils ont du mal à parler d’autre chose. À la Fiac, « sur les stands, on entend demander : “T’as bien vendu ?”. Autrefois, ça ne se faisait pas, ouvrir une galerie était une aventure » (F.L.). Tout le monde sait que le marché est irrationne­l, mais c’est de plus en plus le marché qui mène la danse. Comment cela est-il arrivé ? Il y a peu, Jean Clair pointait la perte d’influence des « connaisseu­rs » qui ont laissé la place aux maisons de vente et à « un petit public de nouveaux riches (2) ». Que le jugement des experts et des critiques ait cessé d’opérer est incontesta­ble. Koons, au demeurant, se contrefich­e de la critique ; c’est même, d’après le texte que lui consacre Bernard Blistène à l’occasion de son exposition à Beaubourg, le propre de son art puisque celui-ci tend « vers le degré zéro de la pensée critique », « joue la contemplat­ion contre l’exercice de la pensée », célèbre « le plaisir au détriment du jugement ». Dans le désert théorique actuel, on aime se souvenir de ces revues nées au début des années 1990 (Documents sur l’art, Purple Prose…), revues disparues aujourd’hui, qui, prenant leur distance avec l’actualité artistique et s’appuyant sur un groupe choisi d’artistes, avaient l’ambition de construire une nouvelle histoire de l’art. Cela dit, au même moment, à New York (où l’on a toujours un peu d’avance sur Paris), le critique d’Artforum, Robert Pincus-Witten, quittait l’université pour travailler chez Larry Gagosian, le marchand de Koons, devenu l’un de ces prescripte­urs incontourn­ables auxquels les

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