Art Press

Beauté Congo

- Anaël Pigeat

Fondation Cartier pour l’art contempora­in / 11 juillet - 15 novembre 2015 Beauté Congo donne habilement à voir une véritable remontée dans le temps, un siècle de création entre Kinshasa et Lubumbashi. André Magnin, qui était l’un des commissair­es de Magiciens de la Terre en 1989, montre une histoire de l’art en train de s’écrire, celle d’une modernité extra-occidental­e – un sujet qui occupe aujourd’hui de nombreux chercheurs et dont l’accrochage Modernités plurielles (2013) au Centre Pompidou était un exemple parmi d’autres. L’exposition montre d’abord des oeuvres de jeunes artistes congolais qui commencent à être reconnus sur la scène internatio­nale : le collectif Eza Possibles, le photograph­e Kiripi Katembo et ses troublante­s images de Kinshasa révélées dans des flaques d’eau (il est décédé brutalemen­t quelques jours après l’ouverture de l’exposition), Steve Bandoma et ses peintures collages cauchemard­esques, Pathy Tshindele et ses rois dérisoires. Depuis une trentaine d’années, on connaît bien le mouvement des « peintres populaires », accroché dans l’espace principal du rez-dechaussée. Chéri Samba, qui faisait partie de Magiciens de la Terre, en est l’un des principaux représenta­nts ; il montre un bel ensemble de ses tableaux, en particulie­r ses premiers autoportra­its. Chéri Chérin est présent également, avec son Parle menteurs des partis pourritiqu­es, drôle d’assemblée d’animaux sauvages sagement assis dans un hémicycle. Héritière de ces peintres populaires, une nouvelle génération est apparue notamment à travers JP Mika et Cheik Ledy ; non moins flamboyant­es que celles de leurs aînés, leurs toiles sont habitées par l’esprit des sapeurs et évoquent souvent le destin de l’Afrique. La remontée dans le temps se poursuit au sous-sol par de belles scènes de rue et de fêtes dans des clairsobsc­urs violacés, par le peintre Moke. L’image de la ville dévorante se révèle dans un judicieux dialogue entre les maquettes fantastiqu­es de Bodys Isek Kingelez et les navettes spatiales de Rigobert Nimi. Elles font face à des photograph­ies des années 1950 et 1960 où les élégants posent dans des studios ou dans des rues. La dernière salle de l’exposition réserve enfin de franches découverte­s, fruit des recherches qu’André Magnin raconte dans un passionnan­t texte du catalogue. D’abord celle de « l’atelier du Hangar », école dont les principaux représenta­nts, Bela, Mwenze Kibwanga ou Pilipili Mulongoy, ont travaillé sous la protection du Français Pierre Romain-Desfossés, ancien militaire installé au Congo après sa démobilisa­tion. Ils peignent une nature luxuriante dans laquelle « les poissons volent et les oiseaux nagent ». Un peu plus tôt, dans les années 1920, deux Belges, Georges Thiry et Gaston-Denys Périer, avaient soutenu Albert et Antoinette Lubaki, ainsi que Djilatendo : entre motifs abstraits inspirés des tissages traditionn­els, éléphants aux couleurs bleutées, scènes d’initiation­s tribales et parfois représenta­tions des colons européens, ces oeuvres sur papier ont une fraîcheur qui n’a rien à envier à celles de Keith Haring ou de A.R. Penck. Il n’y a pas de liens formels systématiq­ues entre ces différente­s écoles, mais un esprit des lieux s’y manifeste avec force. Beauté Congo skillfully takes us back in time, through a century of art-making in Kinshasa and Lubumbashi. André Magnin, who helped curate Magiciens de la terre in 1989, traces the emergence of this non-Western version of modernity, a subject of interest to many contempora­ry researcher­s, as reflected in the recent hanging of the permanent collection at the Pompidou, Modernités Plurielles (2013). The show starts with works by young Congolese artists who are starting to make a name on the internatio­nal scene: the Eza Possibles collective, photograph­er Kiripi Katembo and his troubling images of Kinshasa reflected in puddles (the artist was struck down by cerebral malaria at the age of 36, only a few days after the show opened), Steve Bandoma and his nightmaris­h collage paintings, and Pathy Tshindele and her clownish kings. Familiar on art circuits for going on three decades now, the “popular painters” get the big first-floor room, and their best-known figure, Chéri Samba, also involved with Magiciens de la terre, has a fine selection that includes his first selfportra­its. Chéri Chérin’s noteworthy Parle menteurs des partis pourritiqu­es conjures up a weird assembly of wild animals sitting politely on their benches in the jungle. In the younger generation, JP Mika and Cheik Ledy are just as flamboyant. Their paintings combine political and historical references with the sapeur spirit. In the basement we go further back in history with Moke’s fine street and party scenes done in purple-tin- ged chiaroscur­o. The ogre of urban life is evoked in the judicious dialogue between the fantasy maquettes Bodys Isek Kingelez and the spacecraft dreamed up by Rigobert Nimi. Facing them, photograph­s from the 1950s and 1960s show trendy youngsters peacocking in street or studio. The final room offers some real discoverie­s, resulting from the research that Magnin recounts in his fascinatin­g catalogue text. First is the “Atelier du Hangar,” whose main artists, Bela, Mwenze Kibwanga and Pilipili Mulongoy worked under the protection of Pierre Romain-Desfossés, who settled in Congo after he was demobbed from the French army. They paint luxuriant visions of nature in which “fish fly and birds swim.” A little earlier, in the 1920s, two Belgians, Georges Thiry and Gaston-Denys Périer, supported the work of Albert and Antoinette Lubaki, and Djilatendo. With motifs inspired by traditiona­l textiles, bluish elephants, tribal initiation scenes and even pictures of European colonists, their works on paper are every bit as fresh and bold as those of Keith Haring or A.R. Penck. There are no systematic, formal links between these different schools, but the spirit of place is forcefully present here.

Translatio­n, C. Penwarden

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