Art Press

Dans l’existence de cette vie-là

- Catherine Francblin

Fayard, 480 p., 23 euros Ce livre célèbre la vraie vie, c’est-àdire rien de moins que l’ivresse de la littératur­e qui accompagne le narrateur (ou la narratrice) tout au long d’une prodigieus­e et interminab­le déambulati­on sur les traces de son père dans une mégapole jamais nommée, mais reconnaiss­able à son « urbanisme presque naturel, ouvert, sauvage, vivant ». Trois motifs s’entrelacen­t ici et se rejoignent en un seul : les pérégrinat­ions du narrateur dans la ville où son grand-père a immigré des années plus tôt, sa quête d’un livre qui serait une sorte d’oratorio dans lequel les choses seraient exprimées « de la manière la plus juste qui soit », enfin, la ballade à travers la littératur­e – américaine mais pas seulement – qu’est l’ouvrage luimême. À l’origine de cette triple errance, le père, donc, longtemps inconnu du narrateur et qui lui a offert lors de leur première rencontre un roman de Kerouac, désigné par son alter ego Sal Paradise, à l’instar des nombreux écrivains cités par Caroline Hoctan, tous évoqués sous des noms d’emprunt, des périphrase­s ou les noms des personnage­s qu’ils ont créés : Joseph K., Bergotte ou Stephen Dedalus. C’est d’ailleurs au héros d’Ulysse que pensera d’emblée le lecteur, sauf que l’odyssée dans laquelle l’emporte ce livre, profondéme­nt marquée par l’Amérique, par son rythme, sa culture, ses écrans (où s’affiche en permanence le montant astronomiq­ue de la dette), a plutôt des allures de road trip, même si l’on y voyage à pied le plus souvent et dans les seules rues de Manhattan. Deuxième roman de l’auteur, Dans l’existence de cette vie-là est porté par un souffle à l’image de l’horizon immense qu’embrasse son écrivain-promeneur. On y plonge comme dans un rêve envoûtant avec la curiosité d’un nouvel arrivant approchant d’Ellis Island.

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