Jeanne Moynot.
Les oeuvres plastiques et les performances de Jeanne Moynot révèlent les contradictions de nos comportements sociaux. Avec humour et faisant mine de ne pas y toucher, l’artiste montre l’envers du décor.
Jeanne Moynot n'a pas peur. Ni des freaks, ni des clichés, ni de danser dans la rue pour attirer le public vers une foire d'art contemporain. Au contraire. Tracas divers, clip de rap de Booba et personnages de rue nourrissent ses premières performances, mises en scène faussement désinvoltes lancées au milieu de décors faits maison. Jamais contente, performance créée en 2014 pour le Festival international d'art de Toulouse, est parsemée des petites tragédies du quotidien : les fêtes de Noël qui cristallisent les problèmes familiaux, le célibat à répétition ou encore le SMIC horaire. Une Renault 5 customisée et des chips pour mettre de l'ambiance à la foire Slick ( Bip bip Slick, 2016), une lune gonflée à la main et des bruitages en tout genre pour Frigh- tenight... Comme on peut vivre une soirée inoubliable avec peu de moyens, les éléments simples et ordinaires deviennent les ingrédients du spectaculaire. Dans une énergie et une esthétique punk, l'artiste révèle de manière humoristique les failles et les tensions d'une classe moyenne à qui il ne resterait plus grand chose pour rêver... et qui choisirait de s'oublier dans la fête largement arrosée. D'ailleurs, ses installations sont parsemées de bouteilles de bière ou de champagne, qu'on débouche ou qu'on transforme en « porte-trucs ». Née en 1985, Jeanne Moynot reflète aussi les déceptions de sa génération. Mine de rien, l'artiste appuie sur des contradictions de notre société, comme lorsqu'elle découpe dans des cartes du monde les lettres de carton qui forment l'affligeant constat : « On chie dans l'eau potable » (Tripode, Rezé, 2015). L'envers du décor (dans tous les sens du terme) passe alors sur le devant de la scène. En 2007, elle obtient son DNAP à l’École des beaux-arts de Nantes. La vidéo qu'elle présente la montre assise sur son canapé avec un labrador, auquel elle s'accroche placide- ment. Elle recevra en 2009 un prix du Musée de la chasse de Paris, avant que son travail soit montré au Festival Hors Pistes au Centre Pompidou en 2012. La jeune femme sera ensuite diplômée de la Villa Arson en 2009 (DNSEP), et suivra le post-diplôme ALPes à la HEAD Genève en 2009-10. Au fil du temps et des collaborations, sa pratique glisse de la performance vers le spectacle vivant, sans que Jeanne Moynot s'interdise de pratiquer la peinture. Fabriquer de l'art peut aussi permettre l'interaction avec le public. En 2016, pour Farfouillette, elle propose aux visiteurs de l'exposition du Musée national de Bucarest d'acheter sur son « stand » des « vitraux », découpés en direct dans des sacs poubelle. En parallèle, elle revient en 2015 à Nantes pour participer avec sa complice Anne-Sophie Turion au post-diplôme « Les réalisateurs », afin de produire les décors du spectacle Frightenight, toujours en cours de création. Dans une mise en scène cinématographique bricolée, on y verra une figure féminine traverser les motifs emmêlés des peurs présentes dans l'imaginaire collectif.
Jeanne Moynot isn’t afraid. Not of freaks or clichés or dancing in the street to hawk contemporary art. Just the opposite. Her first performances were infused with thumps and wallops, a clip by the notorious French rapper Booba and all sorts of street people, faux casual scenes staged amid homemade sets. Jamais contente, a performance created in 2014 for the Festival International d'Art de Toulouse, was strewn with quotidian minor tragedies: dysfunctional families’ Christmas dinners, serial singleness and minimum wage gigs. A pimped Renault 5 and chips add a little sales fair ambiance for Bip bip Slick (2016), a moon blown up by hand and sound effects galore for Frightenight... It doesn’t take much to throw an unforgettable soirée, and her simple, cheap props are used to spectacular effect. With her punk aesthetics and energy, she jokily brings out the fault lines and tensions underlying the existence of a middle class that no longer has much in the way of dreams, and would rather party and drink to forget them anyway. Her installations are littered with beer and champagne bottles ready to be opened or turned into doodad holders. Born in 1985, Moynot reflects the disappointments of her generation. She nonchalantly sticks her finger into the open wounds of this society—for instance, cutting world maps into cardboard letters to spell out the terrible truth: “We shit in our drinking water” (2015, at Tripode, Rezé). The dark side of life moves into the spotlight. She graduated from the Nantes art school in 2007. Her graduation project video shows her sitting on a sofa, placidly holding a La- brador. In 2009 she won a prize from the Paris hunting museum. Her work was shown at Festival Hors Pistes at the Pompidou Center in 2012. She received an advanced diploma at the Villa Arson in 2009 (DNSEP), and continued her graduate studies at the HEAD in Geneva in 2009-10. Over the course of time and her partnerships with other artists, her practice shifted from performance art to something more frankly theatrical, without, however, abandoning painting. In 2016, for Farfouillette, at the Romanian National Museum in Bucharest, she set up a stand and sold visitors their name in “stained glass” cut out from garbage sacks. The previous year, she returned to Nantes to work with her frequent accomplice Anne-Sophie Turion on a further post-grad project in production and set-making. In the film Frightenight, still a work in progress, a female figure walks through a landscape of patterns and other visuals representing our collective contemporary fears.
Pascaline Vallée Translation, L-S Torgoff