Pierre Le Coz
Veilleur, où en est la nuit? Loubatières, 848 p., 29 euros
Voici le neuvième volume du vaste récit métaphysique qui a commencé avec l’Europe et la Profondeur et qui poursuit l’examen du monde-tombe postmoderne dans lequel la condition de l’homme et le temps sont éprouvés comme séjour carcéral. Ce volume prend appui sur Isaïe, Nerval, Jean de la Croix et Heidegger… Il est conçu comme une machine de guerre et un manuel de survie destinés à combattre la servitude volontaire ou négociée. Il s’inscrit dans une veille, qui à la fois révèle et se dégage d’un monde clôturé ; il propose tout autant l’ouverture d’un « ici » pouvant réintroduire de la beauté et de la sensualité dans un espace pourtant saturé de valeurs marchandes et de techno-science. Au commencement, il y a le gouffre inauguré par le retrait et le silence du dieu chrétien, il y a ce signe, « Noli me tangere », un signe d’adieu ; il y a toute une théologie en acte qui marque une fin mais aussi un départ historial, brisant la structure circulaire et sacrificielle des religions. Le dieu judéo-chrétien et ses figures diasporiques ne revendiquent pas un recouvrement, comme dans le paganisme qui demeure dans l’impuissance à sortir du monde. Au contraire, il est ce « sans-fond » même du silence, oeuvrant par la perspective en peinture, par la poésie en littérature et par la dérive situationniste en politique. La pensée de Le Coz ne relève pas de la seule catégorie de la métaphysique. Elle cherche aussi à opérer dans notre actualité, en consacrant de nombreuses pages à examiner nos temps spectaculaires, à démasquer les vies déchues et qui se croient pleines… Elles sont pleines ces vies, en effet, d’idoles, de belles âmes compatissantes et de pulsions de mort. Ce volume est une sublime confrontation avec la venue du matin et avec l’acquiescement à l’existence.