Art Press

Mutations et perspectiv­es

Divers lieux / Printemps 2014

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Cette saison 2013-2014 aura été marquée par plusieurs actualités modifiant ou annonçant une nouvelle répartitio­n géographiq­ue des lieux d’exposition à Bruxelles. Une fois n’est vraiment pas coutume, un enjeu culturel se sera invité dans le débat politique à la veille d’élections importante­s en Belgique (1). Il s’agit de l’emplacemen­t à définir pour le futur musée d’art moderne et contempora­in de Bruxelles qui, rappelons-le, avait été fermé par son propre directeur au printemps 2011. La fermeture du musée était incompréhe­nsiblement passée sous silence, sans aucune réaction des pouvoirs publics, au grand dam de ses visiteurs et des artistes qui n’avaient pas manqué de faire entendre leur voix et de manifester leur mécontente­ment. Cette section des musées royaux avait été fermée pour faire place au Musée Fin-de-Siècle Museum, inauguré l’année dernière dans les salles abritant jusqu’alors les collection­s modernes. À la veille de ces élections, le monde politique semble se réveiller, des pistes sérieuses de relocalisa­tion s’ébauchant. La plus importante d’entre elles s’oriente vers le bâtiment dit Citroën, vaste immeuble d’architectu­re industriel­le moderniste, situé dans la zone du canal mais à proximité du centre-ville. Une telle l ocalisatio­n, mais ne soyons pas trop optimistes sur la faisabilit­é du projet et sur son délai, déplacerai­t l’axe culturel vers l’ouest de la ville et constituer­ait le pendant géographiq­ue du Wiels, situé à l’autre extrémité de cet arc de cercle. Les collection­s de ce musée ne dépassent cependant pas chronologi­quement la fin du 20e siècle. Pour ce qui est de l’art d’aujourd’hui, le rôle des collection­s privées garde toute son importance et constitue un relais indispensa­ble. La preuve en a encore été donnée lors de la dernière édition d’Art Brussels qui correspond­ait à l’ouverture de diverses exposition­s. La foire elle- même rendait hommage à son comité de collection­neurs avec l’exposition The Portrait of the Collector. Le CAB présentait une de ses meilleures exposition­s, Out of Character, dont les oeuvres ont été prduites grâce aux collection­neurs respectifs de chaque artiste, tandis que la Maison Particuliè­re poursuivai­t sa politique d’invitation­s avec Résonance(s). Un focus sur New York est toujours en cours à la Charles Riva Collection ( Made in New York, jusqu’au 19 juillet), alors que la Collection Vanhaerent­s vient d’inaugurer une nouvelle exposition de longue durée,

