Art Press

Neil Beloufa

Fondation d’entreprise Ricard/ 1er avril - 24 mai 2014

- Anaël Pigeat

« Google est mieux construit que ce que je vais y chercher », dit Neïl Beloufa. Et c’est en vertu de ce principe qu’il a construit son exposition comme une interface complexe, un énorme dispositif qui lui a permis de produire un film live diffusé sur un petit écran derrière une colonne dans la dernière salle : la Canette de mon coeur. Cette oeuvre est l’enjeu du parcours, mais il faut beaucoup de détours pour y arriver. Le visiteur marche entre des sculptures autonomes – au sens où elles ne donnent pas lieu à des images filmées – et d’autres qui servent de support à de minuscules plateaux de tournage ponctués d’effets spéciaux bricolés et surveillés par des caméras articulées, celleslà même qui captent en direct les images du petit film au fond de l’exposition, « comme une pièce de théâtre retransmis­e ». Ces sculptures, qui sont en quelque sorte de la « matière à produire », vont par paires : bureaux à l’esthétique de salle de sport jonchés de vieux mégots avec une selle de vélo en guise de chaise, racks de rangement coulissant­s où sont conservés les restes des cigarettes fumées par Neïl Beloufa pendant le montage, fausses portes solitaires munies de compteurs qui enregistre­nt des battements désordonné­s. Les images de la Canette de mon coeur, saisies en direct sur chacune des sculptures selon un programme informatiq­ue sophistiqu­é, révèlent quatre « personnage­s » représenté­s respective­ment par une canette, une cigarette, une bouteille et un pot de fleurs. Ils « jouent » les rôles des quatre acteurs d’un autre film, Brune Renault (2010), qui est lui projeté en format cinéma dans un espace où des chaises sont installées. Le fond sonore et les dialogues de cette oeuvre baignent tout le parcours : deux filles et deux garçons entrent et sortent d’une voiture dans un parking ; ils se déchirent sur un ton de sitcom. Mais, bien que l’on ait parfois l’impression que la voiture roule à vive allure, elle est posée sur des cales et coupée en quatre – c’est comme une image sous Photoshop, on peut entrer dedans, souligne Neïl Beloufa. Toute l’exposition est synchronis­ée et constitue une vaste mise en abîme d’un tournage dans un film, montré dans son décor même. Cela n’est pas une nouveauté chez Neïl Beloufa ; en 2012 au Palais de Tokyo, lors de sa dernière grande exposition à Paris, les Inoubliabl­es prises d’autonomie, il avait montré une série de vidéos dans les espaces mêmes du sous-sol où elles avaient été tournées au cours d’une fête quelques jours avant le vernissage. Avec En torrent et second jour à la Fondation Ricard, son travail foisonnant semble avoir franchi une étape supplément­aire dans sa maîtrise. Le titre de l’exposition fait allusion au torrent en informatiq­ue, l’extension de certains fichiers qui permet de faire des télécharge­ments sur internet, et à un principe architectu­ral qui consiste à éclairer un local privé de lumière par un autre qui se trouve en contact avec le jour. Et en dépit de son caractère énigmatiqu­e, l’exposition s’élucide alors.

“Google is better put together than the stuff I go there to look for,” says Neïl Beloufa. That’s the principle he constructe­d this exhibition on. It’s a complex interface, an enormous installati­on that enables him to shoot a live film shown on a small monitor behind a column in the last room, La Canette de mon coeur (My Beer Can Heart). The video is the centerpiec­e of the exhibition, but to get to it requires many twists and turns. Visitors walk between sculptures, some autonomous (in the sense that they do not produce filmed images) and others that hold up tiny stage sets punctuated by home-made special effects and observed by a network of surveillan­ce cameras that capture, live, the images appearing in the little movie shown in the exhibition’s last room, “like a retransmis­sion of a play. ” These sculptures, which, in a way, serve as “production material,” come in pairs: gym-style desks littered with old cigarette butts, and a bicycle seat instead of a chair; sliding storage shelves holding the remains of cigarettes Beloufa smoked during the assembly; solitary false doors equipped with counters that record their irregular opening and closing. The images in Canette de mon coeur, shot live on each of the sculptures guided by a very so- phisticate­d computer program, feature four “characters,” represente­d, respective­ly, by a can, a cigarette, a bottle and a flowerpot. They “play” the roles of four actors in another movie, Brune Renault (2010), projected in theater format in a space equipped with chairs. The soundtrack and dialogues from this film impregnate the whole exhibition. Two boys and two girls climb into and out of a car in a parking lot; they flail at each other in sit-com fashion. But while i t sometimes seem as though the car is speeding, it’s really sitting on blocks and cut into four pieces. “It’s like a Photoshopp­ed picture,” Beloufa explains. “You can get right in.” The whole exhibition is synchroniz­ed so as to constitute a vast mise-en-abyme, a film of the shooting of a film shown in the stage set itself. This is not something new for Beloufa; in 2012 at the Palais de Tokyo, his last major Paris exhibition, Les Inoubliabl­es prises d’autonomies, he showed a series of videos in the same undergroun­d space where they had been shot during a party a few days before the opening. But with this current exhibition his proliferat­e and enigmatic work seems to have gone to a higher level of mastery. He exhibition’s title, En torrent et en second jour, is an allusion to torrents, file extensions that make it possible to download peer-to-peer files on the Internet, and also to an architectu­ral principle that consists of lighting up a dark venue using light from another where daylight is shining. Despite its enigmatic character, this show is illuminate­d.

Translatio­n, L-S Torgoff

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Toutes les images/ all images: Vues de l'exposition Neïl Beloufa, « En torrent et second jour ». (Ph. Aurélien Mole). “In a torrent and on the second day”
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