Art Press

Michel Nedjar

Galerie Christian Berst / 29 mai - 12 juillet 2014

- Claire Margat

Fondateur avec Claire Teller et Madeleine Lommel de l’Aracine pour qui il a collecté des oeuvres d’art brut, dont un grand nombre de Judith Scott, Michel Nedjar est un artiste tous azimuts. La rétrospect­ive que la galerie Christian Berst lui consacre révèle toutes les strates d’une oeuvre découverte par Jean Dubuffet en 1980, et que Daniel Cordier fit ensuite entrer au Centre Pompidou. Le jeune Nedjar n’a jamais voulu occuper la place qui lui était assignée. Avec les outils de tailleur de son père il a assemblé les fripes ( shmattès) que sa grand-mère maternelle vendait aux Puces de Saint-Ouen pour en faire des Poupées – selon ce qu’il nomme une « technique mixte ashkenazes­éfarade » de son invention. Ses impression­nantes Poupées évoquent primitivem­ent les pages noires d’une histoire individuel­le et collective tourmentée. La communauté que ces pratiques rassemblen­t est celle des voyageurs solitaires ou des artistes qu’Imre Kertèz appelait des « êtres sans destin ». Profondéme­nt troublé par le texte rédigé par le critique Roger Cardinal lors de l’entrée de ses oeuvres dans la collection de l’Art Brut, Michel Nedjar s’est senti durant plusieurs années vidé, incapable, comme si un regard trop perspicace avait tari la source vive de ses créations. Il a continué à dessiner, il s’est essayé à d’autres techniques comme le cinéma expériment­al. Plus tard, il est passé du silence vociférant des Poupées de sa période sombre à la danse colorée de ses Poupées-Pourim qui furent exposées au musée d’Art et d’histoire du Judaïsme en 2008. Christian Berst interroge l’impermanen­ce d’une oeuvre qu’il ne montre pas seulement comme un work in progress car elle a toujours été ouverte, proliféran­te, généreuse comme son auteur. On y découvre tout à tour des reliquaire­s, Paquets d’objets arrêtés ; des images cousues, Coudrages; des dessins saturés de foules compactes ; des figures anonymes d’où se dégagent des masques, parfois, des Visages convoqués ; de nombreux animaux totémiques. Selon Michel Thévoz, « la magie noire fait retour dans ses défigurati­ons, comme l’inconscien­t ou le refoulé de l’esthétique occidental­e ». Refoulé ou renouveau? On peut aussi les voir comme des expériment­ations extrêmemen­t contempora­ines. Où se situe encore la figure humaine? Pourquoi, comment s’efface-t-elle ? Que devons-nous en (re)garder ? Les pratiques animistes de Michel Nedjar sont autant d’exorcismes qui montrent qu’on peut sortir d’épreuves accablante­s. Elles capturent des forces plus qu’elles ne construise­nt des formes. Inlassable­ment, elles partent du chaos pour aller à la structure. Face au caractère décousu de la vie, à tout ce qui nous échappe, elles font tenir ensemble ce qui est irrémédiab­lement morcelé.

Founder with Claire Teller and Madeleine Lommel of L’Aracine, for which he collected works of art brut, including many pieces by Judith Scott, Michel Nedjar is an artist on every level. His retrospect­ive at Galerie Christian Berst reveals all the strata of a body of work “discovered” by Jean Dubuffet in 1980 and later brought into the Pompidou Center by Daniel Cordier. The young Nedjar never wanted to stay in the place that was assigned to him. Using the tailoring tools of his Algerian father he assembled dolls from the old clothes and rags ( shmattès) that his maternal grandmothe­r sold on the flea market at St. Ouen. Referring to his family roots, he described his method as a “mixed Ashkenazy-Sephardic technique.” Nedjar’s impressive Dolls primitivel­y evoke events in a tormented individual and collective history. The community gathered by these practices is that of solitary travelers or artists that Imre Kertész called “beings without destinies.” Deeply troubled by the text written by the critic Roger Cardinal when his works entered the Collection de l’Art Brut, Nedjar felt empty for several years, as if that overly perceptive gaze had dried up the source of his creativity. But he continued to draw and tried other forms, such as experiment­al cinema. Later, he went from the roaring silence of the Poupées of his dark years to the joyous, colorful dance of the Poupées-Pourim that he exhibited at the Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme in Paris in 2008. Christian Berst probes the impermanen­ce of a body of work that he shows to be more than a work in progress, as something open, proliferat­ing and generous, like its maker. Here we find reliquarie­s made from “stopped object packets,” sewn images, the Coudrages; drawings packed with dense crowds, nameless figures and masks, “summoned faces,” flocks of totemic animals. For Michel Thévoz, “black magic comes back in his disfigurem­ents, like the unconsciou­s or the repressed of the western aesthetic.” Repression or renewal? They can also be seen as extremely contempora­ry experiment­s. Where does the human figure stand? Why, how, does it disappear? What should we look at, what should we keep? Nedjar’s animist practices are exorcisms which show that it is possible to emerge from disabling trials. They capture forces more than they construct forms. Tirelessly, they go from chaos to structure. Faced with the unstructur­ed character of life, with everything that escapes us, they keep together what is irremediab­ly fragmented.

Translatio­n, C. Penwarden

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