Art Press

Clarisse Gorokhoff

De la bombe Gallimard, 272 p., 17 euros

- Vincent Roy

Il était une fois, à Istanbul, sur les rives du Bosphore, une jeune femme, Ophélie (une vraie bombe, en vérité), qui s’apprête à faire éclater… une bombe à l’hôtel Four Seasons. Si l’on en croit cette héroïne terroriste qui, dans le même temps, est la narratrice du premier roman détonant de Clarisse Gorokhoff, le détroit qui relie la mer Noire à celle de Marmara est un « gosier colossal d’émotions contradict­oires », où viennent se coincer « les chants des âmes nostalgiqu­es, les clameurs d’impatience et d’ivresse ». Voilà pour le décor ! Il reste que l’attentat ne va pas se produire à l’endroit prévu ; et qu’importe, ce qui compte, c’est son mobile. D’emblée, ce dernier est flou. Ce qui est flagrant, en revanche, c’est la volonté de destructio­n de la sensuelle Ophélie, sa furie – notamment amoureuse : « À force de ne pas parvenir à me faire aimer d’un seul individu, il me reste la possibilit­é de me faire haïr du monde entier. » Ce personnage omniprésen­t, omniscient constitue la véritable énigme du livre. Plus Ophélie s’explique sur ses actes, plus ses paradoxes et ses contradict­ions se font jour. Quels rapports entretient-elle au vrai avec son amant Sinan ? Que faitelle avec la si belle Derya qui aimante tout le monde ? Nous suivons bientôt Ophélie dans sa cavale, dans sa fuite en avant. Au gré de ses aventures, ses failles nous apparaisse­nt et ses doutes « s’éclairciss­ent ». C’est que le véritable jeu de piste que ce roman burlesque constitue est soutenu par l’écriture chercheuse de Gorokhoff qui semble puiser dans sa langue même les ressorts de son intrigue – comme si seule l’écriture la guidait : « Qu’est-ce que je porte en moi? Le souffle de la destructio­n. Si rien ne me pousse à aller jusqu’au bout, rien non plus ne m’en dissuade. Alors j’avance. »

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France