La Gravure libertine. Scènes du plaisir
Cercle d’art Patrick Wald Lasowski, essayiste et romancier, spécialiste de la littérature du 18 siècle, propose, dans un magnifique ouvrage sous coffret, une histoire de la gravure libertine. Il faut dire que le libertinage de plume, celui des écrivains et des dessinateurs, qui donnera l’occasion à de très nombreux graveurs de montrer, avec force détails, leurs talents, fut sans doute le plus prompt à éveiller quelques libertinages d’esprits et de moeurs. Un premier volume est consacré à une étude érudite, précise, qui, non sans humour, revient sur cette histoire de l’indécence. Un second, composé uniquement d’illustrations, certaines rares, permet de se rendre compte de la diversité et de la richesse du trait de la gravure au 18 siècle – l’on comprendra, pour user des termes alors en vigueur, que si l’un des volumes se lit avec l’esprit, l’autre ne se lira que d’une main. C’est une histoire de la posture que propose Patrick Wald Lasowski, une histoire du corps et du plaisir (à contempler) évidemment, mais aussi une étude de la posture politique. La censure s’intéresse à ces gravures, à leur circulation, à leurs clients. Le trait libertin, on le comprend aisément pour le siècle des Lumières, est le lieu d’un combat: si l’Église et le libertinage ont en commun le culte des images, c’est qu’ils en connaissent les effets. Images agissantes, saisissantes, l’analyse philologique et historique qu’en fait Wald Lasowski est passionnante : livres et auteurs, travail du dessin, degrés de détails, décors, personnages, clairsobscurs et autres cadrages, rien n’est le fait du hasard. Dans le trait, tout parle : le diable est dans le détail. Quelle différence, finalement, entre des gravures du Massacre des Innocents d’après Raphaël et quelques scènes libertines ?