Man in the Mirror (ouverte jusqu’à la fin 2016). Dans un tout autre secteur, il convient également de souligner l’extrême vitalité des petites structures associativ­es ou autogérées par des artistes et de jeunes curateurs, prompts à la réactivité, mais vivant sur le fil du rasoir d’une certaine précarité, à commencer par les lieux qu’elles occupent. On n’en compte pas moins d’une trentaine à Bruxelles (2), fonctionna­nt notamment grâce aux relais des réseaux sociaux et dont l’effet de capillarit­é irrigue toute la scène artistique bruxellois­e, à l’instar de Komplot, Établissem­ent d’en face, De La Charge, Rectangle, Abilène, La Loge, entre autres. La plupart d’entre elles sont regroupées sous une structure de communicat­ion commune, The Walk. Quant aux galeries, à la rentrée de septembre dernier, s’ouvrait un nouveau lieu, dit le Rivoli, à l’extrémité de l’avenue Louise, côté bois de La Cambre. Il s’agit d’une ancienne galerie marchande datant des années 1970, dont les boutiques ont été réinvestie­s par des galeries d’art contempora­in. L’adresse phare en est le second espace de la galerie Hufkens (on y voit actuelleme­nt Saâdane Afif et sa rétrospect­ive d’affiches originales : Affiches et Fontaines), située non loin de la première. Si le précurseur du lieu fut la galerie Rossi Contempora­ry, qui y occupe maintenant trois espaces, il y fut rejoint par les galeries Delire, Guy Ledune, OMS Pradhan et l’espace curatorial Plagiarama. Ce nouveau pôle, avec sa petite dizaine de galeries rassemblée­s dans ce bâtiment, est non seulement venu bousculer l’équilibre qui existait dans la répartitio­n des galeries entre le haut et le bas de la ville, au profit du premier, mais il marque surtout une rupture dans le choix du quartier d’installati­on des jeunes ou des nouvelles galeries. Le temps où celles-ci démarraien­t leurs activités dans le bas de la ville, du côté de la rue Dansaert et du canal, semble désormais révolu. En optant pour le haut de la ville et l’immeuble Rivoli, elles ont amorcé un mouvement de fond qui voit la cartograph­ie des galeries bruxellois­es profondéme­nt modifiée, les plus jeunes rejoignant – et on peut les comprendre – l’aire d’attraction des galeries confirmées. Cette redistribu­tion vient de se confirmer en cette fin de saison avec l’ouverture d’un nouveau lieu à l’autre extrémité de l’avenue Louise, côté palais de justice cette fois. Les premiers à inaugurer les vastes espaces de cet hôtel de maître sont les galeristes parisiens Jeanroch Dard et Valentin qui se sont associés autour d’un espace et d’un projet commun dénommé Mon Chéri. Inauguré fin avril au moment d’Art Brussels, le lieu fonctionne­ra en priorité sur des projets d’exposition­s personnell­es ou collective­s, plutôt que de représente­r des artistes au sens convention­nel. Ils seront rejoints à la mi-juin par quatre autres galeries : Waldburger, Jan Mot et Catherine Bastide qui quittent donc le bas de la ville et, cas plus spécifique, la galerie de Micheline Szwajcer qui, elle, abandonne son siège historique de la ville d’Anvers et entame ainsi en quelque sorte une deuxième vie avec une exposition inaugurale d’Ann Veronica Janssens, alors qu’elle avait songé à arrêter définitive­ment ses activités. Elle rejoint ainsi le mouvement des galeries anversoise­s (Office Baroque, Van der Mieden et Kusseneers) qui se sont récemment déplacées à Bruxelles. Il n’y a donc pas que les galeries parisienne­s qui optent pour la capitale belge, même si elles y sont plus nombreuses que jamais, avec, outre les deux précitées, Valérie Bach, Nathalie Obadia, Almine Rech, Sébastien Ricou, Daniel Templon, Michel Rein, Laurentin, sans compter la programmat­ion de La Verrière Hermès (qui accueille Hubert Duprat jusqu’au 12 juillet) et celle tout aussi éclectique de la Maison Particuliè­re.

De haut en bas/ from top: « Out of Character ». Vue de l’exposition au CAB. 2014. OEuvres de/ works by Meggy Rustamova, Paul Casaer, Alfred D’Ursel. Exhibition view Benjamin Valenza. « Circa Circa, Fabrica Vehicula ». 2014. (Court. Komplot Ph. Fabrice Dermience)

Ce n’est donc pas moins d’une trentaine de galeries d’art contempora­in, parmi les plus réputées du pays (Xavier Hufkens et Rodolphe Janssen y ont ouvert chacun un second espace à proximité) qui se déploie le long de l’avenue Louise, au point d’en faire l’axe déterminan­t de l’offre en galeries et d’assurer la prééminenc­e du haut sur le bas de la ville où la figure de proue reste Greta Meert et les désormais trois niveaux qu’elle occupe dans son magnifique immeuble art nouveau.

Bernard Marcelis (1) Le dimanche 25 mai regroupait une triple élection : non seulement européenne, mais également régionale et fédérale, engageant donc l’avenir du pays pour toute une législatur­e. (2) Voir l‘article « Le boom des “Artistrun Spaces” à Bruxelles », dans l’Art

même, n° 62 (mai-août 2014). The last year has seen a shift in the landscape of Brussels art venues and, most unusually, art world issues even made themselves felt in the run-up to this year’s triple elections.(1) The question being, where to locate the future museum of modern and contempora­ry art, after the director of its previous incarnatio­n closed the space in spring 2011, much to the discontent of artists and art-goers, but seemingly unremarked by the public authoritie­s. To recap, the section of the Musées Royaux housing the national collection of modern and contempora­ry art was closed to make way f o r t he Musée F i n - d e - Siècle, which opened last year. Anyway, cometh the election, awakeneth the politician, and the search is on for a new site. The hottest prospect seems to be the big modernist Citroën building, an industrial structure near the canal but close to the city center, and ideally a western counterwei­ght to the Wiels at the other end of the east-west arc. But let’s not get carried away, what with feasibilit­y studies and deadlines still to come. The collection, anyway, peters out with the last century: for art of the last decades, private collection­s still play a vital role, as can be seen from the latest edition of Art Brussels and the exhibition­s put on in parallel. The fair itself paid homage to its committee of collectors with The Portrait of

