Formes simples
Centre Pompidou / 13 juin - 5 novembre 2014
Une exposition sur des formes simples peut être complexe, alambiquée et problématique. Tel est le premier constat, quelques heures après l’avoir arpentée en compagnie de son commissaire, enthousiaste et communicatif, Jean de Loisy. Son concept, séduisant, valait pourtant la peine d’être mis en application. Mais son ambition, sans doute démesurée, ne pouvait que se heurter, compte tenu du temps, relativement court, qu’a nécessité sa concrétisation, à un noeud d’interrogations pas forcément synonymes de réponses satisfaisantes. L’idée première, fidèle en cela à la vocation du Centre Pompidou, était de jouer la carte de la transdisciplinarité et d’exposer des formes simples extraites des arts plastiques mais aussi des sciences, techniques, technologies, industries, archéologies et d’un quotidien compris au sens expansif du terme. La deuxième était de ne pas se cantonner à la modernité et encore moins au modernisme et de conjuguer des oeuvres, propositions et productions issues de la préhistoire jusqu’à nos jours en restant, là aussi, perméable à des émanations extra-plasticiennes (objets naturels, spirituels, outils, arts appliqués et décoratifs, etc.). Le dernier parti pris, singulier et déroutant, est d’avoir marginalisé, pour ne pas dire écarté, le pourtant bien nommé minimalisme sous prétexte que les formes simples ne sauraient se réduire à la mainmise et l’hégémonie de la toute puissance du géométrique. Certes, mais dans la mesure où d’autres « écarts » géométriques ont été tolérés et assimilés par le commissaire, pourquoi ne pas avoir pris la peine de le souligner. Et ce d’autant plus que l’exposition a une portée pédagogique et qu’elle est censée drainer un public non spécialiste, l’apport et l’impact de stratégies consolidées au début des années 1960 traduisant une esthétique de l’épure, étant donné que cette même épure a été, encore une fois, accentuée dans une toupie de l’île de Bornéo, une assiette de friandises japonaise du 17e siècle ou un oeuf d’autruche… non daté. Enfin, le parcours avec ses dix-sept sections, encastrées dans un espace in fine relativement restreint, ne favorise pas non plus la simplicité. Peu importe, à l’image des nombreuses expositions transdisciplinaires produites par Jean de Loisy ces dernières années, Formes simples s’avère résolument généreuse et attachante, riche en perspectives, aussi rudimentaires soient-elles. Son côté intuitif et bricolé ne rencontrera vrai- semblablement pas l’approbation de certaines communautés scientifiques. Sans doute lui reprochera-t-on aussi et à raison ce mélange de surabondance et prolixité étouffantes et d’impasses injustifiées pour ne pas dire injustifiables. Mais l’exposition vaut le détour et le voyage pour l’indéniable qualité et complémentarité des pièces retenues par le commissaire. D’une certaine manière, elle évoque le titre d’une pièce de Thomas Bernhard de 1986 : Simplement compliqué.
Erik Verhagen An exhibition based on the idea of simple forms can be complex, convoluted and problematized. That was my immediate impression, as reflected in what I first wrote a few hours after having wandered through the show in the company of its enthusiastic and communicative curator, Jean de Loisy. The concept was interesting, and worth putting into practice, but given the relatively short time available to do so, his clearly overextended ambition inevitably ran up against a number of questions that are not necessarily given satisfactory answers. The initial idea, in keeping with the Pompidou Center’s mission, was to emphasize a cross-disciplinary approach and show simple forms, not only from the visual arts but also science, technology, industry, archeology and daily life in the broadly defined sense of the term. The second criterion was to go beyond the boundaries of modernity and especially modernism and bring together artworks, productions and other objects from prehistoric times through our own, while, once again, remaining permeable to emanations from fields other than the fine arts, such as natural and spiritual objects, all kinds of tools, the applied and decorative arts, etc. The third decision, as consternating as it was unique, was to marginalize, if not exclude, Minimalism (surely related to simple forms?), with the excuse that the category simple form cannot be reductively brought under the heel of all-powerful geometry. True, but since the curator tolerated and included other geometric transgressions, why not bother to bring out, especially for the general public that this show was supposed to help educate, the impact of strategies consolidated in the early 1960s that represented a clean and uncluttered aesthetics, especially since these same aesthetics were included in the show and even highlighted—in a top from Borneo, a seventeenth-century Japanese plate for serving sweets and an (undated) ostrich egg. Furthermore, the exhibition layout, divided into seventeen sections crammed into a relatively tight space, was hardly an example of simplicity itself. But nevertheless, like many of the multi-disciplinary exhibitions de Loisy has organized over the last few years, Formes simples turned out to be highly generous, endearing and rich in perspectives, however rudimentary they may have been. Some art academics will not approve of its intuitive and DIY dimension. Undoubtedly the curator will be reproached, and correctly so, for a stifling mix of overabundance and prolixity, and dead ends with no explanation or, really, excuse. But this show is worth the trip to Metz because of the undeniable quality and complementarity of the pieces the curator assembled. In a way, the show would have deserved the name Thomas Bernhard used for a play in 1986: Simply Complicated.
Translation, L-S Torgoff