Le Futurisme. Textes et manifestes. 1909-1944
Champ Vallon C’est un outil indispensable qui vient de paraître, le recueil de plus de 700 textes futuristes édité par Giovanni Lista, dont on peut espérer qu’il contribuera à bousculer l’immobile historiographie française sur le sujet. La précédente anthologie en français, réunie par le même auteur en 1973, s’arrêtait au seuil des années 1930. Le présent volume accroît considérablement le nombre de textes, accorde une place majeure aux écrits sur le cinéma ou l’aéro-art et intègre pleinement la seconde génération futuriste en suivant le mouvement jusqu’en 1944. Le classement strictement chronologique permet de ne pas segmenter les champs d’action du futurisme. S’entrelacent ainsi propos sur l’art, la mode ou la politique, témoignant de l’étonnante variété des terrains d’application du mouvement. L’anthologie fonctionne tel un kaléidoscope, l’image du futurisme ne cesse de se recomposer, mots d’ordre et thèmes s’agrègent, fusionnent, se contredisent. Une lecture buissonnière trouvera son compte en relevant certaines curiosités, comme ce manifeste pour la cravate métallique (1933) d’Ugo Rancati. Mais le lecteur n’est pas non plus à l’abri de violentes secousses, passant d’un manifeste sur l’aéroxylographie de Renato di Bosso à l’antisémitisme glaçant d’« Utilisons les Juifs » (1941) d’Enrico Mascilli. On pourra trouver discutables certains points de l’introduction, comme l’intégration de l’esthétique futuriste de la machine à une histoire de la fin de l’aura conduisant à Duchamp et Warhol. Ou, sujet autrement sensible, la réduction des liens entre futurisme et fascisme à une dérive opportuniste. Mais ces prises de position n’affectent pas le choix des textes de l’anthologie, qui a l’indiscutable mérite d’offrir les moyens de la discussion historique.