OLIVIER REY apologie de la mesure
interview par Fabrice Hadjadj
Olivier Rey Une question de taille Stock Après deux remarquables essais, l’un sur « le fantasme de l’homme auto-construit » ( Une folle solitude, Seuil, 2006), l’autre sur Billy Budd, marin ( le Testament de Melville, Gallimard, 2011), Olivier Rey, chercheur au CNRS, mathématicien et philosophe, nous rappelle, avec Une question de taille, la perfection de la limite et le sens des proportions. Peut-on avoir 1 463 amis ? Un titan est-il vraiment plus fort qu’un hobbit ? La vie de mégapole estelle plus large que la vie de quartier ? Autant d’interrogations décisives, dont il convient de discuter en vérité, c’est-àdire non pas dans de grands colloques internationaux, mais à deux ou trois, autour d’une table. Ce que nous avons fait.
FH les lois de la nouvelle physique. À la fin de sa vie cependant, Galilée a compris que si l’appréhension du monde par les mathématiques effaçait certaines frontières – comme celle, majeure, séparant le monde terrestre du monde céleste –, elle en refondait d’autres. Il a en effet montré, more geometrico, que notre réalité n’est pas invariante par changement d’échelle. C’est le cas des géants que mettent en scène certains contes. S’ils sont dix fois plus grands qu’un homme ordinaire, ils doivent, dans le même temps, être mille fois plus lourds. Mais alors leurs os, dont la section n’a quant à elle été multipliée que par cent, sont incapables de les soutenir. Au premier pas, les géants se casseraient la jambe et s’écrouleraient (ce qui fait qu’il n’est pas très difficile de les terrasser, le tout est de ne pas être dessous quand ils tombent). Le monde est d’un seul tenant, mais formes et phénomènes changent avec l’échelle. On a souvent dénoncé le « règne de la quantité » pour faire l’éloge de la qualité. Mais, ce faisant, on a oublié combien la quantité pouvait être importante, et l’on est passé à côté de ce que vous appelez une « question de taille ». Aussi reprenez-vous