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La Vie l’Amour la Mort le Vide et le Vent

- François Poirié

Gallimard Écrivant sur la vie hors normes de Roger Gilbert-Lecomte, Antonin Artaud notait dans une préface reprise dans ce recueil : « Il avait raison, Van Gogh, on peut vivre pour l’infini, ne se satisfaire que d’infini. » C’est ce qu’a voulu Gilbert-Lecomte, jusqu’à l’épuisement absolu, la chute libre, l’exploratio­n de la « Mort-dans-lavie ». Né en 1907, mort en 1943, cofondateu­r de la revue le Grand Jeu en 1928 avec ses amis René Daumal, Roger Vailland et le peintre Sima, Gilbert-Lecomte aura revendiqué le chaos et l’instinct de destructio­n comme moteur même de toute création. Sa démarche est tout sauf artificiel­le : « Le Grand Jeu est irrémédiab­le : il ne se joue qu’une fois », déclarait-il. Et bien sûr, pour lui comme pour ses frères d’armes, Rimbaud est « le précurseur de tout ce qui veut naître ». Le « voyant » apparaît ici comme le contraire du « croyant » : il est libre, sans programme, prêt à dynamiter son quotidien dans un « lyrisme » – mot-clé du Grand Jeu – violent, torride, convulsif. Gilbert-Lecomte mêle souvent métaphysiq­ue et poésie et fait des détours par la tradition extrêmeori­entale. Sa lecture n’est pas de tout repos puisqu’il s’agit d’atteindre « la vitesse de la vérité », d’être foudroyé en permanence. Ce riche volume publié aujourd’hui comporte les deux recueils la Vie l’Amour la Mort le Vide et le Vent (1933) et le Miroir noir (1937), ainsi que de nombreux autres textes, notamment autour du Grand Jeu. Un être intégral se découvre, qui voulait percer « le grand coeur des limites, là où il n’y a plus que la souffrance, la vie pure », un écrivain qui s’était juré d’écrire peu pour n’écrire que l’essentiel et refusait de vouloir durer. Pour lui, il fallait couler à pic dans le réel, en confondant vie et conscience. De ce point de vue, il a réussi magistalem­ent.

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