Laurent Feneyrou
De lave et de fer MF, 288 p., 22 euros
L’essai de Laurent Feneyrou propose une histoire originale de l’Allemagne de l’Ouest centrée sur les relations entre musique et politique, depuis le début des années 1960 jusqu’à la fin des années 1990. Il convoque les événements historiques liés aux mouvements d’extrême gauche, dont la création de la Fraction armée rouge, en les reliant à la création artistique durant ces années de plomb. Car l’après-guerre en Allemagne donne lieu à de vives discussions artistiques, entre une soif moderniste de renouveau et un attachement organique aux formes du passé. Les réponses sont contrastées et diverses comme celles de Schoenberg, Paul Hindemith, Carl Orff, Hanns Eisler, Paul Dessau, Stockhausen, Ligeti, Kagel ou encore Adorno. De lave et de fer met l’accent sur la conscience sociale qui anime ces principaux compositeurs de l’avant-garde allemande, et insiste en particulier sur le débat esthétique entre, d’un côté, Helmut Lachenmann, figure de la musique concrète instrumentale, chef de file du mouvement Klang Komposition et, de l’autre, Hans Werner Henze, proche des mouvances radicales et dont le Radeau de la Méduse, composé à la mémoire de Che Guevara, provoque un scandale à sa création, obligeant la police à annuler la première à Hambourg, en 1968. Les dissensions entre Henze et Lachenmann sont politiques – qu’estce que la musique engagée? – et esthétiques – exploration de la tonalité ou notion théorique de refus dans Air et Pression de Lachenmann, qui vise une oeuvre de grincements et de frottements, et rejette la codification. S’appuyant sur les travaux de Walter Benjamin sur la violence ou les analyses du biopolitique par Michel Foucault, cet essai montre comment toute oeuvre musicale se veut une intense réflexion critique sur le monde.