Sophie Ristelhueber
Galerie Jérôme Poggi / 17 mai - 14 juin 2014
Portée par une interprétation particulièrement dramatique du lied Der Erlkönig de Schubert, la caméra de Sophie Ristelhueber déambule dans la maison familiale de Vulaines. Les obsessions de l’artiste la font revenir dans ce lieu récurrent de l’oeuvre. Mais elle en renouvelle la perception. Quand la série de photographies des Barricades mystérieuses ( 1995) s’arrêtait sur les micro-frontières de la demeure (un seuil, par exemple), le film fait défiler les traces du temps dans un mouvement continu qui semble effréné alors qu’il est souvent lent et hésitant. Le regard glisse sur les sols, remonte le long des murs, suit les canalisations. La demeure est un corps à l’épiderme vieillie et aux veines de fer, un corps qui rejette de la cendre. Suivant la dialectique de l’intime et de l’histoire qui traverse l’oeuvre de l’artiste, les Barricades mystérieuses évoquaient les traces laissées par les conflits dans le paysage. Aujourd’hui, le corps de la maison semble faire écho au corps absent du grand-oncle qui, du front où il mourra en 1916, envoyait des lettres témoignant de son attachement pour Vulaines. Car l’artiste a réalisé le film Pères pour l’exposition Ligne de front, dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale. Une nouvelle fois, la pudeur de l’oeuvre de Ristelhueber rappelle les vertus du décalage. La violence sourde du film est soulignée par trois photographies de la série Dead Set (2001) qui racontent le mouvement incessant de construction et de destruction du monde.
Borne forward by an especially powerful rendition of Schubert’s Der Erlkönig, Sophie Ristelhue- ber’s camera explores the family home at Vulaines, a recurring locus of her work, focus of her obsessions. Where the photographs of Barricades mystérieuses (1995) dwelled on the micro-frontiers of this residence (a doorway, for example), this film travels through the traces of time in a continuous movement that seems frantic yet is often slow and hesitant. The gaze slides over the ground, rises up walls, follows pipes and passages. The home is a body with an aging epidermis and iron veins, a body that spews out ash. Following the dialectic of the intimate and the historical that informs this artist’s work, Les Barricades mystérieuses evoked the marks left by war on the landscape. Today, the body of the house seems to echo the absent body of the great uncle who died in battle in 1916, and whose letters from the front attest his fondness for Vulaines. The artist made her film Pères for the exhibition Ligne de front, organized for the centennial commemorations of World War I. Once again, the reserve of Ristelhueber’s works reminds us of the virtues of distance. The muted violence of this film is underlined by three photographs from the series Dead Set ( 2001), which relate the world’s incessant flux of construction and destruction.
Translation, C. Penwarden