Au nom de l’art, 1933-1945
Fayard Il est un vaste continent qui a été à plusieurs reprises exploré par les historiens : pour mémoire, Gisèle Sapiro, dans son essai sur l’attitude des écrivains pendant l’Occupation, Martine Poulain, sur le pillage des bibliothèques en France, LaurenceBertrand Dorléac, sur la politique de Vichy et de l’occupant à l’endroit des artistes… Cette fois, c’est une somme quasi exhaustive qui nous est proposée sur un des plus douloureux moments de notre histoire nationale, celui compris entre les années 1930 et 1940, et qui touche aux secteurs culturels moins visités par les historiens : outre les arts plastiques, le cinéma, le théâtre, la danse et la musique (un chapitre entier est consacré aux music halls, au cabaret, à la chanson et au jazz). Ce travail, on le doit à Limore Yagil, spécialiste de l’histoire du 20 siècle, plus spécifiquement de la période de la Seconde Guerre mondiale. L’apport du livre est de faire porter la lumière sur la situation des artistes juifs pendant l’Occupation : comment, face à la persécution du gouvernement de Vichy et des autorités nazies, ils ont pu néanmoins bénéficier de réseaux de solidarité d’artistes non-juifs. Une minorité de ceux-ci, sans doute, mais dont l’action courageuse et efficace nous oblige à revoir aujourd’hui l’image que nous nous sommes faite masochistement de cette période cruciale de notre histoire. La situation des artistes différait évidemment selon qu’ils se trouvaient en zone occupée ou en zone dite libre, également selon la discipline artistique qu’ils pratiquaient. Mais une certitude se dégage de la lecture de cette monumentale et mouvementée saga : au coeur du pire qu’une civilisation peut connaître, ce sont la littérature et l’art qui l’empêchent de sombrer tout à fait.