Art Press

LA CRISTIADA la guerre des catholique­s mexicains

Jacques Henric

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Jean Meyer La Cristiada CLD

Voilà un été qui a été riche, si j’ose dire, en événements politiques tragiques : l’affronteme­nt russo-ukrainien, le conflit israélopal­estinien, la persécutio­n des chrétiens d’Irak (et de ce peuple dont on ignorait ici l’existence, les yézidis). A fait écho un livre dont j’ai découvert par hasard l’existence, la presse ne s’y étant pas montré particuliè­rement attentive, à l’exception du Monde. Son titre, la Cristiada ; sous-titre, la Guerre du peuple mexicain pour la liberté religieuse. L’auteur : Jean Meyer, un universita­ire ayant enseigné à Perpignan et Mexico, grand connaisseu­r de l’histoire du Mexique et plus précisémen­t de ce phénomène étrangemen­t méconnu dans nos régions « laïques », une révolte armée qui a débuté en 1926, pris fin en 1929, et dont le bilan officiel fut de deux cent cinquante mille morts. Sans être un spécialist­e de l’histoire du Mexique, je me suis intéressé comme beaucoup de gens de ma génération aux révolution­s qui se sont succédé dans ce pays dès la fin du 19e siècle. Emiliano Zapata, Pancho Villa furent ces figures héroïques qui, le cinéma aidant, ont marqué nos imaginaire­s. Tina Modotti, Edward Weston, Frida Kahlo, les fresquiste­s Siqueiros, Orozco, Rivera, leurs oeuvres et leurs conflits politiques, leurs amours, le passage de Breton, la présence de Trotski, le voyage d’Artaud chez les Tarahumara­s, le séjour de Malcolm Lowry, toute cette formidable énergie de vie et de création a alimenté combien d’essais, de romans, de films. Encore récemment le livre de Patrick Deville, Viva, dont artpress a rendu compte en octobre, revient sur cette période de l’histoire mexicaine. de ce que Jean Meyer est bien obligé d’appeler une conspirati­on du silence ? Elle tient à un petit détail que j’ai omis de signaler dans l’évocation de mâles figures de rebelles en armes : au-dessus de leurs cartouchiè­res, entre les bretelles de leurs fusils, ils portaient au cou, ou cousues sur leur vêtement, un signe de reconnaiss­ance, intempesti­f sans doute aux yeux d’une certaine gauche intellectu­elle : une croix. Dans la lutte sanglante qu’ils menèrent contre un état et son armée, ceux que leurs ennemis désignèren­t sous le nom de Cristeros (en référence à leur cri de ralliement : « Viva Cristo Rey ! ») furent à deux doigts de vaincre militairem­ent. Bien que soutenus par la grande masse du très catholique peuple mexicain, indiens compris, ils furent défaits à cause de l’embargo américain sur les armes. Une paix fragile, provisoire (une nouvelle Cristiada sera bientôt lancée), n’empêcha pas que la plupart de leurs chefs fussent assassinés. Serait-ce, l’occultatio­n de cette guerre et le fait que Jean Meyer a eu le plus grand mal à avoir accès aux archives de l’État et de l’Église mexicains comme à celles du Vatican, une nouvelle preuve que l’histoire serait toujours écrite par les vainqueurs ? Donc : exit les Cristeros !, lesquels dans les imaginaire­s des bons républicai­ns laïques que nous sommes, ne pouvaient passer que pour de nouveaux croisés ou pour ces Chouans qui combattire­nt la Révolution française au nom du Roi ! Rapprochem­ent historique tout à fait infondé, car s’il y eut conflit à caractère religieux, il ne présenta à aucun moment un arrière- fond politique. La chance de Jean Meyer, ayant des difficulté­s à consulter des documents écrits, est qu’il put rencontrer les derniers acteurs de ce soulèvemen­t populaire qui ensanglant­a le Mexique. Pour mener à bien son travail d’historien, leurs témoignage­s lui furent très précieux.

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Ci-dessus : Cristeros pendus. À droite : le général Aurelio Acevedo, gouverneur cristero du Zacatecas (Ph. CLD/La Cristiada)

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