Portraits d’intérieurs
NMNM / 10 juillet 2014 - 18 janvier 2015 Portraits d’intérieurs est une exposition construite autour de l’idée de décor, jouant avec le contexte du Nouveau Musée National de Monaco installé en partie dans une villa de style Belle Époque, ancienne demeure du peintre Robert Sauber. Ce projet est aussi né de la rencontre entre deux oeuvres appartenant à des collections privées : une chambre imaginaire de Marc-Camille Chamovitz dédiée à Jean Cocteau, et une installation de Nick Mauss inspirée d’une antichambre créée par Christian Bérard pour l’Institut Guerlain à Paris en 1939. Ces deux pièces se font écho en proposant au spectateur une mise en scène de différentes oeuvres puisées dans les collections du musée. Elles font aussi se retrouver un duo célèbre notamment pour le film la Belle et la Bête, dont Christian Bérard a signé les décors. Ancrées dans plusieurs histoires, ces installations multiplient les éléments d’intersection. Les accrochages, le papier peint et le rideau de Marc Camille Chamovitz renvoient autant à l’aménagement intérieur qu’aux décors de scène, tandis que la porte capitonnée de Nick Mauss ouvre sur un espace s’affirmant comme représentation. Dans ces environnements, le regard est interpellé sur les seuils où il se positionne. Wantee de Laure Prouvost prolonge ces perspectives en convoquant l’idée de l’espace intime comme arrangement entre différentes histoires personnelles et familiales, singulières et collectives, où la fictionnalisation se situe dans la relation entre les divers éléments rassemblés. À Monaco, où la condition princière associe mise en scène de soi et construction d’une mythologie collective, le choix de Marc Camille Chamovitz de montrer des photos de Cocteau prises par Lartigue lors du mariage princier de Rainier III, ainsi que le portrait de Caroline par Warhol, est d’une grande cohérence et met particulièrement en exergue la pièce de Laure Prouvost. Ces trois oeuvres sont prolongées par un ensemble de Body Double de Brice Dellsperger, dans lequel il incarne les personnages de plusieurs extraits de Pulsions de Brian de Palma (1980), présentés dans une scénographie accentuant les effets de mise en abîme. Sa dernière vidéo, tournée à Transpalette à Bourges et axée sur la manipulation de la perception de l’espace, est une nouvelle étape de sa réflexion sur le jeu et l’illusion. Une actrice en crise expose ses doutes en plein tournage, mais se retrouve sans cesse repoussée hors champ par son double qui n’est jamais tout à fait le même (Brice Dellsperger a invité Natacha Lesueur). Ici, l’effet de répétition est moins temporel que spatial. Isola Bella de Danica Dakic se présente comme un ancien cinéma où les acteurs du film projeté sont les pensionnaires d’un institut en Bosnie. Des outils de jeux sont mis à leur disposition – masques, piano, plateau – dans un dispositif accentué par le collage, au mur, de la reproduction d’un papier peint panoramique célèbre du 19e siècle et qui donne son titre à la pièce. Devant ce décor, les individus défilent et se livrent parfois, affirmant la théâtralité des existences. Portraits d’intérieurs est ainsi une succession de jeux de cadrage entre différents niveaux d’illusion, amenant l’image dans le réel et montrant son pouvoir de scénarisation. The exhibition Portraits d’intérieurs is not just about interior decoration but rooms within rooms within rooms. The first level is the interplay with its setting, the Nouveau Musée National de Monaco located in a Belle Époque villa that was once the home of the painter Robert Sauber. Another level comes from the pairing of two works belonging to private collections, an imaginary bedroom for Jean Cocteau designed by MarcCamille Chamovitz and an installation by Nick Mauss inspired by an antechamber conceived in 1939 by Christian Bérard for the Institut Guerlain in Paris. These two rooms are further made to echo by the staging of various works selected from the museum’s collection. The rooms themselves reprise the creative partnership formed by Cocteau and Bérard, whose most famous collaboration was for Beauty and the Beast, directed by Cocteau with Bérard’s set designs. The installations make various narratives intersect again and again. The hangings, and the wallpaper and curtain designed by Marc Camille Chamovitz, are examples of set design as well as interior decoration, and Mauss’s padded door opens onto a space clearly intended to be a representation. No matter where visitors are positioned in these environments, their gaze is drawn to the doorways and other structures that frame them. Laure Prouvost’s Wantee heightens this game of perspectives by suggesting the idea of private space as an arrangement between different personal and family narratives, unique and collective, where the fictionalization derives from the relationship between the diverse elements brought together. There is a powerful synergy between the setting and the sets. Monaco’s status as a principality implies a mise-en-scène of individuals and the construction of a collective mythology—and Chamovit’s choices, his decision to show photos of Cocteau taken by Lartigue during Prince Rainier III’s royal wedding and Warhol’s portrait of Princess Caroline— heighten this effect and particularly highlight Prouvost’s piece. In the same vein, Brice Dellsperger’s ensemble Body Double features himself playing characters in scenes taken from Brian de Palma’s 1976 movie Obsession. Dellsperger’s set radicalizes the mise-en-abyme. His latest video, shot at the Transpalette art center in Bourges, about how our perception of space can be manipulated, marks a new stage in his exploration of games and illusions. In his most recent film an actor cracks up and gives fill rein to her doubts in the middle of a film shoot and is repeatedly pushed off camera by her constantly metamorphosing body double (Dellsperger brought in Natacha Lesueur). Here the effect of repetition is not so much temporal as spatial. The conceit in Danica Dakic’s Isola Bella is a former movie house where the actors in the film being shown are patients in a Bosnian home for the disabled. The theatricality of the elements they are given—masks, a piano and a stage—is heightened by the reproduction, covering a wall, of a famous nineteenth-century wallpaper design, a panoramic view of the island that gives this film its name. On this set the characters appear and sometimes speak, testament to the theatricality of our existence. Thus Portraits d’intérieurs is a succession of frames within frames where different levels of illusion put the image in the context of the real and demonstrate reality’s power to script our lives.
Translation, L-S Torgoff