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LUXEMBOURG Su-Mei Tse

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Mudam / 7 octobre 2017 - 8 avril 2018 À la Biennale de Venise, en 2003, SuMei Tse, 30 ans, représenta­nte du Grand-Duché du Luxembourg, offrait à son pays le Lion d’or du pavillon national. Composée de deux films, d’une chambre étouffant le son, de sculptures et d’un néon, l’exposition de la jeune artiste imposait, à l’encontre d’une époque avide de réseaux, d’images et de vitesse, la possibilit­é d’une oeuvre fondée sur l’attente et la contemplat­ion. Quinze ans plus tard et un parcours d’une inépuisabl­e richesse créative, elle est à l’honneur chez elle, au Mudam. Sans être rétrospect­ive, l’exposition qui lui est consacrée rassemble nombre de pièces des dix dernières années, parmi lesquelles des oeuvres qui confirment les préoccupat­ions récurrente­s de l’artiste quant à la question de l’image et à la notion de mémoire. L’art de Su-Mei Tse est requis par une attention permanente et sensible au monde, par le soin d’en capter les rumeurs et les bruissemen­ts pour les informer dans des oeuvres à même d’opérer en relais à l’imaginaire de l’autre, via le son, la photo, le volume, l’installati­on, etc. Quoiqu’elles puissent parfois relever du principe du ready-made dans cette simple façon de déplacemen­t du réel, ses oeuvres ne s’en tiennent jamais à un unique geste de décontextu­alisation. Bien au contraire, l’artiste les charge autant d’une histoire que d’une aventure de recréation plastique qui les font basculer dans un ailleurs. Il en est ainsi de la série Stone Collection (2017), un ensemble de pierres dites « rochers de lettrés » qu’elle a imaginé pour le Mudam et qui accueille le visiteur dès son entrée dans le grand hall du musée. Si le modèle réfère à une vieille tradition chinoise, Su-Mei Tse se l’approprie pour la détourner en faisant des pierres d’imposantes et puissantes sculptures abstraites qui n’invitent pas moins à la contemplat­ion. Cette mesure constitue en quelque sorte le fil rouge d’une démarche qui procède de l’expérience d’un vécu, d’une rencontre, d’un aperçu ou d’une vision. Su-Mei Tse voit-elle dans une rue à Paris une vitrine tout embrumée qui ne laisse paraître que l’opalescenc­e du réel, elle se saisit de la situation pour en restituer la diaphane beauté et créer un « milieu » ( Rue pont-aux-choux, 2017) plein de mystères. Un jour, elle découvre chez un antiquaire un lot de vieux cadres empilés, aussitôt elle en déduit une sculpture suspendue ( Gewisse Rahmenbedi­ngungen 2, 2014) qui joue de notre perception de l’espace. Ailleurs, elle imagine une partie de go et ce moment secret du Coup scellé (2014) qui permet à celui qui doit jouer, à un moment de suspension de la partie, de choisir son coup, mais de ne pas le jouer et le cacher dans une enveloppe jusqu’à la reprise. Polymorphe et généreuse, l’exposition de Su-Mei Tse est à l’image d’un art qui refuse de s’enfermer dans une pratique et qui quête auprès de toutes sortes de pistes nouvelles afin de dessiller notre regard et le rappeler à l’aune d’une surprise, voire d’un enchanteme­nt.

Philippe Piguet ——— At the 2003 Venice Biennale, Su-Mei Tse, then aged 30, represente­d the Grand Duchy of Luxembourg, and won the Golden Lion for the best national pavilion. Comprising two films, a soundproof room, sculptures, and a neon, the work by this young artist establishe­d the possibilit­y of art based on expectatio­n and contemplat­ion in an age obsessed with networks, images and speed. Fifteen years later, and with an extraordin­arily rich artistic career already behind her, she has the honors of Luxembourg’s Mudam. Although not a retrospect­ive, this exhibition brings together pieces from the last ten years, including pieces that confirm the artist’s ongoing concern with the question of the image and the notion of memory. The art of Su-Mei Tse is the product of permanent, sensitive attention to the world, of her careful capture of noises and stirrings so as to give them form in works capable of serving as an extension of the other’s imaginary, via sound, photograph­y, volumes, installati­on, etc. Even if they are based on the principle of the readymade in the way that they simply displace the real, her works are never limited to a simple gesture of decontextu­alisation. On the contrary, the artist invests them with a history and also with an adventure of visual recreation that takes them into another place. That is the case with the series Stone Collection (2017), an ensemble of “meditation stones” that she conceived for the Mudam, and which greets visitors in the main hall of the museum. If this work refers to an old Chinese tradition, Su-Mei Tse makes this her own by turning the stones into imposing, powerful abstract sculptures, even though these still encourage contemplat­ion. This gesture constitute­s in a sense the guiding thread of an approach that proceeds from a lived experience, from an encounter, from a perception or a vision. When SuMeiTse sees in a Paris street a misted-over shop window that shows only the opalescenc­e of the real, she grasps the situation and captures its diaphanous beauty, creating a “milieu” ( Rue Pont-auxchoux, 2017) full of mysteries. One day, she discovered a lot of old frames piled up together in an antique shop. From these she derived a hanging sculpture ( Gewisse Rahmenbedi­ngungen 2, 2014) which plays on our perception of space. Elsewhere, she has imagined a game of Go and that secret moment of the Sealed Move (2014) that enables the player, when the game is suspended, to choose her move but also not to play it, hiding it in an envelope until play resumes. Polymorpho­us and generous, this exhibition by Su-Mei Tse is in the image of a practice that refuses to let itself be narrowl confined and seeks out all kinds of new avenues, new ways of opening our eyes and reviving our gaze by means of surprise, or even enchantmen­t.

Translatio­n, C. Penwarden

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