QUEL STATUT POUR L’ART À LA MARGE? THE STATUS OF MARGINAL ART
En 1913, Marcel Duchamp s’interrogeait: « Peut-on faire des oeuvres qui ne soient pas d’art ? » Recontextualisée dans une économie où le marché est souverain, la question se pose aujourd’hui en d’autres termes. Analyse de quelques démarches à la marge de ce qu’il est convenu d’appeler « art » et qui, en jetant des ponts vers d’autres champs, repoussent les frontières de l’art.
De l’autre côté de la frontière interviennent des artistes qui visent à interroger les contours de l’art, à agir sur les limites de son écosystème. Dans la droite ligne des réflexions menées par de nombreux artistes dans les années 1970, qui avaient poussé la déconstruction du tableau jusqu’à ses limites, l’art s’est ouvert à des pratiques plus élargies. Certains artistes se situent dans ces zones. Sondant l’art et son marché, ils dérangent les taxinomies habituelles et perturbent les règles d’échange, sans que leurs gestes ne soient forcément visibles, puisqu’ils les déclinent de manière presque imperceptible pour le spectateur. Comme l’écrit justement le critique Alain Farfall : « Il est probable que le désir des artistes pour un art qui s’affranchirait de l’objet ne découle pas d’un désir d’invisibilité, mais plutôt d’immatérialité : il s’agit ainsi d’échapper au marché, au fétichisme, au capitalisme, éventuellement ainsi au réel, à la matière, au quotidien. Pas particulièrement d’échapper à l’oeil. Ou alors momentanément, accessoirement, car l’oeil a été trop sollicité (1). »