Dans l’existence de cette vie-là
Fayard, 480 p., 23 euros Ce livre célèbre la vraie vie, c’est-àdire rien de moins que l’ivresse de la littérature qui accompagne le narrateur (ou la narratrice) tout au long d’une prodigieuse et interminable déambulation sur les traces de son père dans une mégapole jamais nommée, mais reconnaissable à son « urbanisme presque naturel, ouvert, sauvage, vivant ». Trois motifs s’entrelacent ici et se rejoignent en un seul : les pérégrinations du narrateur dans la ville où son grand-père a immigré des années plus tôt, sa quête d’un livre qui serait une sorte d’oratorio dans lequel les choses seraient exprimées « de la manière la plus juste qui soit », enfin, la ballade à travers la littérature – américaine mais pas seulement – qu’est l’ouvrage luimême. À l’origine de cette triple errance, le père, donc, longtemps inconnu du narrateur et qui lui a offert lors de leur première rencontre un roman de Kerouac, désigné par son alter ego Sal Paradise, à l’instar des nombreux écrivains cités par Caroline Hoctan, tous évoqués sous des noms d’emprunt, des périphrases ou les noms des personnages qu’ils ont créés : Joseph K., Bergotte ou Stephen Dedalus. C’est d’ailleurs au héros d’Ulysse que pensera d’emblée le lecteur, sauf que l’odyssée dans laquelle l’emporte ce livre, profondément marquée par l’Amérique, par son rythme, sa culture, ses écrans (où s’affiche en permanence le montant astronomique de la dette), a plutôt des allures de road trip, même si l’on y voyage à pied le plus souvent et dans les seules rues de Manhattan. Deuxième roman de l’auteur, Dans l’existence de cette vie-là est porté par un souffle à l’image de l’horizon immense qu’embrasse son écrivain-promeneur. On y plonge comme dans un rêve envoûtant avec la curiosité d’un nouvel arrivant approchant d’Ellis Island.