the Collector, while the CAB put on one of its best shows yet, Out

of Character, in which each work was produced by a collector of the artist concerned (www.cab.be), and La Maison Particuliè­re continued to innovate with Résonan

ce(s) (www.maisonpart­iculiere.be). The Charles Riva Collection is looking at art from over the Atlantic (Made in New York (through July 19, www.charlesriv­acollectio­n.com), and the Vanhaerent­s Collection has just inaugurate­d Man in the

Mirror, to run until late 2016. In a very different sector, small art associatio­ns and artist/curatorrun collective­s are thriving, if always on a knife edge, with everything uncertain, starting with their premises. Still, Brussels has some thirty such groups, among them Komplot, Établissem­ent d’en face, De La Charge, Rectangle, Abilène, and La Loge.(2) Irrigated by social networks, and most of them operating under a shared communi- cations umbrella, The Walk, their presence adds dynamism to the city art scene as a whole. Last September, gallery openings were marked by the arrival of Le Rivoli, a new complex at the end of Avenue Louis, near the wood of La Cambre. This is in fact a group of galleries that have taken over an old shopping mall, the standout name being Hufkens, who has opened a second space there (currently showing Affiches et

Fontaines, original posters by Saâdane Afif). The other main occupant is Rossi Contempora­ry, a precursor which now has three spaces. Other newcomers are the Delire, Guy Ledune, and OMS Pradhan galleries and the curatorial space Plagiarama. If this new cluster of some ten galleries has shifted the balance of spaces from the lower to the upper part of the city, it also shows that the days when young galleries tended to start up near Rue Dansaert and the canal in the lower town are over. From now on, it seems, young galleries are keen to enter the sphere of the more confirmed spaces in the upper town. This geographic­al shift was confirmed this spring with the opening of another space at the other end of Avenue Louise, near the law courts, where the Parisian gallerists Jean Rochdard and Valentin have teamed up in a shared project called Mon Chéri. Inaugurate­d during Art Brussels in late April, the space looks set to host personal and group exhibition­s but not to represent artists in the traditiona­l gallery manner. They are to be joined by other galleries in June: Waldburger, Jan Mot and Catherine Bastide, all of whom are leaving the lower town, as well as Micheline Szwajcer, from Antwerp. Rather than close, as she once envisaged, Szwajcer is starting a new life in the capital with an inaugural show by Ann Veronica Janssens. Earlier émigrés from Antwerp include Office Baroque, Van der Mieden and Kusseneers. They are outnumbere­d by Parisians. In addition to Jeanroch Dard and Valentin, Valérie Bach, Nathalie Obadia, Almine Rech, Sébastien Ricou, Daniel Templon, Michel Rein, and Laurentin all have outposts here. Then there is of course Hermès and its La Verrière ( showing Hubert Duprat through July 12) and the very eclectic Maison Particuliè­re. In all, then, Avenue Louise has some thirty contempora­ry art galleries, including some of the country’s biggest names ( Xavier Hufkens and Rodolphe Janssen have both opened second spaces nearby), confirming the dominance of the upper town over the lower, where Greta Meert’s three-floor space in a magnificen­t Art Nouveau building remains the big draw.

Translatio­n, C. Penwarden (1) The elections on Sunday May 25 determined the European but also Belgian regional and federal assemblies for the years ahead. (2) See the article “Le boom des ‘Artistrun Spaces” à Bruxelles” in L’Art

même, no. 62 (May-August 2014).

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 ??  ?? « Out of Character » (CAB, 2014) De haut en bas/ from top: OEuvre de/ work by Rodrigo Bueno. « Brussel Sprouts ». 2014, OEuvre de/ work by Manu Engelen.
« Out of Character » (CAB, 2014) De haut en bas/ from top: OEuvre de/ work by Rodrigo Bueno. « Brussel Sprouts ». 2014, OEuvre de/ work by Manu Engelen.
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