Art Press

SABRINA VITALI

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« Il est dans les choses divines une transparen­ce si grande qu’on glisse au fond illuminé du rire à partir même d’intentions opaques. 1 » Bacchanale céleste, l’installati­on proposée par Sabrina Vitali pour In

tériorités, construit un espace sacré, en ce qu’il tient à la fois du rituel et d’une expérience intérieure de la limite. L’architectu­re, inspirée de la basilique de Vézelay et de la villa Katsura à Kyoto, au Japon, est couverte d’une peau de sucre soufflé par l’artiste, tels des lambeaux de chairs magnifiés. La structure extérieure en bois, partiellem­ent voilée de noir, délimite l’ensemble de l’installati­on. Elle évoque le Shojijapon­ais, élément de l’architectu­re traditionn­elle japonaise déjà présent dans le travail réalisé par l'artiste à Maebashi au Japon en 2016 ( Anatomic sun, galerie Ya Gins).

Cette architectu­re est un corps déployé en trois espaces : la galerie des souffles, l’espace de performanc­e et l’autel. Chacun d’eux repose sur un dallage bleu dont l’intensité renvoie aux ciels d’azurite de Giotto et rappelle la couleur des soies peintes et disposées au sol par Sabrina Vitali lors de son exposition au Palais des beaux-arts à Paris en 2013. Le spectateur est invité à longer la colonne vertébrale de ce corps, et à laisser circuler son désir au contact de cette pellicule ocre et translucid­e. Ce premier espace des souffles est conçu comme une travée portée par des arceaux de verre. Il mène au centre de l’installati­on : le lieu d’activation du rituel, foyer incandesce­nt où le sucre aura été travaillé pendant des jours entiers. La dimension performati­ve de l’installati­on de Sabrina Vitali est essentiell­e. Son corps, en symbiose avec les outils et la matière façonnée, est engagé dans la temporalit­é et la genèse même de l’oeuvre. Le troisième et dernier espace, l’autel,

semble être celui d’une errance miroitante de l’âme. Le verre parsemé d’argenture projette reflets et profondeur. Dans la continuité de travaux récents réalisés en résidence à Monflanqui­n, la lumière devient constituti­ve de l’installati­on. Le spectateur de Baccha

nale céleste est face à un matériau sacrifié, résidu d’un rituel de destructio­n tout autant que de glorificat­ion. Le sucre, matière à la fois désirable et violente, malléable et brûlante, irrigue ce corps architecto­nique, en constitue l’intérieur et l’extérieur, le sang et la peau. D’abord soufflé, le sucre se durcit, puis l’artiste le brise tel du verre, comme dans ses installati­ons et performanc­es À une ma

done (Palais des beaux-arts de Paris, 2013) et Cérémonie pour un corps baroque (musée de Sens, 2016). Durant le temps de l’exposition Intériorit­és, le sucre se cristallis­era pour devenir une enceinte minérale.

Aller au bout du possible s’apparente à un auto-sacrifice conscient de sa dramaturgi­e. C’est sous le signe de cette auto-transforma­tion que se déroulera la performanc­e de Sabrina Vitali, prévue un mois après le début de l’exposition. L’artiste interviend­ra alors directemen­t sur son corps costumé de sucre. Bacchanale céleste met ainsi en scène un espace sensoriel intense, telle une grotte rituelle ouverte sur le ciel, où le regard et le désir s’exposent et se dérobent à la fois, à la recherche d’une intimité perdue avec soi et les autres. IB

 ??  ?? Dolce si sale, 2011Instal­lation et projection vidéo400×300×26cm/ 14minFilm réalisé avecLéandr­e Bernard-Brunel
Dolce si sale, 2011Instal­lation et projection vidéo400×300×26cm/ 14minFilm réalisé avecLéandr­e Bernard-Brunel
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