Shen Yuan ; Luca Dellaverson
Galerie Kamel Mennour / 11 décembre 2015 - 23 janvier 2016 La nouvelle exposition de Shen Yuan porte un regard pertinent sur le règne vivant. Sans hiérarchie, les humains, les animaux, les végétaux et même les continents sont envisagés sur un pied d’égalité. L’exposition s’ouvre par une oeuvre disposée au sol : audessus de grands tessons de verre reposent des éléments en porcelaine blanche dont la texture rappelle celle du papier froissé ou celle de la neige piétinée. Dérive fait allusion à la fonte des glaces, au lent mouvement d’un continent en voie de disparition. Plus loin, au mur, une série de dessins intitulée Face et Profil figure d’étranges visages. L’artiste revisite les codes d’identification anthropologiques ou policiers où l’individu est photographié de face et de profil. Ici, le visage prend la forme d’une pomme de terre. Elle commente de manière ironique les méthodes de fichage, de classement et de surveillance. Une notion qui structure l’imposante installation Étoiles du jour autour de laquelle nous sommes invités à nous déplacer pour surplomber une cour pénitentiaire bardée d’un grillage surmonté de barbelé. Sur un sol lumineux, d’étranges regards nous observent attentivement. En reproduisant les yeux de différentes espèces animales en résine, Shen Yuan nous interpelle : qui surveille qui ? Qui est enfermé ? Elle ouvre le champ migratoire et écologique à de nouvelles problématiques, telles que l’altérité ou les rapports de domination entre les êtres vivants. En mettant à mal une hiérarchie déterminée par l’Homme, elle nous renvoie à notre propre statut au sein d’un règne dont nous ne sommes pas les maîtres. Shen Yuan’s new show takes a lucid look at the kingdom of living things. There is no hierarchization; for her, animals, plants and even continents are all equal. The exhibition starts with a floor installation in which white porcelain objects sit on top of glass shards. Entitled Dérive (Drift), they have the texture of crumpled paper or trodden snow. The allusion is to the slow drift of a disappearing continent. On the wall is a series of drawings entitled Face et Profil, frontal and side views of strange potato-like faces. The artist is revisiting the identification codes in anthropology and police mug shots. This is an ironic comment on the way people are classified and put on file or under surveillance. The same concept structures the imposing installation Étoiles du jour. Visitors walk around and look down on a prison yard surround by a barbed-wire-topped fence. On the glowing floor are strange eyes that observe us attentively. With her resin reproductions of the eyeballs of different species of animals, Shen Yuan asks us: who is watching whom? Who is imprisoned? She opens the issues of migration and the environment to new problematics, such as alterity and the relations of domination among living beings. In upending the hierarchy as determined by humans, she reminds us of our own status in a kingdom where we are not the masters.
Translation, L-S Torgoff Ni Dieu ni Maître est la première exposition personnelle de Luca Dellaverson en France. Son titre, emprunté au slogan anarchiste, donne la tonalité du projet : un espace citationnel est revendiqué (art, musique, littérature, cinéma), pourtant, on n’y voit aucune forme d’hommage ou de vénération. L’artiste s’empare des flèches à la bombe de Martin Barré en les injectant dans ses oeuvres qui se situent aux frontières du bas-relief, de la peinture et de la photographie. Ces flèches sont imprimées en noir et blanc sur une feuille de papier grand format, la trame est volontairement apparente. L’impression jet d’encre est ensuite collée sur une plaque de bois grossièrement peinte en noir. Le tout est moulé dans une épaisse couche de résine époxy. Dellaverson met en place différents filtres, créant plusieurs strates de lecture de l’image. Il mélange les techniques, les matériaux et les références pour accéder à une nouvelle approche de la peinture. De même, il brise des miroirs à l’aide d’un ballon de basket. Ils sont ensuite coulés dans la résine opaque. La chaleur produit des réactions, chimiques et physiques, qui privent les oeuvres de tout effet réflexif. Un clin d’oeil au Grand Verre de Duchamp? Plus loin, au mur et au sol, des écrans LCD sont pris dans de la résine. Parce qu’ils sont retournés, on ne voit pas les images vidéo (clips, extraits de films). En se jouant des frustrations et en mixant les registres culturels, Dellaverson formule un commentaire cynique à l’encontre du tout spectacle. Ni Dieu ni Maître— neither God nor master—is Luca Dellaverson’s first solo show in France. The title, an anarchist slogan, sets the tone. For all its many references to art, music, literature and cinema, this show is no act of homage or veneration. Reprising Martin Barré’s sprayed-on arrows, Dellaverson makes works that are a mix of bas-relief, pain- ting and photography. The arrows are printed in black and white on large-format paper, and the texture is deliberately visible. The inkjet print is then glued onto a panel roughly painted black, and then the whole thing is coated in a thick layer of epoxy resin. Dellaverson puts in place a series of filters that create several strata of interpretation. He hybridizes media, materials and references to attain a new approach to painting. He also smashes mirrors with a basketball ball, and covers the result in opaque resin. The heat produces chemical and physical reactions that smothe reflection. A nod to Duchamp’s Large Glass? Further on, on the wall and floor, LCD screens coated in resin, facing the wall. We can’t see the video images (clips, film excerpts). Playing on frustrations and mixing cultural registers, Dellaverson formulates a caustic response to the spectacle.
Translation, C. Penwarden