Art Press

Kyoto : réouvertur­e de la Villa Kujoyama

Anaël Pigeat

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Il était question qu’elle ferme, mais la Villa Kujoyama vient de rouvrir après plusieurs mois de travaux. Cette résidence d’artistes est installée dans la ville de Kyoto, et placée sous l’égide de l’Institut français. Un duo de directeurs vient d’y prendre ses fonctions avec un projet dynamique et renouvelé.

Les origines de la Villa Kujoyama remontent à 1927, époque à laquelle Paul Claudel initie l’Institut franco-japonais du Kansaï, dans les collines boisées au-dessus de Kyoto, sur un terrain offert par une famille d’industriel­s japonais, les Inabata. Après le déménageme­nt de l’Institut dix ans plus tard, dans un bâtiment construit en ville près de l’Université, les lieux sont laissés à l’abandon pendant plus de cinquante ans. De nouveau grâce à des fonds des Inabata, l’actuelle Villa Kujoyama est construite en 1992 par l’architecte japonais Kunio Kato, très inspiré par l’esprit de Le Corbusier, pour devenir une résidence d’artistes gérée par l’Institut français, la première au Japon. Au cours des dernières années, on lui a reproché son trop grand isolement par rapport à la vie artistique japonaise, et les moyens ont commencé à manquer. Alors que la fermeture guettait, le soutien de Pierre Bergé a rendu possible la rénovation qui vient de s’achever, et celui de la Fondation Bettencour­tSchueller permet à présent l’accueil des résidents. La nouvelle Villa Kujoyama vient d’être inaugurée par Laurent Fabius. Le choix d’un duo de directeurs franco-japonais témoigne d’une forte volonté d’ouverture. Christian Merlhiot et Sumiko Oé-Gottini, qui sont respective­ment artiste et productric­e, ont des profils complément­aires ainsi qu’une connaissan­ce intime du contexte japonais et de la Villa Kujoyama – Christian Merlhiot ayant été résident en 2011. Ils ont aussi travaillé ensemble au Pavillon, résidence d’artistes du Palais de Tokyo, en tant que responsabl­e de la programmat­ion et coordinatr­ice. Ange Leccia, créateur du Pavillon à Paris en 2002, avait choisi ce nom en hommage au Pavillon d’Argent, l’un des principaux temples de Kyoto ; il a été parmi les premiers résidents de la Villa Kujoyama. Les discipline­s ont toujours été nombreuses à la Villa Kujoyama : danse, design, musique, architectu­re, bande dessinée, cinéma, mode, théâtre… Il est donc naturel que cette diversité se prolonge aujourd’hui, d’autant que l’art contempora­in s’interroge de plus en plus sur ses frontières. Toutefois, la liste des vingt-trois nouveaux résidents, présentés par une équipe de rapporteur­s et choisis par un jury de profession­nels, à de quoi surprendre au premier abord en raison de la forte représenta­tion des métiers d’art – par rapport aux plasticien­s notamment.

LA PLACE DES MÉTIERS D’ART

On est tenté d’associer ce qui semble être une nouvelle orientatio­n de la résidence au soutien de la Fondation Bettencour­t-Schueller qui accorde une attention particuliè­re à ce domaine, notamment avec son Prix pour l’Intelligen­ce de la main. Mais il semblerait aussi que ce choix prenne tout son sens à Kyoto, ancienne capitale du Japon où l’on trouve des milliers de temples et de nombreux trésors nationaux vivants, et où une quinzaine de familles puissantes règne sur l’artisanat d’art lié à la cérémonie du thé (chaudronne­rie, ikebana…). « Au Japon, une part artistique se loge dans la transmissi­on des savoirfair­e traditionn­els », explique Sumiko Oé-Gottini. Sans que cela soit bien sûr systématiq­ue, la création contempora­ine semble en effet y être souvent liée aux traditions – pour autant que l’on puisse en juger à partir de quelques exposition­s. Le programme de la Nuit Blanche, le soir de l’inaugurati­on de la nouvelle Villa Kujoyama, était intéressan­t à cet égard. L’Institut français étant l’organisate­ur de l’événement, certains projets étaient le fait d’artistes français inspirés par les traditions japonaises : la projection de la Mer d’Ange Leccia en dialogue avec une cérémonie d’ikebana faite par Maître Shuhô, ou l’exposition de Marie-Ange Guillemino­t dans un temple habituelle­ment fermé au public, avec des oeuvres inspirées par des costumes du musée d’Hiroshima et par des traditions locales. D’autres exposition­s et performanc­es étaient le fait de structures japonaises, l’événement semblant s’être glissé dans la vie artistique locale, par exemple l’exposition sur la mémoire d’Aki Kuroda (celui-ci vit à Paris mais est originaire de Kyoto où il revient plusieurs fois par an) et du jeune Takahiro Kondo, dans une fabrique de céramique traditionn­elle désaffecté­e, ou encore A Dark’s Night Tea Ga

thering, cérémonie du thé expériment­ale en sons et en vidéo par Takuya Minami, artiste du groupe des Dumb Type (qui compte Ryoji Ikeda parmi ses membres), avec Onishi Seiwemon, descendant d’une lignée de chaudronni­ers vieille de quatre cents ans – la performanc­e avait lieu au musée de la chaudronne­rie, dans une maison du centre ville. Christian Merlhiot explique le phénomène: « Au Japon, l’art contempora­in fonctionne comme une importatio­n, il commence à générer une économie à Tokyo mais pas à Kyoto (1) ; ici, l’art est toujours intégré à un mode de vie, à une attitude ». Ainsi s’expliquera­it donc l’arrivée parmi les résidents d’une plumassièr­e, Nelly Saunier ; d’une tourneuse de métal, Mylinh Nguyen ; d’une créatrice de bijoux, Céline Sylvestre ; d’une doreuse, Manuela Paul-Cavallier. Cette dernière, qui fait partie des premiers résidents (les suivants arriveront début 2015), a pour objectif

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