Sébastien Lapaque
Théorie de la carte postale
Actes Sud
Que désigne le recto d’une carte postale ? Jusqu’au début du 20e siècle, la question ne se posait pas: on écrivait sur l’image car l’autre face était destinée à l’adresse. Aujourd’hui, pour Sébastien Lapaque, cela ne fait aucun doute et l’originalité de son livre, le recto est bien la face réservée à la correspondance, qu’elle soit déjà remplie ou que les mots ne soient encore qu’une promesse. Sa Théorie de la carte postale n’est pas un austère traité, mais une suite de pensées buissonnières, de récits de rêves d’écrivain prolixe et de comptes rendus de recherches volontairement incomplètes. À l’image de son objet, elle est ludique et légère. Mais elle esquisse aussi une esthétique. Elle apparente hardiment cette « correspondance à découvert » à une « poésie automatique » et rappelle qu’une carte postale ne s’écrit pas « avec des idées mais avec des mots, de jolis mots de tous les jours ». L’auteur aime les choisir pour leur chromatisme et en faire des listes, car, dit-il peut-être un peu rapidement, « quand on énumère, la poésie gicle ». Ce qui n’interdit pas de s’inspirer de vrais poètes, comme Paul-Jean Toulet, ici « poète à cartes postales », qui en a envoyé de nombreuses, parfois à luimême. Il maîtrisait l’« art du contrepied » : écrire depuis Pau sur des cartes de la baie d’Along. Cette théorie ne se veut pas nostalgique. De fait, Lapaque ne cite pas les cartes postales anciennes pour leur pittoresque. Les extraits sont d’une banalité sans âge. Le livre est néanmoins traversé par une critique des moyens modernes de communication, le « téléphone de poche » ou la « Grande Machine » Internet. C’est oublier pourtant qu’il n’y a pas loin entre la poésie sous contrainte des cartes postales demi-tarif limitées à cinq mots et celle des 140 signes d’un tweet.