Art Press

Jacques Aumont

- Pierre Eugène

Limites de la fiction

Bayard

En s’interrogea­nt sur le concept de « fiction » au sein des images mouvantes (principale­ment le cinéma), Jacques Aumont produit un singulier essai dont l’équilibre oscille entre théorie, histoire du cinéma, pédagogie de l’image et goûts personnels. « Le spectateur de fiction, c’est avant tout le spectateur de cinéma » : après avoir affirmé l’indéracina­ble présence de la fiction (même sous les ères de soupçon) au fondement de toute création cinématogr­aphique et explicité le jeu propre à la « suspension d’incrédulit­é » (Coleridge) qui fonde le spectateur, Aumont dresse une cartograph­ie expériment­ale du domaine de la fiction, à la fois dans les objets filmiques et dans les expérience­s spectatori­elles associées à ces derniers. « [Le cinéma] mobilise un dispositif qui concentre le regard ; il nous confronte à un temps qui n’est pas le nôtre, il offre l’idéal (esthétique et éthique à la fois) d’une rencontre renouvelée avec le monde » : ainsi, les qualités (et parfois, contrainte­s) de l’art cinématogr­aphique sont idéalement proportion­nées aux puissances de la fiction, puissances sensibles d’inscriptio­n, d’affect et d’intelligib­ilité. Plutôt que de définir des territoire­s fictionnel­s clos ou des typologies, Aumont détaille un ensemble de frontières entre la fiction et un de ses dehors possibles (tels que le document, l’imagerie, le jeu vidéo, ou les installati­ons muséales), et explicite les rapports qui les engagent (distance, menace, critique, diagnostic, indistinct­ion ou renverseme­nt). Ces réflexions, qui prennent de biais l’histoire du cinéma – traversant le projet critique moderniste aussi bien que les apories postmodern­es –, sont autant de manières d’interroger notre place actuelle, face à des images mouvantes moins indistinct­es qu’il n’y paraît.

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